245. Pluie d'ambre
Ma valise pour les vacances n'était pas encore défaite que Papa annonça :
" J'espère que ta mère a prévu des vêtements chauds. Parce que demain, nous irons ramasser des châtaignes. Et peut-être des champignons. "
Je dus lui lancer un drôle de regard puisqu'il ajouta :
" Rôties au four, c'est excellent ! Avec une poêlée de cêpes, tu vas te régaler. "
Moi, je me serais contentée d'une pizza, même faite maison ; aussi me contentai-je de hausser les épaules.
Il me réveilla le lendemain matin, bien avant que le Soleil ne teinte d'or l'horizon. J'eus à peine le temps d'enfiler un pantalon chaud et ma parka qu'il me traînait hors de la ville. Quand je lui fis remarquer que je n'avais pas déjeuné, il me répondit par un clin d'œil et me glissa entre les mains un thermos de chocolat chaud. Dans le sien, sa dose de café. Si noir que l'odeur envahissait tout l'habitacle du pick-up.
Il conduisit jusqu'aux collines qui dominaient la vallée, peu bavard pour une fois, respectant le silence que je lui infligeais pour m'avoir tirée du lit si tôt un samedi. Peut-être commençait-il à regretter son idée d'une telle expédition matinale. Je rompis le climat lourd de la cabine :
" Quels champignons on peut ramasser ?
- Oh, toutes sortes. Ton grand-père m'a montré quelques coins.
- Cool ! "
Dans la pénombre du tableau de bord, il sourit.
Nous arrivâmes sur la butte dans le feu rosé de l'aube. Il faisait froid, mais marcher nous réchauffa. Le châtaignier étendait ses ramures dans l'air vif. Papa attrapa une branche basse et la secoua. Des fruits tombèrent en une cascade bruits mats assourdis par le tapis de feuilles mortes. D'autres voletaient autour de nous. Je ris.
L'espace d'un instant, je redevins cette petite fille joyeuse.

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