Novembre 1991, j’ai 15 ans. Ma frange indisciplinée s’agite au gré du vent. Elle devra encore attendre quelques bonnes années avant que le lisseur n’entre dans ma vie et lui donne une forme respectable.
Je sors du lycée et monte dans le bus qui me ramène à la maison. Je sors mon Walkman de mon sac à dos et place le casque sur mes oreilles.
30 minutes de trajet jusqu’à la maison, j’aurai le temps d’écouter une face entière de ma cassette piratée à la radio, à moins que je ne rembobine ma chanson préférée pour l’écouter en boucle… le morceau a beau être tronqué, la voix du chanteur de REM résonne dans mon petit cœur d’adolescente.
Les yeux dans le vague, je regarde le paysage défiler. J’ai un creux après cette longue journée de cours. Je farfouille à nouveau dans mon sac à dos et je trouve un vieux Raider un peu écrabouillé. Bon, ça fera l’affaire pour tenir jusqu’au dîner.
Arrivée à la maison, je trouve ma mère dans la cuisine, visiblement énervée.
- Salut M’man, ça va ?
Elle m’embrasse rapidement.
- Va dire à ta sœur qu’elle raccroche ! Ça fait deux heures qu’elle est pendue au téléphone avec je ne sais quelle copine, et moi j’attends que ton père appelle pour me dire s’il sera rentré pour le dîner. Si ça se trouve, il a déjà essayé.
Je monte les escalier quatre à quatre et rejoins ma sœur dans sa chambre. Affalée sur le lit, en face de son poster géant de Bryan Adams, elle glousse exagérément aux blagues de son interlocutrice.
Je lui fais signe de raccrocher.
- Papa doit appeler !
Elle fait la moue mais se résigne et finit par interrompre la conversation.
À peine quelques secondes plus tard, le combiné sans fil se met à sonner.
C’est mon père.
- Coucou ma chérie, je fais vite car je n’ai presque plus de crédit sur ma carte téléphonique. Dites à Maman que j’ai bien déposé Mamie à la gare. Il n’y avait pas de bouchons, je serai à l’heure pour dîner.
En attendant l’heure du repas, je me mets au travail pour boucler ce devoir de math qui ne m’enchante pas plus que ça. Je préférerais tellement me vautrer devant la télé avec ma sœur, me disputer avec elle pour la télécommande et rigoler des pubs pour le Minitel rose.
Mon regard se pose sur le dernier numéro d’OK Podium, posé par terre.
Non, je dois finir mes maths et ne pas me laisser distraire !
J’entends la voix de ma mère qui nous appelle. Papa est rentré, à table !
Sauvée par le gong !