Le royaume d'Estelle pour Papy Merrill. " Fais attention à ne pas te brûler, ma petite chérie. " me répète Mamie quand je l'y aide. L'épicentre d'une famille qui s'aime, d'après Maman. Papa ne dit rien, mais je vois une lueur heureuse s'allumer dans son regard quand nous nous asseyons tous à la longue table en bois, polie par les années et les innombrables repas pris dessus. Pour moi, l'immanquable appel de l'estomac.

Mon grand-père s'installe toujours au bout, ma grand-mère au plus près du four, Papa et Maman se partagent la banquette et moi en face de Papy, avec qui je peux échanger des regards complices. Assis tous ensemble, nous rions, discutons. Chacun raconte sa journée. Des fois, j'hésite à parler de ce que j'ai appris ou vécu à l'école, mais Papa insiste pour que je le fasse. Il m'explique qu'il est aussi important de communiquer sur les bons moments que sur les mauvais. Maman rajoute qu'on peut tout se dire dans une famille qui s'aime.

Si c'est aussi facile que ça, pourquoi est-ce que la maman de mon Papa l'a laissé à la charge de Papy Merrill et Mamie Estelle, loin de chez elle ?

Il remarque que je le regarde du coin de l'œil et me sourit d'une façon qui me rappelle comment les vagues effacent les châteaux de sable. Est-ce que je lui fais oublier tous ses malheurs ? Est-ce qu'oublier ce qui nous a fait mal hier nous rend heureux aujourd'hui ?