L'aurore nimbait le bayou d'une brume bleutée où dansaient des myriades de lucioles. D'ordinaire peu enclin aux superstitions et à toute forme de croyance, Flint voyait en ces éclats délicats les esprits de ceux qui avaient vécu là et qui reposaient à présent sous les lentilles d'eau.

Flint n'aimait pas ces marais lugubres, mais il respectait le désir assumé de vous faire la peau qui émanait de ces lieux accessibles uniquement en pirogue. Ce paradis pour les alligators, les mocassins d'eau et les moustiques. Sans oublier les vieilles légendes vaudoues.

À la Nouvelle-Orléans, Arlo " Two guns " Kelly lui avait échappé de justesse et s'était réfugié d'après les dires d'un indic de seconde zone chez les Avett, une famille de bootleggers vicieux. Cette fois il le coincerait pour le ramener à L.A.

Pour l'heure, depuis l'avant de leur barque, il fumait, le bras indolemment posé sur le bastingage tandis que le shérif manœuvrait entre les souches à demi noyées des cyprès-chauves et les oreilles d'éléphant.

En ces terres corrompues, la méfiance restait de mise et il gardait sa main inoccupée près du Colt 1911 qu'il gardait dans un holster d'épaule, prêt à dégainer.

Tout autour de lui, le bayou semblait retenir son souffle, à l'image d'une aigrette immobile, en équilibre, attendant qu'une brême vienne percer la surface de l'eau.