Le ciel blanc

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On m’avait dit le ciel blanc, la lumière partout étincelant, les feuilles aiguës des palmiers, l’éclatement floral des lauriers-roses, les façades couleur de craie et nul espace où trouver du repos. On m’avait dit la dette à acquitter à cette belle Andalousie, comme s’il se fût agi de noces tragiques dont, jamais, on ne reviendrait. On m’avait dit la présence sous le soleil, dans les rues gorgées d’ombres ; le soir, le jerez ambré dans des verres étroits ; la danse lente des ailes des ventilateurs dans les cafés de tapas et le non-retour. Jamais on ne revenait d’Andalousie. On demeurait dans le lacis des ruelles, longtemps on rôdait sur le paséo, au milieu des mailles serrées des odeurs et des dalles rouges et blanches des pavés. Longtemps on errait devant les façades hantées de hautes grilles, alors que l’eau de la Sierra Nevada coulait dans les acequias de pierre, sous le vert de la végétation. Souvent on longeait les murs crénelés de l’Alcazaba, au-dessus du quartier gitan et le regard se perdait, au loin, là-bas, du côté des grands bateaux échoués dans le port, pareils à des falaises percées des trous des troglodytes. Il y avait comme une impossibilité à s’extraire de soi, à remonter à la surface de la conscience, à faire la planche et regarder le monde avec les yeux de l’innocence. Il y avait trop de douleur à quitter les profondeurs marines, là tout contre le bleu de la mer, si près des agates brunes, dans le brouillard solaire, sur la natte des herbes qui couraient au ras du sable, sur les plages d’Aguadulce, de Callente, de Marisol. C’était comme une aimantation, un genre de vibration qui s’installait au creux des reins et y demeurait avec la force naturelle d’un séisme. C’était la phosphorescence d’une image très ancienne juste en arrière des yeux, comme si un invisible moucharabieh en eût dressé la trame subtile et tout se révélait sous la figure d’un inatteignable. Un désir, là, au bout des doigts, des dattes très précieuses, le gonflement d’un sein translucide avec ses gouttes de miel, la rosée d’un pubis sous les diamants d’une forêt pluviale. Andalousie était là, immense mystère creusé jusqu’en ses plus étonnants arcanes, labyrinthe complexe aux mille trajets inaperçus, nécropole souterraine allumant ses milliers de lueurs ossuaires. Fascination qui n’avait pas de nom, à la manière d’une antique déesse, peut-être une reine noire de Nubie enfouie dans le souvenir des dunes du désert.

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