De la pluie. Du vent. Je remonte mon col et essaie de glisser mes mains aux plus profonds de mes poches. Je hâte le pas. J'ai froid. De la buée se forme sur mes lunettes. Un doute. A droite ? A gauche ? Cela faisait longtemps que je ne m'étais pas rendu dans ce quartier.

Je tente à gauche. Je me rappelle. Quelques années auparavant, j'aimais bien venir flâner dans les nombreuses boutiques que l'on trouve ici. Des disquaires, des friperies ou encore des antiquaires. Un faux air de Nothing Hill. Mais là, je n'ai pas pris la bonne direction. Je me retrouve dans une ruelle étroite où le vent s'engouffre. La pluie me fouette le visage. Je passe devant une échoppe que je n'avais jamais remarquée. La vitrine sale ne me laisse pas deviner ce qui se trouve dedans. Je décide de me réfugier à l'intérieur. Je pousse la porte, un carillon d'un autre âge signale mon arrivée.

***

Je regarde autour de moi. Un bric-à-brac incroyable. Un équipement d'alchimiste à gauche. À droite, une table me fait songer à un taxidermiste. Dans tous les cas, cet endroit n'a pas d'âge. Une fine couche de poussière recouvre l'ensemble des objets.

Y compris le propriétaire. Lui aussi semble avoir plus de cent ans. Il me regarde en souriant. Ses yeux perçants me mettent mal à l'aise. Il parait lire à l'intérieur de moi-même.

Au fond, j'aperçois une bibliothèque. Je me dirige vers elle, comme attiré par un aimant invisible. "Prenez votre temps mon jeune ami. Cela me fait tellement plaisir d'avoir de la visite".

Sur l'étagère du milieu, je trouve une anthologie de la littérature horrifique, de Mary Shelley à Lovecraft en passant par Bram Stocker. Des éditions originales. Avec des couvertures en cuir et des tranches dorées. Je pense que je vais me faire un petit cadeau.

"Combien pour ce Dracula ?". Seulement 20 euros. Je prends mon portefeuille et sors ma carte de crédit. Il me regarde, navré. "Je n'ai malheureusement pas d'appareil. Mais si vous voulez, vous me signez un reçu, et vous reviendrez me payer plus tard". Trop heureux, je parafe. En posant le stylo, je me pique avec une aiguille qui trainait à côté. Une goutte de sang tombe sur ma signature. "Ne vous inquiétez pas pour ça". C'est drôle, il me semble moins ridé que tout à l'heure. "Sortez plutôt par cette porte, suivez le corridor et vous devriez retrouver votre chemin". Je le remercie chaleureusement, glisse mon livre sous mon manteau, et emprunte la voie qu'il m'indique.

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Effectivement, le couloir est sombre et froid. Au fur et à mesure que je progresse, un léger brouillard m'entoure. Je débouche sur une cour pavée. Il pleut toujours autant. Un fiacre sortit d'un film qui semble m'attendre, la porte ouverte. Je me dis après tout, pourquoi pas. Je vais prendre ce truc à touriste pour rentrer chez moi, au moins je serais au sec.

Je n'ai pas vu le cocher, mais je lui crie mon adresse. Il démarre immédiatement. De plus en plus vite. Je suis balloté de tous les côtés. Brusquement, tout s'arrête. Je sors, mais je ne me trouve pas devant chez moi. J'aperçois une grande porte en bois. Un énorme vacarme, le cab est parti. Et la pluie redouble d'intensité. Sans hésiter, je rentre dans la majestueuse demeure. Un immense escalier. Un être blafard descend doucement en me fixant. Je ne peux détacher mes yeux de son regard. Il me sourit. Des canines plus longues luisent à la lueur des chandeliers. Mon Dieu. Je suis dans mon livre, je suis chez le comte Dracula !

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"Bonsoir maitre, tout s'est bien passé ce soir ?". Le libraire regarde un feuillet taché de rouge dans un grand classeur. Il se retourne, s'arrête un instant devant un miroir pour s'admirer. Il est jeune, une barbiche bien taillée, deux légère proéminence de chaque côté de son large front. Il sourit à l'hideuse créature. "Très bien, nous avons encore gagné une âme. Attends, je relis le nom, Fawler. Tu pourras me la ranger juste après celle de monsieur Faust ?". Et il éclate d'un rire à glacer le sang.