29. Devine qui demande un show privé ?

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Joy

Je me laisse tomber sur le transat devant le bâtiment où nous logeons et baille comme rarement. J’avais oublié comme c’était épuisant de bosser dans un camping. Enfin, on ne parle pas de petit camping, mais d’un bon complexe où je me retrouve à donner sept heures de cours de danse par jour, six jours par semaine, en plus d’animer certaines soirées.

— T’as vraiment une sale tronche, Princesse, ricane Théo en déposant dans mes mains un grand verre d’eau.

Un mois que nous sommes ici et je suis au bout de ma vie. Ce n’était peut-être pas le bon plan pour reposer un peu le corps et l’esprit, finalement. D’autant plus que cela fait un mois que je n’ai vu Alken que par visio et que sa présence commence à vraiment me manquer.

— Va te faire voir, je te signale que donner des cours de stretching aux petits vieux, c’est quand même moins intense qu’aux gosses.

— C’est toi qui voulais danser, ma petite vieille. Si Alken te voyait, il n’aurait pas de problème avec votre différence d’âge, je te jure, on te croirait proche de la retraite, se moque-t-il.

— Arrête, je te jure que je vais te noyer dans la piscine demain matin, sinon.

— Oh ça va, Princesse, je rigole ! Je te remplace pour la soirée de ce soir, si tu veux.

— Non, ça va aller, soupiré-je. Une bonne douche et ça ira mieux.

— J’insiste, Joy. Prends ta soirée, tu vas kiffer. Prends une bonne douche, pomponne-toi.

— Tu parles, je vais m’ennuyer toute seule ici.

— Hum… Je ne pense pas, non.

Je lui jette un œil par-dessus mes lunettes de soleil et son sourire me paraît louche.

— Le mec du mobil-home trente-sept a demandé un show privé, pouffe-t-il en me tendant une clé.

— T’es sérieux ? bougonné-je en repoussant sa main. Et toi t’as pris la clé et tu me donnes l’info ? Si Alken savait ça, il te couperait les couilles. T’étais pas censé être mon garde du corps ?

— Si… Si. Comme tu veux, Princesse, sourit-il. Je suis sûr qu’il te plairait, moi.

— Je suis pas intéressée. Tu peux aller lui dire, à ce pervers. Je sais même pas lequel c’est, le type du mobil-home trente-sept.

Je lève les yeux au ciel et décide de bouger pour aller prendre une bonne douche. Elle est vitale, même si l’idée de ne pas bosser ce soir fait son petit bonhomme de chemin et me tente de plus en plus.

Je suis en train de me brosser les cheveux quand je percute brusquement. La proposition de Théo, ma soirée de libre. Je n’ose pas vraiment y croire, mais je me presse pour terminer de me préparer et enfile la petite robe longue et fleurie que j’avais à Cuba, fendue sur les deux jambes, qu’Alken adore.

— Théo ? crié-je en le cherchant dans la salle commune.

— Dehors !

Il est là. Bon sang, le type du mobil-home trente-sept est là et, bien entendu, ce n’est autre que mon chéri. Je souris jusqu’aux oreilles et me jette dans ses bras, incapable de contenir la joie et le plaisir que j’éprouve à le voir ici, à le sentir à nouveau contre moi. Je suis une vraie accro, et le pire c’est que je m’en fous que ce soit trop, too much. C’est juste lui et moi.

— Mais qu’est-ce que tu fiches ici ? lui demandé-je en déposant des baisers sur ses lèvres.

— Je suis en vacances et on m’a recommandé les cours de danse dans ce camping. J’ai voulu essayer, tu comprends, sourit-il en répondant à mes baisers et en me serrant fort contre lui jusqu’à presque m’étouffer.

— Et donc, tu préviens Théo et tu me laisses me morfondre, moi, ris-je alors qu’il me repose au sol sans pour autant me lâcher.

— Tu n’aimes pas les surprises ? répond-il, le sourire aux lèvres. Si c’est le cas, je la remballe et la renvoie dans sa grisaille lilloise.

— Oh non, tu ne bouges plus d’ici, je vais te séquestrer dans le mobil-home trente-sept ! Tu restes combien de temps ? Oh, je suis tellement contente que tu sois là, Alken, si tu savais !

— Je reste toute la semaine, ma Chérie. Et si je trouve un autre mobil-home d’ici-là, une semaine supplémentaire. Au pire, j’irai sous une tente. Mais j’ai quinze jours de congés, il fallait au moins ça pour compenser le manque que j’avais de toi.

— T’aurais pu amener ton gosse, quand même, soupire Théo que j’avais totalement oublié à côté de nous.

— Il se pourrait qu’il y ait une bonne surprise qui arrive la semaine prochaine pour se reposer ici. Mais chut, il paraît que personne ne doit être au courant, nous confie mon bel amant.

Le smile de Théo me fait grandement plaisir, surtout qu’il stresse pas mal depuis que nous sommes arrivés, de peur que Kenzo ne reparte dans ses travers avec Emilie.

— N’oublie pas que tu me dois une soirée de boulot, Princesse !

— Je ne t’ai rien demandé, hé ! ris-je. Alken sera encore là la semaine prochaine, tu peux rêver !

— Quel égoïsme, Joy, dire qu’on est amis, soupire mon colocataire avec théâtralité. Allez, bonne soirée les amoureux ! Et Alken, vas-y mollo quand même, faut qu’elle puisse marcher et danser demain quand même !

— T’inquiète, Théo, je vais prendre soin d’elle. Et je suis sûr que la semaine prochaine, tu pourras aussi avoir ta soirée de retrouvailles. Quitte à ce que ce soit moi qui anime ! On peut proposer une soirée Salsa, non ?

— Faut voir, ça pourrait être sympa en effet. Quel est le programme du soir, Monsieur O’Brien ?

— On se fait une petite promenade en amoureux en bord de mer avant de terminer la nuit au pays des rêves et du plaisir ? Tu as mangé ou pas encore ?

— Non, pas encore, et toi ?

— Non plus, on trouvera bien un petit resto sympa avec vue sur la mer. Ce sera romantique de passer une soirée avec la plus jolie des femmes que j’ai jamais rencontrées, me dit-il en retrouvant, avide, mes lèvres.

Je me love contre lui et savoure ces retrouvailles avec délice. Qu’est-ce qu’il m’a manqué, qu’est-ce que c’est bon de retrouver ses mains baladeuses, le goût de ses lèvres, la chaleur de son corps.

— Je pensais que tu me proposerais d’aller direct au mobil-home, souris-je en caressant sa joue tendrement.

— Eh bien, tu sais qu’il n’y a pas que ton corps de rêve qui m’a manqué ? J’ai envie de toi, je ne te le cache pas, mais j’ai aussi envie de simplement profiter d’être avec toi, de passer du temps à discuter, à rire. Surprenant, non ? Mais je crois que tu me transformes complètement.

— Je vais chercher mon sac et on y va alors, j’ai bien envie d’aller mettre les pieds dans l’eau et de profiter de cette soirée avec l’homme qui partage ma vie.

Je pose mes lèvres sur les siennes pour un nouveau baiser enflammé avant de filer rapidement récupérer mon sac dans ma chambre. Je suis toute excitée et tellement contente qu’il soit là, j’ai l’impression d’être une gamine devant son tas de cadeaux d’anniversaire.

Je glisse ma main dans celle d’Alken et l’entraîne dans le camping pour rejoindre le petit chemin qui mène à la plage. Ici, personne ne peut nous surprendre, nous juger, nous virer, et je m’affiche fièrement avec ce canon qui illumine mon quotidien. Je surprends le regard de plusieurs femmes sur MON homme et, outre la petite pointe de jalousie qui me prend, c’est surtout une forte envie de les narguer en leur disant à quel point il est formidable, à quel point il me comble et me satisfait. C’est puéril, je crois, mais je m’en fiche, cet homme est mien et il ne semble pas plus intéressé que ça par les demoiselles qu’il croise. Pourtant, il y en a de la nana en bikini au mètre carré.

— J’ai l’impression d’être de retour à Cuba, souris-je alors que nous descendons vers la mer, les pieds dans le sable.

— Moi, j’ai juste l’impression d’être au Paradis, ma Chérie. Ici, nous pouvons juste être heureux.

— Plus qu’un an et je pourrai hurler du théâtre que je me tape le prof le plus sexy de l’ESD, dis-je en me baissant pour l’éclabousser.

— Attends un peu, toi ! Je me tape plus de mille kilomètres et tu m’arroses comme ça ?

Il se rapproche de moi et me soulève dans ses bras puissants. J’essaie de me débattre mais ne parviens qu’à le faire éclater de rire avant qu’il ne me jette dans l’eau, pour ensuite plonger à ma suite et me serrer contre lui.

— Comment tu veux qu’on aille au restaurant, trempés comme ça ? ris-je en glissant mes bras autour de son cou et mes jambes autour de ses hanches. On va avoir l’air fin, tiens.

— Tu ne savais pas que tu étais amoureuse d’un fou ? Peut-être que finalement, on va passer directement par la case mobil-home, s’esclaffe-t-il en m’embrassant. Ou alors, on se la joue riches touristes, fiers et sans peur, et on s’installe comme ça ! Avec le temps qu’il fait, on va vite sécher.

— Tout ce que je veux, c’est qu’on soit tous les deux, le reste, je m’en fiche, vieux fou d’amour. Je suis contente que tu sois là, ça fait du bien, j’avais peur que tu m’oublies, entre Lille et Paris, avoué-je en posant mon front contre le sien.

— Je suis vieux, mais pas au point d’oublier la femme qui occupe toutes mes pensées, ma Chérie. C’est toi la folle de penser à des trucs comme ça.

— Je t’aime, c’est normal de flipper un peu, non ? ris-je. Bref, je vote pour jouer les riches touristes, en plus, tu vas gagner haut la main le concours de tee-shirt mouillé, beau danseur.

— Je pense que l’on va gagner le concours en couple, ma Chérie. Tu n’es pas mal non plus, dans ton genre !

Alken m’entraîne en dehors de l’eau sans me lâcher avant de nous essorer autant que possible. C’est vrai qu’on forme un joli couple, je crois. Un couple tout mouillé, pour le coup, mais nos sourires se répondent et nos yeux expriment tout l’amour que nous avons l’un pour l’autre. Oui, j’adore l’image que nous offrons aux autres, malgré notre différence d’âge visible, malgré l’interdit que nous seuls connaissons ici, sur cette plage où nous nous asseyons pour sécher un peu et discuter. Nous retrouver après un mois l’un sans l’autre, tout simplement.

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