59. Chevalier servant

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Joy

— Vous avez mal où ? me demande le médecin qui me semble peu commode.

— Heu… A la cheville droite.

— Oui, d’accord, mais où, à la cheville ? continue-t-il en me palpant l’articulation, me faisant gémir de douleur.

— Partout, bon dieu, allez-y mollo, grondé-je. Ça me remonte jusque dans le mollet.

Il continue de palper, ignorant mes gémissements alors qu’on frappe à la porte.

— Joy, je peux entrer ?

Je fronce les sourcils en voyant Elise apparaître dans l’encadrement. Qu’est-ce qu’elle fiche ici ? Ce n’est pas elle que je voudrais voir là, moi ! Bon sang, foutue fin de journée !

— Oui, oui, entr….

Ma fin de phrase est coupée par un nouveau gémissement, à la limite du cri.

— Mais allez-y doucement, enfin ! s’agace la directrice de l’ESD. Vous ne voyez pas qu’elle a mal ?

Ce médecin semble s’en foutre royalement. Il ne m’a même pas adressé un regard depuis qu’il est entré, et il n’en accorde pas plus à Elise.

— On va vous faire une radio, mais effectivement il n’y a pas de fracture, juste une élongation. Attendez ici.

Il se barre comme il est arrivé et j’ai envie de lui envoyer la seule chaussure qu’il me reste en pleine tête. Fourbement, puisqu’il est de dos, mais il le mériterait. Pauvre con.

— Je vous ai ramené vos affaires, Joy, continue Elise en déposant à mes côtés mon sac.

— Oh, merci beaucoup, mais il ne fallait pas vous déranger pour moi, vous savez.

— Ce n’est rien. Je n’allais pas vous laisser seule, enfin !

Je n’aurais pas été seule. Enfin, je ne crois pas. J’envoie tout de même un message à Alken pour être sûre qu’ils ne se croisent pas.

— Je ne sais pas ce que tu comptes faire, mais si des fois il te venait à l’idée de venir aux Urgences, je suis en compagnie d’Elise. Je ne sais pas si tu es au courant, je préfère prévenir. Je t’embrasse.

Je range mon téléphone alors qu’on vient me chercher pour la radio. Je tente de poser mon pied au sol alors qu’on me transbahute sur un fauteuil roulant et grimace lourdement. Bordel, ça va piquer au réveil, ça. A froid, ça va être l’horreur. J’ai souvenir de m’être déjà foulé l’autre cheville, plus petite, j’en pleurais pour poser le pied au sol en me levant. Un cauchemar.

Lorsque je reviens dans la pièce où l’on m’a auscultée, Elise est toujours plantée là. Adorable, mais dérangeante.

— Dis-lui que Kenzo vient te chercher, qu’elle peut y aller. Je suis sur le parking. Préviens-moi quand c’est bon.

— Est-ce que… Enfin, je vais être arrêtée pendant un moment. Qu’est-ce qu’il en est pour la formation ? Je me souviens de votre discours de rentrée, j’avoue que ça me fait un peu flipper, là, ris-je.

— Il faudra que j'en discute avec les professeurs, Joy. Tout va dépendre de la durée de votre indisponibilité. Si ça dure trop, au pire, nous vous autoriserons à rester avec nous pour une troisième année !

Une troisième année ? Elle est folle ! Hors de question de vivre dans ces conditions un an de plus !

— Je pourrais assister aux cours quand même, enfin, même ceux de danse. Je suis sûre que ça ne va pas durer très longtemps, et puis, je rattraperai les apprentissages en pratique dès que possible. Kenzo me donnera un coup de main, c’est certain. S’il vous plaît, je ne peux pas… Je n’ai pas les moyens de faire une troisième année.

— Nous verrons ça. Soignez-vous déjà, c'est le plus important. J'espère que les résultats vont vite arriver, j'avais d'autres obligations ce soir…

— Oh, vous pouvez y aller, Kenzo va passer me chercher. Ne vous en faites pas pour moi, vraiment.

— Vous êtes sûre ? demande-t-elle en se levant déjà. Je vous laisse alors. Appelez-moi quand vous aurez le diagnostic.

— Bien Madame, pas de problème. Bonne soirée à vous.

Elle me souhaite une bonne soirée alors qu’elle est déjà à la porte, et sort rapidement, me laissant seule avec ma cheville douloureuse. Elle s’en fout, elle, que ce soit la galère pour moi. L’idée d’une troisième année me fait clairement paniquer. Je m’apprête à envoyer un message à Alken lorsque le doc revient dans la pièce, et me retrouve finalement dans le hall d’entrée des Urgences avec une ordonnance et des béquilles, mon sac sur l’épaule, à lutter pour lui envoyer un message.

Je lui souris en le voyant finalement arriver, et profite de son corps chaud alors qu’il m’enlace avec précaution.

— Elise avait hâte de partir, ris-je. Et j’avais hâte aussi. Ça va ?

— Moi aussi j'avais hâte ! Attendre dans la voiture et me cacher quand Elise passe, ce n’est pas drôle ! Alors, qu'a dit le médecin ? Tu en as pour combien de temps avec ces béquilles ?

— Une bonne entorse, au moins quinze jours sans danse, peut-être trois semaines… Faut que j’aille voir mon médecin dans quinze jours, quoi, soupiré-je.

— Kenzo s'en veut, il est déjà en train de te préparer à dîner. Tu pourras au moins abuser de lui ces prochains jours !

— Est-ce que je suis du genre à abuser de la situation ? dis-je en réfléchissant un peu. Je crois bien que oui ! On rentre ? J’ai envie d’une bonne douche et de m’allonger, j’ai un coup de mou.

— Oui, bien sûr, ma Chérie. Dans ton malheur, tu as au moins la chance qu'il y ait un ascenseur chez moi. Sinon, c'est dans le canapé de Léon que tu dormirais ! Appuie-toi sur mon bras, je vais être aux petits soins pour toi !

— Tu parles, ris-je. Entre le père tyran et le fils maladroit, je me demande dans quelle famille je suis tombée, moi. Tu pourrais au moins me porter, non mais !

— Si Madame le désire…

Sans effort apparent, il me soulève dans ses bras puissants et je m'accroche à son cou pendant qu'il récupère mes béquilles de sa main libre.

— Quel homme ! Je suis sous le charme, Monsieur O’Brien, impressionnée, même ! Évite juste de me faire tomber comme ton fils, tu veux ? dis-je avant de l’embrasser sur la joue.

Alken nous fait quitter les Urgences et ne me dépose qu’une fois devant sa voiture avant de m’aider à monter. Un véritable amour. Il démarre rapidement et je pose ma tête contre son épaule en jetant un œil distrait à la route.

Kenzo me saute presque dessus lorsque nous arrivons à l’appartement. Il a vraiment l’air de s’en vouloir et je culpabilise un peu à l’idée d’en profiter. Sentiment qui disparaît à la seconde où je vois le bordel qu’il a laissé sur le canapé, une fois de plus.

— Je sais, je sais, je range, Belle-maman.

— Je vais prendre ma douche, tu as le temps. Mais si tu pouvais éviter de laisser traîner des trucs par terre, j’ai pas envie de glisser avec les béquilles.

— Promis, Joy, me répond-il alors que je file dans la chambre, suivie par Alken.

— Bon sang, c’est vraiment la galère, les béquilles, soupiré-je en me laissant tomber sur le lit.

— Tu t’en sors bien, ma Chérie. Mais c’est sûr que pour danser, c’est pas le pied. Tu as besoin d’aide pour la douche ou ça va aller ?

— Tu comptes me frotter le dos ? Je ne dis pas non, mais je doute de pouvoir rendre cette douche coquine sur une seule jambe.

— Je suis convaincu que tu pourrais faire des miracles, mais l’idée est surtout que tu sois à l’aise et que tu te sentes bien, susurre-t-il à mon oreille tendrement. Je t’y dépose, jolie Princesse ?

— Tu sais que j’adore que tu me soulèves dans tes grands bras ? dis-je en nouant les miens autour de son cou alors qu’il me prend à nouveau contre lui.

— Eh bien, est-ce que tu ne t’es blessée que pour ça ? Tu sais, il suffisait de demander, sourit-il en m’emmenant dans la salle de bain.

J’aurais préféré faire mine de me blesser, parce que là c’est un peu la galère, quand même. J’ai envoyé un message à Elise pour l’informer de mon arrêt, mais je n’ai pas encore eu de réponse.

— Ah oui ? Tu peux me déshabiller alors ? Je ne suis pas sûre de pouvoir le faire seule, souris-je innocemment.

— Tu es sûre que tu ne veux pas que cette douche soit coquine ? m’interroge mon beau brun en ne se faisant toutefois pas prier pour ôter mes habits avec attention et tendresse.

— Ben… Non, sinon je te le demanderais puisque je n’ai que ça à faire. Tu viens avec moi sous la douche quand même ? lui demandé-je en déboutonnant déjà son jean.

— Je ne manquerais une occasion comme ça sous aucun prétexte.

Il termine de se déshabiller rapidement alors que je claudique jusqu’à la douche, où il me rejoint, me faisant reculer contre le mur en me serrant contre lui. Alken soulève ma jambe dont la cheville est blessée et la maintient contre sa hanche, pressant son sexe contre le mien. Je me retiens de grimacer et l’embrasse tendrement, profitant de cet instant de calme et de tendresse après le petit choc de ma chute. Alken dépose des baisers dans mon cou et sur mon épaule, me caresse avec toujours plus de tendresse et d’attention. Il se saisit d’un savon et le fait glisser sur la peau de mon dos avant de me savonner en posant directement ses mains sur moi. Il fait preuve de tant d’attention que je me laisse aller à la sérénité du moment. Je sens contre ma cuisse que je ne le laisse pas indifférent et que le contact de ses doigts avec mes tétons lui donne envie, mais, en bon gentleman, il se retient de toute autre tentative et se contente de me détendre en faisant glisser ses mains partout sur mon corps.

— Pour les cheveux, par contre, je te laisse faire, si tu n’es pas endormie, me dit-il tout contre moi, alors que mes yeux s’étaient fermés d’eux-mêmes pour profiter du moment.

— Je t’aime, Alken. C’est fou comme je t’aime, soupiré-je en pressant mes lèvres contre les siennes.

— Moi aussi, je t’aime. Surtout quand tu es câline comme ça. J’ai vraiment eu de la chance le jour où j’ai croisé ton chemin.

— On a eu de la chance, oui. Heureusement que tu es venu me draguer au bar, même si tu étais un peu lourdingue, souris-je. Ça en valait largement la peine.

Il va falloir que je fasse l’effort de me souvenir de tout ça quand je rumine parce que se cacher est compliqué. Parce que tous ces petits moments ensemble justifient vraiment les galères quotidiennes à devoir se planquer. Il en vaut la peine, largement.

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