138. Connie

Une minute de lecture

Je suis persuadé qu'elle était au sens noble du terme un ange au milieu du chaos.

Plus la Bête hurlait, réclamait des âmes et arrachait des membres, plus elle lui opposait sa lumière effrontée. Comme un symbole, la première fois que je la vis, elle saluait le Soleil sur une butte qui dominait notre base. Son sourire était l'inamovible éclat cristalin dans les fumées âcres et noires des armes, des canonnades. Ses larges boucles rousses indomptées représentaient à mes yeux à la fois un feu réconfortant au plus fort de l'hiver et un pied-de-nez au carcan strict de l'armée.

Bien des années plus tard, je pensais encore qu'en devenant le dernier rempart à ma folie, elle avait rendu ma guerre plus douce. Le jour où elle est morte dans un bombardement, j'ai maudit tous les Dieux de la création. Cette nuit-là, je réalisai toute la violence et la vacuité du conflit.

Elle riait, aimait partager une bière avec nous quand nous revenions de patrouille dans l'océan tumultueux de la jungle. Avec mon ami Sixto, ils se taquinaient sur leurs choix musicaux respectifs. Sa main douce sur mon épaule ou sur ma poitrine, son souffle endormi au creux de mon épaule chassaient les décharges d'adrénaline qui me parcouraient le corps après un accrochage avec l'ennemi ou le spleen qui me rongeait l'esprit.

J'avais aimé Connie plus que tout, mais j'étais incapable de me souvenir avec précision de la première fois où nous nous sommes embrassés.

Nous crapahutions depuis deux semaines dans la forêt quand l'obus vietcong était tombé sur l'hôpital où elle travaillait. Sur les conseils de l'infirmière-chef, je n'avais jamais vu son corps horriblement mutilé et quelque part, elle vivait toujours pour moi. Parfois, elle me rendait visite dans mes rêves. À d'autres moments, j'apercevais son sourire dans les frondaisons de la mangrove ou au travers des rideaux de pluie qui s'abattaient sur Rum Cay.

Aujourd'hui, j'aimais profondément Beatrice qui m'avait offert le plus beau des cadeaux avec Emily, mais je savais que je n'oublierai jamais Connie. D'ailleurs, en avais-je vraiment envie ?

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