45. All you need is love

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Joy

Me voici de nouveau devant la porte de l’appartement d’Alken, à hésiter à frapper. Ça devient une manie, de me demander si je ne fais pas une connerie. Bon, aujourd'hui, je suis attendue, c'est déjà différent. Mais je me pose quand même la question de savoir si je fais bien d'être là ou pas.

Il faut qu'on discute, c'est sûr. Ma réaction a été, je crois, disproportionnée vu ce qu'Alken m'a avoué. Après tout, étant donné ses propos, on ne peut pas dire qu'il ait cherché à me tromper. Et Marie… Elle a clairement abusé, là. De la situation, de lui aussi. Passer la soirée et discuter avec Théo m'a fait beaucoup de bien. Autant dire que je vois les choses plus posément maintenant que j'ai pu en échanger avec lui. Mais, malgré tout ça, malgré le recul pris, je ne peux m'empêcher de penser avec dégoût au fait qu'il ait joui de sa bouche. Ça me file la gerbe à chaque fois que j'y pense, c'est viscéral.

Je soupire et me décide enfin à frapper à la porte. Ruminer encore et encore ne changera rien aux choses. Ce qu'il s'est passé a eu lieu, il ne sert à rien de ressasser encore et encore.

Alken m’ouvre torse nu, une serviette de bain attachée autour de sa taille et des gouttes d’eau qui dégoulinent sur son torse. Ça vaut la scène de Will Smith sous la douche dans i Robot, je vous le garantis !

— Désolé, j’en avais bien besoin. Entre et fais comme chez toi, je m’habille et j’arrive.

Il me prive rapidement du spectacle une fois que je suis entrée, refermant la porte derrière moi pour s’engouffrer à nouveau dans la salle de bain. J’enlève ma veste et mes chaussures, dépose mon sac pour la nuit, pris au cas où, sous la console de l’entrée et traverse la cuisine pour aller m’asseoir sur le canapé. Canapé où j’ai vu Marie en petite tenue. Pourquoi suis-je si puérile à m’asseoir à l’autre bout ?

J’attends quelques minutes son retour, perdue dans mes pensées qui tournent en boucle, encore et toujours. Je finis par me lever et me prépare un café, puisque je peux faire comme chez moi. Je le récupère alors que j’entends la porte de la salle de bain s’ouvrir.

Ce qu’il me manque, c’est tout ce qui me vient en tête en le regardant me rejoindre. Il porte un simple jogging et un tee-shirt ajusté. Pieds nus, les cheveux encore mouillés, il dégage une telle sensualité, un charme naturel qui me fait réaliser qu’il est normal que tant de femmes se retournent sur son passage.

— Tu n’as pas l’air confortable, là. Tu veux qu’on aille sur la terrasse ?

— Va pour la terrasse. Tu veux boire quelque chose ? Tant que j’y suis.

— Oui, fais comme chez toi, répond-il avec un sourire. J’ai du jus de raisin dans le frigo, j’en veux bien un verre.

J’acquiesce et sors un verre du placard avant de lui servir. C’est fou comme c’est naturel. Au final, je connais déjà les lieux comme si j’y vivais. C’est dingue. Aussi dingue que de m’installer sur un transat, café à la main, en me sentant juste bien, là, près de lui qui se pose sur celui d’à côté. Il ne fait pas froid, le soleil pointe le bout de son nez à travers les nuages et c’est un peu comme notre histoire, dont le nuage nommé Marie a recouvert notre relation. Mais le soleil cherche à revenir, à faire une percée pour éloigner ce gros truc gris pas beau qui nous a apporté de l’eau.

— Je suis content que tu sois venue, Joy. J’ai l’impression que c’est un nouveau départ pour nous deux. Après plein de faux départs qui ont failli nous disqualifier, énonce-t-il doucement, comme s’il avait peur de m’effrayer.

— Je vais essayer de ne pas être méchante comme ces derniers jours, et… Disons… Enfin, qu’on prenne le temps de discuter, quoi.

Il sirote son jus de fruit quelques instants en restant silencieux avant de poser son regard rempli d’amour vers moi.

— Tu connais l’histoire du Bandit et de la Princesse ? me demande-t-il sans me quitter des yeux.

— Non, pas du tout. C’est quoi cette histoire ?

— Eh bien c’est un bandit de grand chemin, tu sais, le genre de gars sans morale qui détrousse tous les passants, qui vole même les grands-mères ou les enfants. Il serait capable de voler une poupée à une petite fille ou une canne à un aveugle. Tu vois le genre ?

— Oui, où tu veux en venir ?

— Laisse-moi finir ma petite histoire, tu verras, elle est courte, rigole-t-il en me faisant un sourire charmeur. Un jour, cet être abject rencontre une Princesse. Comme dans tous les contes de fée, elle est belle et extraordinaire. Une vraie perfection dans son monde imparfait. Une vraie merveille dans son univers sans richesse. Mais lui, tout ça, il ne le voit pas. Ce qu’il voit, par contre, c’est la bourse remplie de pièces d’or qu’elle porte à sa ceinture.

Je l’écoute avec attention, curieuse de voir où il veut en venir. Et, indéniablement captivée par son regard et son charisme, toujours aussi impressionnant. Encore une fois, difficile de ne pas comprendre pourquoi toutes ces nanas lui tournent autour.

— Arrive alors ce qui devait arriver. Il profite de la foule pour se glisser derrière elle et, d’un geste vif et précis, il coupe le cordon de sa bourse pour récupérer l’or, continue-t-il de sa belle voix grave en mimant le geste de sa main, comme s’il avait vraiment un couteau entre ses doigts. Cependant, alors qu’il empoche le butin, la Princesse se retourne vers lui et leurs yeux se rencontrent. C’est l’amour au premier regard. Mais pas une petite amourette, hein ? L’Amour avec un Grand A. Celui qui fait oublier tout le reste, celui qui surmonte toutes les épreuves.

— D’accord… Et donc ? Il finit en prison ? Ou elle lui pardonne tout sous prétexte qu’elle l’aime ?

— Je ne sais pas quelle version tu préfères, rit-il. Mais dans la mienne, il se fait effectivement arrêter par un des gardes. L’idiot n’a pas pensé à s’enfuir, subjugué par la jolie Princesse. Et elle lui demande alors : “Pourquoi voler mon or quand vous auriez pu avoir mon cœur, Bandit ?”

Il s’arrête un instant pour ménager son effet. Je serais presque prête à lui sauter dessus pour lui arracher la réponse et la fin de cette petite histoire. Moi aussi, je veux savoir pourquoi il n’a pas préféré son cœur à sa richesse !

— Il lui répond alors par un grand sourire en lui disant : “Personne n’est parfait, Princesse. Tout le monde fait des erreurs. Mais avec vous, je crois que je vais apprendre à ne plus en faire aucune. Vous allez tirer le meilleur de moi-même et faire de moi un homme nouveau qui saura vous aimer, vous respecter et vous rendre heureuse.” Et c’est comme ça que le Bandit, cet être vil et méchant, est devenu l’un des dirigeants les plus respectés de son pays, connu pour sa gentillesse et sa générosité. C’est une belle histoire, non ? termine-t-il en se replongeant dans son transat, le sourire aux lèvres.

— D’accord, ris-je après avoir pris quelques instants pour réfléchir à son histoire. Et donc, tu fais un parallèle entre cette histoire et la nôtre ?

— Je ne fais aucun parallèle, c’est juste un conte de fée, mais ça t’a fait rire, c’est déjà bien. J’aime quand tu ris, Joy, et je déteste te voir triste ou contrariée. Et je peux te dire que c’est ton cœur que je veux voler, moi, pas ton or. Ou celui de quelqu’un d’autre.

— Tu sais… Je crois que j’ai réagi trop brutalement… Je n’aurais pas dû mettre ta parole en doute et j’en suis désolée, Alken. Ce que Marie t’a fait… Enfin, je t’ai dit ce que j’en pensais. Si un homme faisait ça à une femme… Bref, je n’aurais pas dû être aussi virulente.

— Oui, tu sais, je me suis posé plein de questions, j’ai retourné la scène dans tous les sens, cherché à voir comment j’aurais pu éviter d’en arriver là. La seule alternative que j’avais, ça aurait été de ne pas accueillir Marie chez moi pour éviter cet incident. Mais ça n’aurait pas été moi. Je n’ai pas été très cool avec Marie quand je l’ai larguée, je crois que je m’en veux toujours un peu car je n’ai jamais rien ressenti pour elle. Et là, j’avais une opportunité de lui venir en aide et je l’ai saisie. Si c’était à refaire, même en connaissant les conséquences, je crois que je le referais. Pas parce que je ressens quoi que ce soit pour elle, ne te fais pas de fausses idées, non, je le referais parce que c’est la juste chose à faire. Et si tu savais à quel point je suis désolé de t’avoir fait subir tout ça…

Je soupire et me lève pour aller m’installer entre ses jambes, posant ma joue contre son torse. Je sens sa main venir caresser mon dos et attrape la seconde pour y glisser mes doigts.

— C’était la chose à faire, tu as raison, et je le sais. Ce qui ne m’a pas empêchée de crever de jalousie de la savoir ici alors que j’aurais dû emménager. Surtout quand je vois comme elle te regarde. Et le problème, le fond du problème, Alken, c’est que toutes les nanas ont ce genre de regard sur toi, et je me demande tous les jours pourquoi c’est de moi que tu es tombé amoureux. Je crois que je fais un petit complexe d’infériorité, ris-je.

— Est-ce que tu as vu le regard que moi j’ai sur toi et celui que je porte sur elles ? Elles n’ont aucune chance face à tes charmes, ton sourire, ta personnalité, ta beauté, Joy. Aucune chance. C’est toi ma Princesse.

— Tu es loin d’être un bandit, souris-je en me redressant pour plonger mes yeux dans les siens. Je ne contrôle pas ma jalousie, je te promets que j’essaie, Alken, mais avec toutes ces nanas qui te tournent autour, c’est pas facile.

— Tu sais bien que je ne les vois même pas. Je ne sais pas comment faire pour te rassurer. Il faut que j’invente une nouvelle histoire ? me demande-t-il en souriant.

— Que tu inventes ? ris-je. Attends, tu as inventé l’histoire du bandit et de la princesse ?

— Disons que personne n’avait raconté cette histoire avant moi ! s’esclaffe-t-il. Cela ne veut pas dire qu’elle n’existait pas déjà quelque part. Je crois même que je vais la transformer en chorégraphie, cette histoire. Tu crois qu’on pourrait en faire tout un spectacle ? s’enthousiasme-t-il pour mon plus grand amusement.

— Seulement s’il n’y a que toi et moi sur scène, beau danseur. Je refuse que deux autres personnes jouent le bandit et la princesse, souris-je en posant mes lèvres sur sa joue.

— Ah là, tu mets une contrainte supplémentaire qui va m’obliger à être encore plus inventif. Mais qu’est-ce que je ne ferais pas pour tes beaux yeux, ma Chérie !

— Je t’aime Alken. Je ne te promets pas de réussir à tout oublier comme ça, mais… Si l’invitation tient toujours, j’aimerais vraiment venir m’installer ici.

— Moi aussi je t’aime, me répond-il en m’embrassant. Et je n’ai jamais retiré mon invitation, il me semble. Même le Bandit ne l’a pas volée ! On va chercher tes affaires quand alors, mon Amour ?

— Tu crois qu’une autre Marie peut m’empêcher d’emménager ? Ou on a quelques jours sans risques ? Parce que je n’ai aucune envie de bouger de là, pour le moment.

— On s’en fout de toutes les Marie du monde. Rien ne me contraindra à te faire bouger d’ici, je te le promets !

Je lui souris et goûte à nouveau ses lèvres qui m’avaient tant manqué. Espérons qu’on puisse aller au bout des choses, cette fois, sans qu’une autre catastrophe ne vienne se mettre entre nous. Je crois que la meilleure chose à faire est de lâcher prise et de se laisser porter par notre histoire. Si une Marie ne peut pas se mettre en travers de notre chemin, de quoi dois-je avoir peur ? On s’aime, c’est l’essentiel, et je crois cet amour suffisamment fort pour pouvoir contourner tous les obstacles futurs. Je l’espère, parce que je suis trop bien, là, tout contre lui.

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