204. Black acre
La jungle avalait, étouffait, parfois libérait. Sous son couvert se tramait bien des horreurs.
Depuis trois jours, nous fouillions chaque acre de forêt à la recherche d'une patrouille portée disparue. Des hommes que j'appréciais. Nous progressions en tandems espacés de dix mètres.
À trente ou quarante pas de nous, un jeune gars les repéra en premier. Dans la bousculade pour apercevoir les corps, je me trouvai incapable de comprendre ce que je voyais. Sixto gronda à mes côtés :
" Ces enfoirés de Vietcongs les ont pendus. Et abandonnés là. "
L'étrange lumière rose du crépuscule filtrait à travers la frondaison, mais je la trouvais criarde et agressive. Le sergent Humphries me secoua :
" Bouge de là, gamin. Ou tu garderas en toi ces foutues images. "
Ça ne rata pas. Certains portaient encore leurs brodequins, d'autres étaient pieds nus.
Quand je me réveillai au petit matin, Beatrice lut en moi comme en un livre ouvert. Pour la première fois, je lui racontai mon cauchemar. Peut-être cela pouvait-il servir pour son projet de recueil de témoignages de vétérans ?

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