La dernière tentation de Jacques

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Jacques Pelot se remit péniblement sur ses pieds. Son bras ne répondait plus. L'Homme Rouge était inconscient, face contre neige. Jacques regarda autour de lui les glaces de l'Antarctie. Son regard se dirigea vers le Masque, toujours solidement accroché à la moto d'Eddy Castagnette.

L'Antarctie était un monde souterrain hyper-efficace, totalement dédié aux buts désignés par un seul homme. Peut-être pourrait-il devenir ici qui il était vraiment, ce Père Noël dont il ne faisait que jouer le rôle, quelques semaines dans l'année, doublure parmi d'infinies doublures dédoublés à l'infini ?

Il pourrait alors pourquoi pas, devenir enfin lui, à temps plein !

Il ferait suer les autres à grande échelle, lancerait des start-ups dans tous les domaines de l'amusement et du jouet ! Fabriquerait des rênes qui parlent, des Lutins dotés d'une inteligence artificielle si perfectionnée qu'on pourrait les libérer des tâches ingrates de serrages de boulons pour leur faire imaginer du neuf, dresser des plans, breveter partout sur la planète, créer des giga-usines pondeuses de trucs marrants et colorés, voire pourquoi pas des usines à Lutins fabriquant d'autres lutins encore plus productifs et suffisamment cons pour rester le cul sur leur chaise, ou en réglage manager, courir partout, toute la journée. C'était ça l'idée.

Un temps plein n'y suffirait, d'ailleurs, peut-être pas. Il ferait donc plusieurs versions de lui-même, et les enverrait évangéliser les coins les plus reculés de la planète à coups de shows, de promotions publicitaires, de cadeaux gratuits distribués un fois l'an sur abonnement à vie à la consommation de ses produits !

Ça c'était mieux qu'une impasse à Clichy !

Il repensa à Lucile. Il se dit que peut-être elle ne supporterait pas la confusion d'autant de Pères Noël. Peut-être même, sans le savoir, elle le tromperait avec lui-même, ce qui serait tout de même une consolation. Survivrait-elle au climat de l'Antarctie ? A toute cette activité débridée et furieusement divertissante ?

Il regarda à nouveau le Masque qui lui souriait et il soupira. Il le retourna face contre neige, renversant la moto-chenille.

Parmi les décombres de ce qui fut son royaume, à l’étage dévasté par la lutte avec l’équipe de Cassy, songeant à la fuite, l’Homme Rouge n'avait vu qu’une seule chose à emporter, à partir de quoi tout était encore possible. Une source de résurrection infinie. C’était le Masque. Ce masque qu’il avait pris au Notanou, son double inspirant, son confident de solitude.

Arthur arriva avant Maesath. Il mit sa moto-neige à l’arrêt, désarmant son « ours », qui, blessé, reprenait conscience. Maesath vint le rejoindre, maudissant en sa langue ces Hommes Rouges têtus et bornés. Il dégagea le bagage arrière de la motoneige retournée, prenant le Masque, son butin, et en souriant il leva le pouce en direction de Jacques.

- Je crois que j’ai le bras cassé, Maesath.

- Et moi le tibia, monsieur Pelot. Vous êtes donc partout ?

- Aujourd’hui, Eddy, appelez-moi Jacques.

Une dernière autoneige arriva. Tout d'abord petit point à l'horizon, elle devint peu à peu un véhicule utilitaire. Lucile arrivait, accompagnée de Elie. Maesath s'adressa à celui qui fut l'Homme Rouge.

- Ce masque n'est pas à vous. Il ne l'a jamais été. Il a été volé.

Puis, se tournant vers Elie.

- Ce masque est le tien, désormais.

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