23. La voiture à sourires

9 minutes de lecture

Joy

— Bon weekend Léon ! Et si tu as un problème, n’hésite pas à appeler, d’accord ?

— Joy, je ne suis pas sénile, ça va aller, promis !

Je lève les yeux au ciel et l’embrasse sur la joue avant de sortir de la maison pour retrouver Alken dans sa voiture. Un weekend en tête à tête, le pied ! La plage, le soleil, l’amour, que demander de plus ?

— Attendez-moi !

J’ouvre grand les yeux en voyant Théo refermer la porte d’entrée, en chemise hawaïenne et en short.

— Il fait quoi, là ? demandé-je à Alken. C’est quoi ce délire ?

— Il vient avec nous, on dirait, dit-il en souriant à la vue de mon colocataire. Je lui ai dit de venir s’il voulait essayer de renouer le lien avec toi et on dirait bien qu’il a envie d’essayer. Ou de jouer au touriste à Bray Dunes. Qui sait ?

Alken dépose un baiser sur mon front et je meurs d’amour pour cet homme. Je ne me gêne pas pour l’embrasser alors que j’entends la porte arrière de la voiture se refermer. Si seulement Théo pouvait se réveiller et tenter de se mettre à ma place rien que quelques minutes, ça nous permettrait de discuter et de lui faire entendre raison. Ou cela me permettrait au moins de m’excuser réellement.

Alken démarre et je salue Léon de la main sans oser lancer la conversation. J’ai bien peur que la température, bien agréable entre Alken et moi et à l’extérieur en général, se refroidisse avec la présence de mon ex meilleur ami, qui me manque atrocement. J’ai beau passer pas mal de temps avec Alken, je crois ne m’être jamais sentie aussi seule que depuis que nous sommes brouillés, d’autant plus que je ne parle plus ou presque à Kenzo.

Je jette des coups d'œil à Alken, mais aussi dans le rétroviseur extérieur qui me permet d’apercevoir Théo. Je suis un peu mal à l’aise et je n’ose même plus toucher mon homme de peur de faire partir mon coloc au quart de tour. Lui ne se gêne pas et attrape ma main pour la poser sur sa cuisse, comme je le fais souvent lorsqu’il conduit. Je monte le son de la musique que diffuse RTL2, mais il fronce les sourcils et baisse le volume.

— Mets pas la musique trop fort, ma Chérie. Sinon, comment on fait pour discuter ? Parce que là, on a encore un peu plus d’une heure de voyage. On va pas la passer à se regarder en chien de faïence quand même. Théo, je suis content que tu sois venu en tous cas. Tu vas te jeter à l’eau ou pas ?

Il joue sur les mots et laisse à Théo la possibilité de répondre littéralement sur sa volonté de se baigner ou bien de s’attaquer au fond du problème qu’il y a entre nous depuis qu’il a découvert que je lui ai caché ma relation avec Alken pendant plusieurs mois.

— Je sais pas, la mer est froide, répond-il laconiquement. Mais le soleil brille et ça aurait été dommage de ne pas en profiter un peu. Merci de m’accepter avec vous, les amoureux.

— C’est un plaisir, Théo. Tu fais partie des personnes qui comptent pour nous, c’est bien que tu te sois décidé à venir, lance mon danseur.

— On n’est que tous les trois, hein ? Enfin, je veux dire… On prend d’autres personnes au passage ? demande Théo après quelques secondes de silence.

— Il n’y a que nous. Enfin, à moins qu’Alken ait invité d’autres personnes sans que je sois au courant ? dis-je en jetant un œil à côté de moi alors que l’intéressé fait non de la tête. Donc on est tous les trois.

— Oui, et je compte bien vous laisser un peu de temps à deux quand on sera sur place, ajoute-t-il. Vous aurez des choses à vous dire quand vous serez prêts. Mais en attendant, je vous préviens, ce ne sera pas que plage, le programme. Je vous emmène faire un tour dans les dunes, et on verra si vous êtes aussi sportifs que vous prétendez l’être !

— Bien, P’tit vieux, souris-je. Juste pour info, avec Théo, on on a déjà fait des semaines de vacances rando, tu vois ? Je ne sais pas si tu vas tenir le rythme.

— Ouais. Ce n’est pas un Prof qui va nous apprendre à marcher, ça c’est sûr ! sourit mon ami, ce qui me fait extrêmement plaisir.

— Bien, les jeunes, on verra ! Mais si vous me distancez, tant pis pour vous, c’est moi qui aurai les clés de l’appartement où on va dormir. Il appartient à la tante de Marie qui nous le prête pour le weekend. Alors, c’est moi qui serai le maître des lieux !

— Marie, hein ? ne puis-je m’empêcher de faire remarquer, un poil agacée. Tu ne m’avais pas dit que c’était elle qui te prêtait l’appartement…

— Eh Joy, m’interpelle Théo. Il est avec toi, le comptable, non ? Pas avec Marie. Alors si on peut économiser un hébergement, c’est tout bénef.

— Merci Théo, c’est tout à fait ça. Quand elle m’a parlé de l’appartement de sa tante, j’ai tout de suite bondi sur l’occasion.

— N’empêche, heureusement que je te parle à nouveau, Joy. Tu as vu les conneries que tu dis quand je n’interviens pas ? se moque son colocataire.

— J’ai rien dit qui pourrait être assimilé à une connerie, ris-je. J’ai posé une question, c’est tout.

— Ta voix accusatrice était une connerie, continue Théo de plus belle. N’est-ce pas, Prof ?

— Moi, j’aime bien quand elle est jalouse. Elle est trop mignonne quand elle fait ça, tu ne trouves pas, Théo ?

— Elle est toujours mignonne, Prof. Ça, on ne peut pas lui enlever ! continue mon ami, visiblement moins tendu que ces dernières semaines.

— Vous vous liguez contre moi, en prime ? Sympathique ! Fallait le dire que c’était ma fête aujourd’hui.

— Il faut bien qu’on te fasse payer un peu tes petits secrets, me titille mon merveilleux amant qui est en train de réaliser le miracle de détendre Théo.

— Heureusement que je ne te fais pas payer tes petits mensonges comme ça, Prof, dis-je en lui tirant la langue avant de me tourner vers mon coloc. Tu sais qu’Alken m’a vraiment dit qu’il était comptable, au bar ? Et qu’il ne m’a même pas donné son nom alors qu’on s’est vu pendant quasiment quinze jours au total ? Je ne savais pas qu’il était prof de danse.

— Et toi, t’as couché quinze jours avec un mec dont tu ne connaissais pas le nom ? Tu sais que tu es folle, Princesse ?

L’utilisation de mon petit surnom me donnerait presque la larme à l'œil et je ne peux m’empêcher de sourire à Théo, toute émue.

— Non, seulement huit soirs. Et j’ai jamais dormi chez lui, faut pas pousser, ris-je. Je l’ai fait languir un peu quand même avant de m’offrir à Smith le comptable.

— Oui, elle s’est fait attendre, mais ça valait le coup, crois-moi Théo. Je ne regrette toujours pas d’être entré dans ce bar dès que j’ai croisé son chemin. Elle a changé ma vie, la petite serveuse.

— Attends, t’es pas rentré dans le bar par hasard ?

— Ben non, je ne vais jamais dans les bars, moi. Si j’avais pas croisé tes yeux magnifiques, je n’aurais jamais mis les pieds au Nouveau Départ.

— Ses yeux magnifiques ou son cul du tonnerre ? pouffe Théo à l’arrière.

— Honnêtement ? Ses yeux, d’abord. Mais quand j’ai vu le cul, j’avoue, c’était la cerise sur le gâteau ! rit Alken en se joignant à la bonne humeur de mon coloc.

— Oh ça va, faut vraiment arrêter avec ça, je vais finir par prendre le melon, moi. Bref, je te laisse imaginer le choc quand il a débarqué dans la salle où on était avec Elise le jour de la rentrée… Le comptable qui danse...

— En fait, Joy, les secrets, c’est le Prof qui t’a enseigné à les faire, m’attaque gentiment Théo. Tu as tout appris de lui, on dirait.

— Disons qu’il a bien préparé le terrain pour la suite de notre relation, soupiré-je. C’est juste… Hyper flippant de se dire que tous les jours tu peux te faire griller et mettre en péril deux carrières, en fait… Alors tu réfléchis pas et tu n’en parles à personne, parce qu’on ne sait jamais. Je suis désolée, Théo, c’était pas contre toi, vraiment.

— Ouais, mais quand même, je suis ton petit Chou ou pas ? Tu sais que tu peux tout me dire, je ne suis pas Kenzo, moi, je ne balance pas tout au premier venu. Je ne t’en veux plus, Princesse car je comprends que ce n’était pas facile. Mais si tu veux vraiment que je te pardonne, il va falloir que tu me promettes quelque chose.

— Tout ce que tu veux, dis-je avec une pointe de désespoir dans la voix qui pourrait m’agacer si je n’étais pas en train de parler à mon meilleur ami.

— Que la prochaine fois que tu rencontres un comptable, tu lui demandes de te montrer ses bilans et comptes de résultats avant le premier bisou et que tu ne t’embarques pas dans une histoire comme ça, à la con, sans m’en parler avant ! rit-il.

Je jette un œil attendri à Alken qui sourit à mes côtés et soupire.

— Tu sais, des fois je me dis que si Alken m’avait dit qu’il était prof à l’ESD, je serais passée à côté d’un truc tellement fort et intense… C’est fou ce qu’un petit mensonge peut apporter. Lui qui n’en avait qu’après mon cul. Enfin non, mes beaux yeux, ris-je. Mais je te promets de ne plus me faire avoir et de te demander conseil. Tu partiras en enquête pour moi alors ?

— Oui, et je te promets de tester la marchandise aussi avant ! se marre Théo derrière nous.

— Eh bien, Théo, on se lâche ? Je ne suis pas sûr que faire des avances à un prof soit permis par le règlement, sourit Alken, amusé. Moi, si on me teste, on me garde, je te préviens.

— Vu qu’il fantasme sur toi depuis qu’il a croisé tes beaux yeux, et ton cul surtout, je crois que ça ne lui poserait pas de problème, balancé-je. Mais moi, je ne suis absolument pas d’accord. On partage tout, mon Chou, mais le petit cul de mon danseur, je le garde pour moi.

— Il fantasme ? s’étrangle Alken. Je pensais que tu en pinçais pour mon fils, pas pour moi.

— Y a une grosse différence entre fantasmer et en pincer pour quelqu’un, souris-je. J’en pince pour toi, je fantasme sur Patrick Dempsey, tu vois ? Dempsey pour une nuit, toi pour la vie. Enfin tant que tu voudras bien de moi !

— Alors ce sera pour plus que toute la vie, ma Chérie. Tu le sais bien que quand on me teste, on me garde !

Je vois Théo lever les yeux au ciel derrière nous et souris en déposant un baiser sur la joue d’Alken.

— Tu veux bien t’arrêter quand ce sera possible ? Juste une minute.

— Pourquoi tu veux que je m’arrête ? demande-t-il, intrigué.

— Pas pour te tester, Chéri, mais je voudrais faire un câlin à mon meilleur ami et cette foutue voiture ne le permet pas. Enfin, si ledit meilleur ami veut bien…

— Le Prof, il a intérêt à s’arrêter vite, oui, sinon le câlin, on le fait dans la voiture, quelles qu’en soient les conséquences, répond Théo pour mon plus grand plaisir.

Alken lève les yeux au ciel à son tour en souriant et ne met pas bien longtemps à trouver un coin où s’arrêter. C’est donc sur un parking que je retrouve l’étreinte chaude et réconfortante de mon meilleur ami et acolyte, et j’en profite plus que de raison, lâchant même ma petite larme alors que Théo me serre contre lui. J’en dois une, et pas des moindres, à Alken, pour cette discussion entre eux et cette idée de weekend à trois. Je suis prête pour l’overdose de câlins des deux jours à venir de la part de ces deux hommes si importants à ma vie.

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