47. C'est la vie, c'est la vie

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Joy

Je rejoins Alken dans la cuisine après avoir pris ma douche et m’être changée. Une longue journée de danse, entre la salsa ce matin et la contemporaine cet après-midi, autant dire qu’arrivée au jeudi, la fatigue se fait sentir. Surtout quand, après bon nombre de bâtons dans les roues, on finit enfin par emménager ensemble, et qu’on se retrouve physiquement et psychiquement… Les nuits ne sont pas à cent pour cent reposantes, c’est le moins que l’on puisse dire.

Il fait beau, il fait chaud, et c’est plutôt agréable pour un mois de Septembre, alors après avoir déposé un baiser sur la joue de mon chéri, attelé à la préparation d’une salade alaska, je vais mettre la table sur la belle terrasse de ce magnifique rooftop. J’y gagne au change, assurément, étant donné que notre appartement, au-dessus de chez Léon, faisait en tout et pour tout trente mètres carrés.

Je retourne finalement avec Alken en cuisine alors que Kenzo descend les escaliers. C’est peut-être ça, le plus difficile dans cet emménagement, au final, surtout que cette andouille s’amuse à m’appeler Belle-maman. Je me prends un coup de vieux, c’est moche.

— Je vais prendre ma douche, pas de bêtises, hein ? Sinon, je n’oserai plus jamais manger dans cette cuisine.

— Parce que tu crois que ça n’a pas déjà été fait ici ? le provoqué-je en me lavant les mains, jetant un œil sur la grimace qu’il affiche, amusée.

— Je ne veux pas savoir, Belle-maman, pitié. Juste, je n’ai aucune envie de vous surprendre tous les deux en train de copuler. Pitié. Je suis descendu boire un coup cette nuit, je t’ai entendue, ça me suffit amplement.

Je rougis instantanément alors qu’Alken me regarde en riant.

— Fais le malin, toi, bougonné-je. Tu rigoleras moins quand je te dirai non chaque fois que ton fils est là.

— Si c’est ça, je le vire tout de suite de la maison et tu auras sur la conscience un sans abri de plus ! se moque-t-il. Et toi, mon Petit, je ne veux plus entendre une seule remarque sur mes prouesses nocturnes, compris ?

— Je ne parlais pas de tes prouesses nocturnes, P’pa, mais du talent de Joy pour simuler, ricane Kenzo en filant à la salle de bain.

— Il est en pleine crise d’adolescence, non ? ris-je en me postant à ses côtés pour l’aider à éplucher les carottes.

— Oui, je suis désolé, Joy. Il est con. Encore plus que son père. Mais ça lui passera vite, je suis sûr. Tu sais que je t’aime et que j’aime t’avoir ici, même s’il nous fait des remarques ?

— J’espère que tu aimes m’avoir ici, parce que je suis installée, tu sais, souris-je en caressant son avant bras avant de me pencher sur lui pour ouvrir le tiroir et récupérer un économe.

— Comment ne pas être heureux d’avoir une femme comme toi à ses côtés ? J’ai l’impression que tous mes rêves se sont réalisés ! Mais bon, il faut qu’on arrête un peu de rêver, on a encore du boulot pour que tout soit prêt pour la soirée !

— Moi j’aime bien rêver, surtout si tu es dans ce rêve, continué-je en faisant courir mes doigts sur son bras, adossée au plan de travail. Vivre d’amour et d’eau fraîche, ça doit être faisable, non ?

— Oui, mais il faut aussi un peu de danse, je dirais. Et là, ce serait parfait.

— Evidemment. Mais l’amour est une danse, Monsieur O’Brien, et j’adore danser avec toi, murmuré-je à son oreille en glissant ma main sous son tee-shirt.

— Tu sais quoi ? J’ai envie de vérifier et voir si Kenzo serait vraiment choqué de nous voir profiter ici, en cuisine, m’annonce-t-il, une étincelle dans les yeux.

— Ça va pas, la tête ? ris-je en venant me lover contre lui.

— Tu me fais tourner la tête, mon manège à moi, c’est toi ! chantonne-t-il en m’entraînant dans une petite danse dans la cuisine.

Je me laisse volontiers guider et profite de ce moment en tête à tête avec Alken. Si le quotidien avec lui ressemble à ça, je suis prête à le vivre jusqu’à la fin de mes jours. De l’amour, de la danse, de la bonne bouffe. Que demander de plus ?

— Ce sont vos préliminaires, ça ? nous interrompt Kenzo, qui sort en boxer de la salle de bain.

— La danse, c’est le meilleur des préliminaires, tu ne crois pas, mon fils ?

— Peut-être bien oui, sourit-il. Tu as déjà allumé le barbecue ou tu veux que je le fasse, P’pa ? Tu m’as l’air bien occupé avec Belle-maman, là. A ce rythme-là, on va manger demain matin.

— Arrête de l’appeler comme ça et va alluuuuumer le feu, s’exclame Alken, visiblement en grande forme et prêt à nous faire tout le répertoire de la musique française.

— Ouais, ouais, je vais m’habiller d’abord. J’aime bien l’appeler Belle-maman, moi. Techniquement, c’est un peu ça, dit-il en venant déposer un bisou sur ma joue avant de monter dans sa chambre.

— Foutue crise d’ado, ris-je en retournant à la préparation de la salade.

Alken se colle dans mon dos et glisse ses mains sous mon tee-shirt. Je sens son souffle chaud dans mon cou et ses lèvres qui s’y promènent, et j’ai de moins en moins envie de passer la soirée en compagnie d’autres hommes alors que mon corps appelle celui de mon amoureux de toutes ses forces. Peut-être que j’aurais dû accepter la proposition de céder à la tentation, finalement.

— Tu sais que la salade ne va pas terminer de se préparer toute seule, n’est-ce pas ? ris-je alors qu’il tire sur le col de mon tee-shirt pour embrasser mon épaule.

— Oui, je sais, et j’ai encore le dessert à préparer, soupire-t-il mais sans bouger, cependant.

— T’aurais dû acheter des sorbets, et puis prendre à emporter chez un traiteur, bon sang. Franchement, quelle idée de se taper de la cuisine après une journée comme ça et alors qu’on aurait pu profiter du temps qu’il nous reste pour se faire du bien ?

— Tu vas croire que je suis malade, mais moi, j’aime bien passer du temps comme ça, avec toi, à faire la cuisine, rigoler, discuter. C’est notre premier repas où on invite, ça fait plaisir, non ?

— Oui, oui, bien sûr. Un peu de normalité, ça ne fait pas de mal. C’est plutôt agréable. Mais là, j’ai un peu l’impression de me faire avoir, vu que tu me tripotes pendant que je prépare, me moqué-je en pressant mon postérieur contre lui.

— Tu aimes quand tu te fais avoir par moi, non ? me taquine-t-il. En tous cas, j’ai hâte d’arriver au dessert, ma Chérie. Je sens que je vais me régaler !

— Ah oui ? Tu fais quoi comme dessert ? lui demandé-je alors que l’interphone sonne.

— De la Joy en ébullition ! rit-il.

Il prend des fruits et une planche à découper et se met à les trancher pendant que Kenzo se précipite vers la porte pour aller accueillir son amoureux qui a amené Léon à cette petite fête.

— N’oublie pas que tu as un barbecue à allumer, gamin, dis-je à Kenzo en prenant Léon dans mes bras. Je suis contente de te voir. Théo n’a pas trop conduit comme un fou ?

— J’ai survécu, alors ça va. Peut-être quelques palpitations à mon actif quand même, sourit-il alors que je pousse gentiment Kenzo pour enlacer mon ami d’enfance.

— J’espère que tu as bien pris ton médicament alors.

— J’avais prévu le coup. Eh bien, dit-il en s’engouffrant dans la pièce de vie en regardant tout autour de lui. On ne s’ennuie pas à ce que je vois, Alken ! Sacré appartement !

— Quand on a du succès dans la danse, ça paie bien, sourit-il. Si vous êtes sage, je vous laisserai essayer le jacuzzi en terrasse. Allez voir la vue, ça vaut la peine !

Léon sort sur la terrasse, suivi de Théo et Kenzo, et je me retrouve à faire le service pour l’apéritif. Je tâtonne encore pour trouver où tout se situe, mais je me sens plutôt bien ici et je prends mes marques.

Alken nous rejoint finalement et s’installe à mes côtés, posant son bras sur le dossier de ma chaise. C‘est fou comme nous avons toujours le besoin de nous toucher, d’avoir un contact physique. Comme si se priver quotidiennement lorsque nous sommes en public nous obligeait à en profiter constamment dès que nous le pouvons.

— Eh bien, santé. Merci d’être venus, et toi, merci de supporter ta nouvelle belle-mère, fichu ado en pleine crise, souris-je en levant mon verre.

Nous trinquons dans la bonne humeur, même si je prends un regard noir de Kenzo qui me fait sourire largement.

— Et à nous, mon Cœur, murmuré-je en embrassant Alken au coin des lèvres.

— A la plus belle des femmes, me répond-il en souriant.

Nous passons un agréable moment tous les cinq, comme si c’était logique, presque habituel, de nous réunir. C’est fou comme c’est naturel. Alken s’entend bien avec Léon et Kenzo s’amuse à le charrier sur son âge et le fait qu’il s’entende avec un retraité, Théo nous raconte les préparatifs du spectacle auquel il participe et je bois ses paroles avec envie. J’ai beau être la seule femme de la soirée, je ne me sens pas seule un moment, tant les personnes autour de cette table sont ma famille d’adoption. Je n’imagine pas ma vie sans l’un d’eux, de Léon qui m’a sauvé la mise lorsque je cherchais un chez-moi, à Kenzo qui est devenu rapidement un vrai copain, en passant par mon meilleur ami que je suis plus qu’heureuse de voir, et ma moitié qui passe son temps à caresser ma cuisse nue ou ma nuque avec une douceur qui m’embrase petit à petit.

C’est presque à regret que je me poste sur la terrasse pour voir Léon et Kenzo monter dans la voiture de Théo, tant la soirée est vite passée. Presque, seulement, parce que si j’en crois l’empressement d’Alken à débarrasser et son envie pressante d’aller se coucher, je sens que le second dessert promet d’être encore plus agréable que le premier. La vie à deux, c’est pas mal, quand même.

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