41. Jardin des confidences

7 minutes de lecture

Joy

J’observe au loin la serre équatoriale qui semble suspendue dans les airs et m’installe sur un banc en jetant un œil sur mon téléphone. Ces petits rendez-vous secrets avec Alken avaient un côté excitant, avant. Aujourd’hui, déjeuner sur le pouce avec lui au jardin des plantes est un peu consternant. Vivement que cette année scolaire se termine, c’est ce que je me dis depuis qu’elle a commencé, et non pas pour que j’entre définitivement dans les galères de la vie active, simplement pour que nous n’ayons plus à nous cacher. C’est épuisant, et tellement frustrant de se voir, de se côtoyer, sans pouvoir faire quoi que ce soit d’autre que de se regarder et se sourire, discuter comme si de rien n’était alors qu’on pourrait faire bien d’autres choses.

Alken me rejoint peu de temps après, deux sandwiches à la main, et je me lève pour l’accueillir d’un tendre baiser.

— Bonjour, charmant Professeur, souris-je en me lovant contre lui. Ça va ?

— Bonjour splendide Élève, ça va oui, et toi ? Je suis content de te voir, ma Chérie.

— Ça va oui. Je suis contente aussi, il nous faut au moins ça pour patienter… C’est mieux que rien.

— Oui, parce que là, je trouve la situation encore plus compliquée à supporter alors qu’on était presque à vivre ensemble, soupire-t-il en me tendant un sandwich.

— Merci, beau danseur, dis-je en déposant un baiser sur sa joue avant de m’asseoir sur le banc. Effectivement, c’est d’autant plus compliqué à accepter… Mais c’est comme ça, pas trop le choix, de toute façon.

Pas trop le choix, puisqu’il accueille la secrétaire cochonne chez lui. Non, je ne lui en veux pas… Enfin, peut-être un tout petit peu ? La frustration et la déception guident mes pensées. J’ai juste hâte que tout ça se termine et qu’on puisse enfin vivre ensemble.

— Je lui ai dit de partir en tous cas, je ne veux plus qu’elle reste chez moi, énonce-t-il tout simplement et s’arrêtant là, sans donner d’explication.

— Eh bien.. Qu’est-ce qui t’a décidé, tout à coup ? Elle a quelque part où aller ?

— Je ne sais pas où elle va aller, me répond-il, gêné. Chez elle, je dirais. De toute façon, il vaut mieux qu’elle ne reste pas, sinon ça va mal finir.

— Chez elle, avec son mec violent ? Pourquoi tu ne lui laisses pas le temps de se retourner ? lui demandé-je, curieuse. Et pourquoi ça finirait mal ? Il s’est passé quelque chose ?

— Son mec violent est en garde à vue, je crois. Et puis, elle n’avait qu’à réfléchir avant de faire ce qu’elle a fait. Il ne s’est rien passé d’important, tu sais, c’est juste qu’on s’est un peu disputé.

— D’accord… Elle a laissé traîner sa tasse dans l’évier ? ris-je en me calant sur le banc, posant mes jambes sur les siennes.

— Non, si elle fait ça, c’est son avocat toqué qui va la tuer, ris-je. Disons qu’elle s’est montrée trop entreprenante avec moi et que je n’ai pas supporté. Bref, je lui ai demandé de partir et elle va le faire rapidement, je pense. Et comme ça, tu pourras venir me rejoindre. Tu es toujours prête et d’accord pour emménager chez moi ?

— Elle a été trop entreprenante avec toi ? bougonné-je. Je vais finir par devenir violente, tu sais. Je veux bien faire preuve de patience, mais son comportement, ça me… Ah, elle m’énerve. Et puis, merde, arrête de faire fantasmer toutes les chattes du coin, je te jure, c’est épuisant.

Je soupire avant de jeter un œil dans sa direction et ne peux m’empêcher d’éclater de rire, très mal à l’aise de ma réaction.

— Pardon, je me calme, dis-je avant de prendre une bouchée de sandwich, histoire d’avoir la bouche pleine et de la boucler.

— Tu n’es pas contente que ce soit toi que j’ai choisie ? Toutes les chattes peuvent fantasmer sur moi, comme tu dis, mais moi, je ne fantasme que sur toi. Il n’y a que toi qui me fais rêver, que toi qui me fais bander. Et j’ai vraiment hâte que tu viennes vivre avec moi, que je puisse te rassurer à tout moment que personne ne peut te faire concurrence. Tu es belle, adorable, sensible, intelligente, charmante, excitante et tout le reste aussi ! s’emballe-t-il en prenant ma main dans la sienne.

— Je crois que je ne serai rassurée que quand tu pourras dire ça à toute dinde qui approche de toi. Ou quand je pourrai casser des nez en engueulant chaque nana qui t’aura approché, soupiré-je, un sourire en coin sur les lèvres.

— Madame est violente et jalouse, mais j’adore ! Tu sais que je serais pareil si un mec s’approchait trop de toi ? Vivement qu’on arrête de se cacher. J’en peux plus d'être séparé comme ça de toi.

— Le seul qui s’approche trop de moi, c’est Théo, et il n’y a aucune ambiguïté. Je te fais la liste de toutes les nanas qui te tournent autour ? Je développe un vrai syndrome d’infériorité, ris-je.

Je jette un œil autour de nous et, constatant que nous sommes plutôt loin des autres groupes de personnes installées sur la pelouse, viens m’installer à califourchon sur lui.

— Heureusement que j’ai mis une culotte, souris-je en tirant sur ma jupe pour éviter d’avoir les fesses à l’air.

— Dommage que tu en aies mis une, réplique-t-il du tac au tac, on en aurait peut-être profité ici. Encore une opportunité manquée !

Je niche mon nez dans son cou en soupirant. Ce n’est pas l’envie qui m’en manque, mais le petit coup vite fait ne m’intéresse pas plus que ça. Enfin, j’ai envie de passer du temps avec lui pour autre chose que pour le sexe. Même si ses mains qui passent sous ma jupe et caressent mes cuisses sont un appel à la luxure, on se contentera de ça pour le moment.

— Tu me manques, c’est fou. Me coucher toute seule est une torture quand je pense au fait qu’on devrait se coucher ensemble tous les soirs ou presque. Et je préfère mille fois me réveiller près de toi que toute seule dans mon lit.

— Toi aussi, tu me manques, ma Puce. Si tu savais comme j’aimerais me réveiller à tes côtés ! Je t’aime et il faut juste qu’on soit patient. Déjà, Marie va partir et ça sera pour nous un nouveau départ, sourit-il.

— Oui… Alken ? dis-je en plongeant mes yeux dans les siens. Tu ne la mets pas dehors si c’est pour qu’elle retourne avec son mec, hein ? Enfin… Je suis pressée, mais je n‘ai pas envie qu’il lui arrive quelque chose.

— Moi non plus, je n’ai pas envie qu’il lui arrive un truc, mais j’en peux plus d’elle à l’appartement, soupire-t-il, clairement exaspéré. Ce n’est pas avec elle que je veux vivre, c’est avec toi. Et elle est le seul obstacle qui nous empêche d’y arriver.

— C’est flatteur que ça t’agace à ce point-là de ne pas vivre avec moi, ris-je en caressant sa joue. Ça ne va pas durer indéfiniment, j’imagine.

— Peut-être que c’est moi qui vais finir par déménager chez toi, si ça continue.

— Elle a besoin que tu la rassures, elle veut se sentir protégée, c’est compréhensible. Si tu viens chez moi, l’effet sera annulé, ris-je.

— Je crois qu’elle a plus besoin qu’on la baise, réplique-t-il méchamment. Elle est folle, cette femme. J’en peux plus de l’avoir tout le temps dans mes pattes.

Je me redresse et l’observe, interpellée par la façon dont il parle. Pourquoi est-ce qu’il est aussi virulent à propos de Marie, tout à coup ? J’ai bien vu que c’était de plus en plus compliqué pour lui, mais à ce point ?

— Il s’est passé quoi, Alken ?

— Je t’ai dit, Joy. Elle a dépassé les bornes, c’est tout. Cette femme est juste folle.

— Et qu’est-ce qu’elle a fait pour dépasser les bornes ? Pourquoi tu es aussi en colère contre elle ? Je… Enfin, ça ne doit pas être facile pour elle, en ce moment. Est-ce que tu as pris ça en considération ? Je veux dire… Mince, toute sa vie est bousculée à cause d’un enfoiré incapable de se contrôler.

— Tu es sûre que tu veux avoir tous les détails, Joy ? demande-t-il en se redressant sur son banc. J’ai pris en considération tout ça, bien sûr, mais je ne peux pas continuer avec elle, ça c’est évident.

Son air sérieux me fait un peu peur. Je me demande vraiment ce qu’il a pu se passer pour qu’il en arrive à lui demander de partir si brusquement.

— Je veux comprendre, en fait, pourquoi tu passes d’un extrême à l’autre. Qu’est-ce qu’il s’est passé, Alken ? lui demandé-je avant de poser mes lèvres sur les siennes.

— Je n’ai aucun secret pour toi, ma Chérie, répond-il après avoir profité longuement de ce baiser. En fait, cette nuit, j’ai cru que tu m’avais rejoint à l’appartement. Cela m’a excité, comme tu peux l’imaginer. Mais quand je me suis réveillé, j’ai réalisé que c’était Marie qui était en train de me faire une fellation et pas toi. Et je n’ai pas réussi à retenir mon éjaculation… Je suis désolé, Joy, mais elle a abusé de moi pendant mon sommeil…

Mes yeux doivent s’écarquiller au fur et à mesure qu’il déverse ses mots et que ces derniers s’impriment dans mon cerveau. J’ai l’espoir de mal comprendre la chose, mais j’ai tout le loisir de me repasser sa tirade en tête alors qu’un silence s’est installé entre nous. Il attend ma réaction, et moi je ne sais même pas comment réagir. C’est tout un amas d’émotions qui me submergent à cet instant. Marie… Alken, au beau milieu de la nuit. L’erreur, l’excitation, et le finish. Bon sang, les images qui me passent sous les yeux sont encore pires que ce trop plein d’émotions.

Annotations

Vous aimez lire XiscaLB ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0