L'image s'était gravée dans l'esprit de Roy. Aussi indélébile qu'une tache d'encre, il n'avait toutefois pu en détacher le regard. Il savait qu'elle l'accompagnerait, comme tant d'autres à présent, jusqu'à ses derniers jours.

Les cris de l'homme avaient enflé à mesure que les flammes prenaient de l'ampleur. Les insultes et les supplications avaient laissé la place à des hurlements de terreur et de douleur. Et sous le crépitement du feu qui dévorait tout, les vociférations du gars semblaient perdurer, comme l'éclat rémanant d'un éclair sur la rétine.

Face à l'horreur, une pensée vint se coller au choc visuel de Roy. Qui méritait un tel sort ? Renier son pays et dénoncer la folie qui régnait ici menait-il inévitablement à cette impasse ? Pour la première fois, Roy eut honte de ses actes. Le Président et ses hordes furieuses de complotistes, depuis leur tour d'ivoire, eux qui avaient exhorté leurs concitoyens à nettoyer la nation de ses ennemis de l'intérieur, riaient-ils de ses bûchers et de cette guerre civile ?

La main de Collins s'abattit sur son épaule :

 " Roy, faut qu'on bouge. Ces pourris de fédéraux seront bientôt là. "

La guerre de Sécession, les longues années de ségrégation n'avaient rien enseigné à certaines âmes pour qui le chaos marchait toujours.