273. Québec, 1781
Peut-être avions-nous poussé trop loin. Peut-être n'avions-nous pas assez prêté attention aux paroles du vieux sachem. Peut-être ces terres étaient-elles réellement maudites.
Nous avions traversé le Saint-Laurent tant pour établir un comptoir dans les forêts opaques du Québec que pour échapper à cette guerre que nous réprouvions. Ce qui m'avait frappé en premier lorsque nous installâmes les tentes dans un repli abrité du vent, c'était la rareté du gibier en dépit de la luxuriance de notre nouvel environnement.
Grant, l'un des trappeurs les plus expérimentés de l'expédition, avait repéré d'étranges traces dans la boue. À mi-chemin entre des pieds nus et les pattes d'un loup, nous dit-il le soir-même.
L'hiver venait et je me mis à craindre la faim. N'était-ce pas le sort connu de nos précédesseurs en cette contrée obscure ?
Un mot baragouiné par le vieil Indien, qui tient plus de la traduction approximative que d'un véritable nom, me revint en mémoire : Wendigo. Et dans le creux de ma poitrine, une sensation plus ancienne que le monde. La peur de l'inconnu.

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