Chapitre 5 – Celles qui se taisent

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Annette

La salle de réception continuait de bruisser, comme si rien n’avait changé. Des rires, des coupes levées, des salutations douces dans un décor de luxe discret. Tout était à sa place. Sauf elle.

Annette s’était réfugiée derrière un paravent, à l’arrière du salon, près du petit office. Elle tenait toujours le plateau, mais ses mains tremblaient. La porcelaine vibrait doucement, prête à éclater au moindre faux mouvement.

Elle ne savait pas ce qui faisait le plus mal. Le regard d’Elias posé sur Sélène. Ou l’expression de Sélène elle-même : calme, assurée, comme si cette soirée avait toujours été la sienne.
Comme si elle l’avait planifiée.

Annette avait mal. Ce genre de douleur qu’on ne montre pas, qu’on cache sous des sourires polis et des gestes professionnels. Mais elle le savait maintenant. Il ne la verrait jamais autrement. Elle n’était qu’une ombre dans sa lumière.

Et Sélène... Sélène était entrée dans cette lumière sans même demander la permission.

Elle n’avait rien dit. Rien reproché. Pas encore. Parce qu’une part d’elle voulait croire que ce n’était qu’un hasard. Une erreur de trajectoire.
Mais au fond, elle savait.

Sélène

Elle sentait les regards. Certains fascinés, d’autres méfiants. Mais Elias ne voyait qu’elle. Il lui parlait à voix basse, comme s’ils étaient seuls au monde. Il l’avait présentée à quelques partenaires, comme une invitée surprise. Elle avait su doser ses mots, flatter sans excès, se rendre indispensable sans insister.

Elle n’avait pas besoin de forcer. Sa seule présence suffisait à éveiller quelque chose chez lui. Un besoin. Un manque, peut-être. Elle avait lu ce genre d’hommes dans les gestes, dans les silences. Et Elias Kane n’était pas aussi inébranlable qu’il voulait le croire.

Mais ce regard qu’elle avait croisé, derrière le paravent… celui d’Annette… l’avait piquée.
Pas de colère. Pas encore.
Mais une blessure muette. Une incompréhension. Un vertige.

Sélène aurait pu s’éloigner, calmer le jeu, faire semblant de ne pas avoir vu.
Elle choisit de s’approcher.

Annette

Elle redressait les verres, s’efforçait de respirer lentement quand une ombre glissa dans son champ de vision. Sélène.

— Tu n’étais pas censée être là, murmura Annette sans se retourner.

— Je le suis pourtant. Et tu sais très bien pourquoi.

Annette posa lentement le plateau. Se retourna.

— Il t’attire, n’est-ce pas ?

Sélène ne répondit pas tout de suite. Puis elle haussa les épaules.

— Il me voit. Et moi, je ne détourne pas les yeux.

Un silence tendu.

— Tu aurais pu me le dire, dit Annette, la voix cassée.

— Tu aurais préféré quoi ? Que je m’excuse d’exister ? D’avoir quelque chose qu’il remarque ?

— Il ne t’aime pas. Pas encore. Il est juste... troublé.

— Et toi, Annette ? Tu comptes rester son amie silencieuse toute ta vie, à l’aimer dans ton coin sans jamais rien dire ?

Annette serra les poings. Des larmes menaçaient, mais elle les retint.

— Je t’aimais, toi aussi. Comme une sœur.

Sélène recula d’un pas. Une fraction de seconde, quelque chose passa dans son regard. Un doute. Un écho.

— Alors tu devrais comprendre que je ne peux pas rester là à regarder passer les occasions.

— Même si ça signifie me trahir ?

Sélène répondit sans détour.

— Je ne t’ai rien volé, Annette. Il ne t’a jamais appartenu.

Et elle tourna les talons, laissant derrière elle un vide que ni mots ni silences ne pourraient combler.

Annette resta seule.
Les doigts crispés. Le cœur lacéré. Le monde inchangé.

Mais quelque chose, en elle, venait de se briser. Et une brèche s’était ouverte.

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