Apocalypse

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D'un coup d' œil je foudroie l'obscurité qui lorgne tout autour le rouge encore lumineux de la mare et d'un coup de pied je balaie, tandis que je me traîne, la main qui y baigne. Dans l'espace de cet instant, l'ennemi perd de son attrait et mon cœur alors ne palpite plus qu'en direction des faibles échos dont la voix semble, tapie dans le noir, me murmurer la raison de ses murmures.

« Tu es un assassin » dit-elle. « Tu es... » dit-elle cette fois en s'interrompant dans l'intention manifeste de me donner à entendre la complicité que jouent les mots entre eux, eux qui m'obligent à voir ma culpabilité par ce que j'entends. Silence. Elle tousse. Silence. Plus rien. La voix s'est tue.

Seul, je suis seul dans le noir et sens l'humidité d'une eau dont le lourd bruissement n'a rien d'amical et qui ne ressemble, à vrai dire, en rien à de l'eau. Je respire comme un bœuf et louche comme un oiseau qui prend feu. Je suis un homme ! Dis-je à voix haute pour me donner du courage. Mais en vérité, et plus encore à cet instant, je ne suis qu'un petit garçon dont les rides, les cernes et la moue persistante font dire aux autres que je suis grand.

J'ai peur. Comme une odeur de cigare froid ; la mort encense l'espace. Le liquide se rapproche et il fait toujours aussi noir.

D'ici peu le monde s'écroulera et les mers se cabreront sous le souffle infernal d'un vent qui précédera l'Apocalypse... ! Oui, je le sens, le sens intuitivement.

Mais apparaît soudain, une luciole, providentielle, qui virevolte – là, juste là ! regardez ! Elle m'apporte la lumière ! Et une si vive qu'une chose comme sa queue de comète éclate dans son sillage de sorte que c'est dans une constellation de milles petites lueurs bleutées que j'arrive enfin à voir, tout, parfaitement tout – le surhomme !

Je regagne mon calme en proportion de ce que le bruissement se fait de plus en plus menaçant ; et enfin, enfin ! le moment est venu : mes paupières s'abattent. J'attends ; j'attends paisiblement la fin.

Un chant quelque part. Je relève les yeux vers ce quelque part. Je ne vois plus la mare, ni la main. Je ne vois rien que des miroirs partout qui réfléchissent mes rides, mes cernes et mon sourire (troqué depuis contre la moue).

Arrive l'heure – l'heure qui me libérera de tout ! Mon cœur s'accélère ah ! Ma sueur dégouline ! Ma salive coule à flots ! Troué troué troué que je suis... !

La porte cède sous l'assaut de l'ennemi aqueux, informe. La lumière s'intensifie lorsque l'ombre en se ruant sur la mienne me fait perdre définitivement l'équilibre. Je tombe de ma branche. Je me cogne par terre. Et emporté par une vague noire, je me signe, heureux, tout en regardant la luciole virevolter au loin dans la nuit.

Quelques lunes plus tard, je suis retrouvé par la police : le corps étendu par terre, à côté des cafards et blattes du sous-sol. Un revolver. Une lettre. Une mare de sang (à présent séchée). Et dans la lettre à moitié rouge à moitié blanche, on lisait mon souhait le plus cher, désormais exaucé : J'ai... j'aurai tué un homme.

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