97. Plain & precious
La forêt se mourait, tel était l'amer constat que dressait Andrew au son creux que rendaient les arbres.
Ce matin-là, il partit bien au-delà du bruit des haches cognant sur les troncs épais, jusque dans ce cœur que ceux de son village nommaient ténébreux. Pour trouver ces essences si prisées par les artisans de la capitale, il s'enfonçait, sur les ordres de son père, chaque jour un peu plus loin dans la sylve ancestrale.
Mais aux yeux d'Andrew, la forêt n'avait rien d'obscur. Pour lui, elle révélait sa sagesse solennelle dans les mille reflets qui s'en échappaient, dans le trille des oiseaux. N'avait-il pas pris l'habitude discrète de toujours la garder à portée de regard, de la contempler bien après le coucher du soleil, de l'humer quand le brouillard hivernal la lui cachait ? Il taisait juste son amour aux autres familles de bûcherons car, dans cette contrée, le profit avait tué la poésie.
Attiré par le doux babil d'un ruisseau, il découvrit une clairière. En son centre, un arbre. Le plus beau qu'il n'eut jamais vu. Il s'aventura sur ses racines qui n'avaient rien à envier aux piliers d'une cathédrale. Avant même de sentir la caresse du bois sous ses doigts, il sut que le feuillu débordait de vie. Et il comprit deux choses.
Dans son avidité, l'homme avait troublé l'équilibre fragile entre lui et la nature. Qu'à sacrifier la manne de la terre, c'était l'existence toute entière qui vacillait, aussi sûrement que sous les fracas d'une hache ou les dents d'une scie.
Il jura à son nouvel ami de lui consacrer protection et pérennité.
Annotations
Versions