Pardon de ne pas avoir su t'aimer.
"Attends !"
Aura s'arrêta. Elle hésita. L'écouter ? Partir ? Il allait se confondre en excuses. Elle le savait.
"Quoi, Julian ?
-Je dois te parler, Aura. Même si tu décides de t'en aller.
-Bon, Lenny, va dehors, je dois parler à ton... Ses yeux tombèrent sur le visage de Julian, comme si elle avait dit une bêtise. Je dois parler à Julian, continua-t-elle.
Aura mit ses mains dans ses poches. Le regard plein de représailles, elle se posta face à Julian. Durant quelques secondes, trente ou quarante, peut-être, il y eut une espèce de silence gênant.
-T'es tellement belle...
-Julian...
-J'suis tellement con, Aura... Bordel, j'suis tellement con !
-Julian...
-Je t'en supplie, Aura, ne m'interrompts pas. Laisse-moi parler, s'il-te-plaît. La jeune femme mordit sa langue. Elle ressentit l'envie de pleurer. Pas pour Julian, mais à cause de lui.
-Bon, je t'écoute. Mais fais-vite, il faut qu'on s'en aille, Lenny et moi.
-Aura, pardon de ne pas avoir su t'aimer. Dans le temps, j'aurai dit que c'était ta faute. Parce que je suis con. Mais non, c'est pas ta faute. C'est la mienne. Je n'ai pas su t'aimer, alors que tu m'aimais. Je suis pas en train de coudre des excuses, je veux pas que tu me pardonnes, parce que j'le mérite pas du tout. J'ai trente-six ans, j'suis plus un gamin. Tu me l'as appris. Merde, j'suis tellement con, sérieux ! Quelle idée j'ai eu d'oublier les sentiments des autres, surtout les tiens, pour me pencher sur les miens ?! J'suis un putain d'égoïste. Un putain de gros con ! De toutes les filles que j'ai cru aimé, tu étais la seule pour laquelle je ressentai quelque chose de vrai. Aujourd'hui, j'ai un gosse de quatorze ans. J'ai jamais été là pour lui, et là... Il va... Il va clamser à cause d'une putain de maladie.
-Julian !
-J'suis désolé, j'suis désolé Aura, mais j'suis en colère contre moi. J'veux pas qu'il me pardonne, j'veux pas que tu me pardonne non plus. Je veux pas. Je mérite pas qu'on m'accorde le pardon. C'est tout. Lenny, qui écoutait dans l'entrebaillement de la porte, ouvrit cette dernière, fit face à Julian et dit :
-J'te pardonne, moi.
Le silence tomba dans l'appartement.
-Je sais pas si je peux te pardonner, de toute façon, Julian. Tu m'as engrossée quand j'avais vingt-deux ans, avant de me jeter lâchement. Pour ta défense, tu savais pas encore que j'étais enceinte, et moi non plus. Tu viens de l'apprendre. A l'époque, j'avais peur de te le dire. Bah, oui, comment t'allais réagir, hein, Julian ? Puis tu m'as quitté. J'ai compris que tout ce que tu voulais, c'était un coup de cul, rien de plus. Alors j'ai réfléchi. J'ai décidé de le garder, et de l'élever sans toi. Ouais, j'avais pas envie qu'il soit élevé par un père bourré constamment, sans boulot ; bref, le contraire d'un homme exemplaire. Je voulais qu'il ait une vie meilleure. Aujourd'hui, Lenny est la meilleure chose qui me soit arrivé. Mais y a eu toi, et y a eu cette connasse de maladie. Oui, hein, le bonheur ne peut jamais durer très longtemps.
-J'suis désolé, Aura, je...
-Tais-toi. Ah, depuis quatorze ans, j'ai des choses à te dire. Voilà, je vais te les dire maintenant. Non, je ne te pardonne pas. Evidemment que je ne te pardonne pas. Bordel, comment ai-je pu tomber amoureuse de toi ? Comment ai-je pu être aussi conne ? Comment ai-je fait pour ne pas comprendre que ce que tu voulais, c'était un plan cul ? Car, oui, je t'aimais, Julian ! J'aimais même tes défauts ! Je ne t'aimais pas pour un soir, je voulais t'aimer pour la vie. J'ai été stupide de penser que tu ressentais la même chose ! Aujourd'hui, tu as beau dire que tu as changé, tu as quand même brisé ma vie. Quand on appris la maladie de Lenny, la première chose qu'il m'a demandé, c'est de lui faire rencontrer son papa avant de mourir. J'étais pas d'accord. Mais pour lui, c'était important, et j'ai dit oui. Je pensais que j'arriverai un jour à te pardonner, mais non, quatorze ans sont passés et j'ai décidé de ne pas te pardonner, Julian. Aura se tourna vers son fils, fouilla dans la poche de son jean noir et lui lança les clés de la Audi noire garée en bas de l'immeuble. S'il-te-plaît, Lenny, va m'attendre en bas, voilà les clés. J'arrive. Puis elle s'adressa à Julian : Adieu, Julian. J'ai fait tout ça pour faire plaisir au gamin. J'ai pas fait ces choses pour que nous nous retrouvions, toi et moi. Peu importe ce que tu as pu penser, oublies tout. Tu te faisais certainement des films."
Annotations
Versions