Les Ruines
Tom avançait lentement.
Ses pas écrasaient les cendres, qui recouvraient tout comme une neige grise. Chaque bloc qu’il foulait semblait gémir sous son poids, comme si la terre elle-même souffrait encore. Il reconnut ce qu’il restait du puits du village : un cercle de pierre brisé, penché sur le vide, l’eau en dessous remplacée par une flaque noire, stagnante, probablement toxique. Il n’osa pas s’en approcher.
Autour de lui, tout était méconnaissable.
Les maisons ? Disparues. Seules quelques fondations de cobble noircies subsistaient. Les jardins ? Morts. Les feuilles des arbres avaient brûlé net, ne laissant que des branches noircies, tordues comme des bras figés dans une agonie éternelle.
Pas un bruit. Même pas celui du vent.
Pas d’animaux.
Pas de joueurs.
Juste le silence.
Tom passa devant ce qui avait été la maison de l’apiculteur. Il se souvenait des ruches, des fleurs, du joyeux bourdonnement constant. Aujourd’hui, il n’y avait que des cendres et des blocs de bois carbonisés. Il entra dans les ruines à moitié effondrées. Rien. Il fouilla un coffre presque intact et trouva une pomme dorée. Elle brillait faiblement. Il la glissa dans son sac, sans la manger. Pas encore.
Il se dirigea vers la place centrale, ou plutôt ce qu’il en restait.
Le sol était éventré. Des dalles manquaient. La grande cloche du village était tombée au sol, tordue, fissurée. Tom se pencha, tendit la main… et la toucha.
Un bong profond résonna dans l’air, brisant un instant le silence.
Mais il n’y eut aucune réponse.
Il se sentait seul dans un monde géométrique devenu cadavre. Comme si tout ce qui avait eu une âme, une chaleur, avait été effacé.
Il explora encore. Une par une, il entra dans les ruines.
La forge ? Vide. Le fourneau éclaté.
La bibliothèque ? Les livres avaient pris feu. Des fragments de pages flottaient encore dans les coins sombres.
L’école des villageois ? Le tableau de craie était encore lisible, mais recouvert d’un mot :
FUYEZ.
Il s’arrêta. Longtemps.
Il regarda le ciel gris, et sentit pour la première fois une peur plus grande que la faim ou la mort : la peur d’être vraiment seul.
Il appela une dernière fois.
— Louis ? Manon ? N’importe qui…
Rien.
Seulement le crépitement lointain d’un feu qui refusait de s’éteindre.
Alors il s’assit contre une souche brûlée. Il ouvrit son sac. Il avait trois morceaux de pain rassis, une pomme dorée, un demi-flacon d’eau. Pas de lit. Pas de torche. Juste une épée en pierre usée et une carte illisible.
Il savait qu’il devait partir. Ce village n’existait plus. Ce n’était plus un abri. Juste un tombeau.
Demain, il chercherait un autre endroit.
Demain, il marcherait vers l’est.
Demain, peut-être, il trouverait quelqu’un. Ou quelque chose.
Mais pour cette nuit, il dormirait là, au milieu des ruines.
Et prierait que rien ne vienne pendant son sommeil.
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