174. Merrill
Ce soir-là, des ombres pareilles à celles qui courent sous le ventre des orages traversaient le regard de Merrill.
Il était resté un moment à écouter le ressac indolent de la mer et la brise dans les cocotiers qui se répondaient en délicats murmures.
Dans la cuisine, Estelle préparait le repas. Elle riait aux facéties de l'un de leurs fils dont la tignasse brune dépassait tout juste du rebord de la fenêtre. Cette douce vision le conforta dans la décision qu'il avait prise une heure plus tôt.
Quand il entra dans la maison, son cadet se jeta dans ses bras :
" Oh, Papa ! Tu rentres tard.
- Oui, Paulie. Il fallait que je termine quelque chose au travail.
- Tu as l'air tout triste.
- Maintenant que je suis là, ça va beaucoup mieux, fiston. On rejoint Maman et Mike ? "
Peut-être Estelle avait-elle lu son désarroi car elle vint se blottir contre lui. Pendant qu'ils dinaient, elle s'efforça d'apporter joie et légèreté. Ce ne fut que plus tard, dans l'intimité de leur chambre qu'elle aborda le sujet :
" Est-ce que ça va, Merrill ?
- À vrai dire, ma fée, je ne sais pas trop.
- Et si tu me disais ce qui te pèse sur la conscience plutôt que de tourner autour du pot ?
- J'ai démissionné du bureau du shérif cet après-midi. J'y réfléchissais depuis un petit moment. Depuis la traque dans les marais de ces braqueurs de banque.
- Je me souviens que tu m'en avais parlé. Que tu craignais que ceci ne finisse par te peser sur la conscience. Dans ce cas, qu'est-ce qui te tracasse ?
- De ne pas pouvoir subvenir à nos besoins.
- Merrill, tu es un homme plein de ressources et ce n'est pas le travail qui manque à Rum Cay. L'important, c'est que tu sois en phase avec toi-même. On accomplit plus de grandes choses quand on est heureux. "

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