07. Tant pis pour les Mojitos

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Joy

Le bar de l’hôtel, dont les baies vitrées sont ouvertes sur la piscine, est vraiment sympathique, mais l’ambiance est beaucoup plus guindée que lors de notre soirée de la veille. On est bien loin de la chaleur des quartiers cubains où résonnent les notes de salsa. Les touristes profitent d’une soirée calme, d’un fond de musique bas, de boissons de qualité, mais il manque la chaleur cubaine que nous avons pu découvrir hier soir.

Nous sommes allés nous balader aujourd’hui, sans avoir droit au circuit chargé que Théo et Kenzo ont expérimenté. Manolo nous a fait découvrir quelques coins beaucoup moins touristiques maintenant qu’il sait que nous savons apprécier les choses différemment, et que nous ne sommes pas attachés qu’au luxe similaire à l’hôtel.

Le regard appréciateur d’Alken lorsque je suis sortie de la salle de bain m’a confortée dans mon choix de tenue. J’ai acheté aujourd’hui une petite robe à motif fleuri, moulante jusqu’à la taille et dont la jupe longue est fendillée. Une fois encore, pas de soutien-gorge possible étant donné le dos nu, et je crois que cela le rend fou d’envie. Je surprends fréquemment son regard sur mon décolleté et prends un malin plaisir à découvrir ma cuisse en croisant les jambes. Manque de chance pour lui, ou pas d’ailleurs selon les points de vue, il est assis à côté de moi, et il lui suffirait de bouger sa main de quelques centimètres sur cette banquette pour que nos peaux entrent en contact. Au risque que mes camarades, installés face à nous, se rendent compte que notre professeur s’amuse à me tripoter. Alken est sage, jusqu’à présent, mais je ne doute pas qu’il a des pensées bien moins pures que le sujet des partiels de fin d’année que Théo a lancé, si j’en crois ses regards enflammés. Je ne sais pas comment les garçons font pour ne rien capter, ou alors ils sont trop occupés à se dévorer des yeux pour faire attention à nous. La situation est plutôt cocasse, en fait. Théo et Kenzo se cachent de nous, et nous, nous nous cachons d’eux. Si seulement tout le monde était honnête, ce serait tellement plus simple.

— Excuse-moi, dis-je en me penchant vers Alken, posant ma main haut sur sa cuisse pour récupérer quelques pop-corn près de lui de l’autre main. Ils sont délicieux, ces trucs, ma balance va me le reprocher, mais tant pis.

— Je crois que ta balance aurait tort de te reprocher quoi que ce soit, murmure-t-il en matant ma poitrine alors que je prends le temps de m’éloigner de lui.

— Tu diras ça à ton ex-femme quand elle nous reprochera d’avoir pris du poids et d’être gracieux comme des éléphants ? ris-je en glissant le bout de mon doigt dans ma bouche pour récupérer le sucre qui y est resté.

— Ecoute, Dumbo, on est en vacances, et ce n’est pas le moment de penser à la danse classique, me répond-il en souriant.

— Dumbo ? ris-je en posant mes mains sur mes oreilles. Tu sais que je pourrais me vexer ?

— Et quand Joy fâchée, elle toujours faire ainsi ? me demande-t-il en me tirant la langue.

Je m’apprête à répondre lorsque Théo et Kenzo se lèvent comme un homme.

— On va aller se coucher, nous, la journée a été crevante, dit Théo en posant un billet sur la table. Je vous offre la prochaine tournée, les amis.

— Vous êtes déjà fatigués, les jeunes ? L’air cubain ne vous réussit pas, vous passez plus de temps à dormir qu’à visiter ! se moque Alken sans savoir qu’ils ne font pas que dormir dans la chambre.

— On a passé la journée à se balader hier, alors que vous trainiez au bord de l’eau tous les deux, rit Kenzo. Bonne nuit, à demain !

— A demain, mon fils. A demain Théo. Faites de beaux rêves ! Soyez en forme pour l’anniversaire de Kenzo demain surtout !

Je leur souhaite une bonne nuit alors qu’ils sont déjà en train de partir, pressés de se retrouver en tête à tête sans avoir conscience qu’ils me laissent avec la tentation faite homme, en proie à mes désirs et incapable de lui résister, je crois.

— Tu reprends quelque chose à boire ? lui demandé-je après avoir terminé mon Mojito.

— Seulement si toi tu reprends quelque chose. Parce que j’ai juste envie d’être avec toi et de profiter du moment présent, Joy.

Je hèle le serveur et nous commandons deux autres Mojitos, et Alken pose finalement sa main sur ma cuisse nue, comme si maintenant que nous étions seuls, il ne pouvait plus se retenir. Je le laisse faire alors qu’il se tourne un peu plus vers moi, appréciant bien trop de retrouver le contact physique avec lui.

— Kenzo m’a dit que ton divorce était finalisé. Alors, ça fait quoi d’être de nouveau libre après plus de vingt ans ?

— Tant que je n’aurai pas trouvé le moyen d’être libre avec toi, ça ne change pas grand-chose, si je veux être honnête. A quoi sert la liberté si on ne peut la partager avec celle qu’on aime ? me dit-il alors que ses yeux plongent dans les miens.

— Tu pourrais savourer ton célibat plutôt que de t’enfermer à nouveau dans une relation. Aller de femme en femme. Tu as du succès, pourquoi tu n’en profites pas ?

— Parce que je suis tombé sur une femme exceptionnelle et que j'ai tout fait capoter. Là, j'ai encore l'espoir de pouvoir réécrire l'histoire, alors je continue mes rêves.

Sa main poursuit ses caresses sur ma cuisse, remontant à chaque fois un peu plus, ce qui me fait perdre un peu ma concentration sur ce qu'il est en train de me dire.

— J'ai la trouille, Alken, pour être moi aussi honnête avec toi, soupiré-je en promenant mes doigts sur sa main. J'ai bien envie de me lancer, sans penser au lendemain, mais les choses sont là, il y a des lendemains. Et j'ai peur qu'une fois rentré à Lille, tu me jettes encore. Et oui, j'ai peur que nous soyons découverts et que ma vie soit chamboulée alors que j'ai trop lutté pour entrer à l'ESD.

— Eh bien, ça ne donne pas envie de rentrer dans la grisaille du Nord, déclare-t-il en souriant tristement. Et si on passait le reste de notre vie ici, sur cette île dédiée à la danse et au soleil ? On pourrait s'aimer, danser librement, sans crainte pour le futur !

— Quel doux rêve, souris-je en l’embrassant au coin des lèvres.

— La vraie question, c'est comment on fait pour permettre à ce rêve de se réaliser. A Lille, car c'est là-bas qu'on vit. Je n'ai pas la réponse, Joy, je ne vais pas te mentir. Mais je sais que j'ai envie d'y réfléchir. Avec toi.

Je soupire et pose ma tête contre son épaule en réfléchissant à la question. Je l’ai dit, je sais que je vais craquer, et concrètement, je crois que j’ai déjà craqué. Mais l’avenir me fout la trouille.

— Je peux réduire mon nombre de soirées au bar, et je suis prête à accepter l’hôtel, mais tu n’as pas peur que Kenzo et Théo grillent que, bizarrement, nous ne sommes pas chez nous les mêmes soirs ?

— Ils auront du mal à s'en rendre compte, non ? Et je me dis que tu mérites mieux que l'hôtel, Joli Cœur, on pourrait mettre Kenzo dans la confidence. Il comprendrait que c'est ça qui nous rend heureux, je suis sûr.

— Si tu penses qu’il comprendra, on peut faire ça. Ce serait vraiment plus pratique, oui. J’espère juste que tu ne te plantes pas pour le coup, parce que sinon, on est mal, tous les deux, ris-je nerveusement.

— J'ai confiance en lui, même si je ne sais pas comment il réagira en sachant que ma milf a son âge ou presque et est une de ses amies. Mais j'y pense, s'enthousiasme-t-il en posant ses mains sur mes épaules, tu es en train de me faire comprendre que tu n'es pas contre essayer de vivre nos rêves !

— J’étudie les possibilités, Monsieur O’Brien. Je… suis amoureuse de toi, je me sens bien avec toi et j’ai envie de voir où ça peut nous mener. Ça me fiche la trouille, mais je crois que le jeu en vaut la chandelle.

— C'est normal d'avoir peur, ma belle Joy, mais je crois que ça, ça peut aider à l'affronter.

Il passe ses mains dans mon dos et m'attire contre lui. Nos lèvres se retrouvent comme si elles ne s'étaient jamais séparées et je gémis doucement sous l'ardeur de son baiser. Ma langue s'enroule autour de la sienne et commence une danse qui m'a bien trop manqué.

— Je crois qu’effectivement, ça peut aider, ris-je en glissant mes mains sous son tee-shirt. Si ça pouvait suffire, ce serait parfait. Tu m’as manqué, charmant comptable.

— Smith a bien fait de prendre ses vacances à Cuba, me répond-il en me déshabillant du regard. Et je crois bien qu'il n'a pas envie d'aller au lit seul ce soir. Tu crois que ça peut s'arranger ?

Pour toute réponse, je pose à nouveau mes lèvres sur les siennes et savoure ce contact rapproché. Après s’être tournés autour tout en gardant nos distances, je crois que tout mon être jouit de ces retrouvailles physiques, sans pouvoir imaginer ne pas poursuivre et approfondir encore les choses. C’est un raclement de gorge qui nous interrompt et je dois rougir encore davantage en constatant que le serveur, son plateau à la main, a un sourire en coin.

— Vous voulez peut-être que nous apportions vos consommations dans votre chambre ? nous demande-t-il dans un anglais parfait, teinté d’un joli accent.

— Non, ça ira, répond Alken en anglais. Mettez les au frais, je pense que nous allons être trop occupés pour en profiter.

Je souris et me lève alors que le serveur repart avec nos verres, bien conscient de ce que nous risquons de faire dans les prochaines minutes. C’est à la fois un peu embarrassant et excitant, d’ailleurs.

— Je ne sais pas pour toi, mais moi j’ai envie de tester le Spa de notre suite… Il me fait de l'œil depuis que nous sommes arrivés.

— Avec toi, je suis prêt à tout essayer. Mais je te préviens, j'ai une folle envie de toi. Il risque de faire très très chaud dans la salle du spa.

— Tu crois ? souris-je en attrapant sa main pour l’entraîner hors du bar. Mieux vaut que j’évite d’aller récupérer mon maillot dans ma chambre alors, comme ça je ne réveillerai pas les garçons, et c’est une couche de vêtements inutile.

— Je t'aime, Joy, se contente-t-il de répondre, tout sourire.

Je ne lui réponds pas tout de suite et appuie sur le bouton de l’ascenseur qui s’ouvre rapidement pour nous laisser monter. J’appuie sur le bouton de notre étage et m’adosse au mur de verre en l’attirant contre moi pour échanger un nouveau baiser enflammé. Ses mains m’enserrent et me caressent, sa langue joue avec la mienne et tout mon corps vibre contre le sien, avide de retrouver toutes ces sensations dont il a si longtemps été privé.

— Je t’aime aussi, Alken, essaie de ne pas l’oublier la prochaine fois, j’ai trop besoin d’être là, au creux de tes bras, pour qu’on ne tente pas d’y arriver malgré les embûches.

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