Chapitre 119 : Les prototypes, partie I

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Aide-toi, le ciel t’aidera.

Voilà, ce que je me répétais depuis ma nuit dans les bras de Medhi.

Je ne pouvais pas rester sans rien faire et attendre que la bonne personne se pointât dans ma vie. Depuis quelques jours, une idée à priori saugrenue tournait en boucle dans ma tête : et si je m’inscrivais sur un site de rencontres ?

Cela faisait bien longtemps que je ne l’avais pas fait et j’en gardais un très mauvais souvenir. J’avais quitté ce genre d’endroit nébuleux des années auparavant car je ne croyais ni en leurs vertus, ni à leurs bienfaits, et encore moins à leur efficacité. Mais, allez savoir pourquoi, à présent, une ampoule clignotait dans ma tête pour m’avertir d’une inspiration. Cette dernière m’enjoignait de passer à l’action.

Je ne comprenais pas. Était-ce cette foire aux bestiaux qui allait me permettre de rencontrer le grand amour ? Je ne voyais pas en quoi cette soudaine lubie allait m’apporter ce que je recherchais. Mais c’était plus fort que moi, l’idée m’obsédait. Et comme toute obsession, plus on essaie de la repousser, plus elle revient au galop. Je me sentais téléguidée, dirigée par plus grand que moi, comme si une force supérieure me poussait à franchir le pas. Même si à première vue cela me paraissait être une mauvaise idée, je décidai de lâcher prise et de suivre mon instinct. Je me rappelai que c’était aussi ça, la magie de la vie. Laisser une chance à l’inconnu. Je fis donc comme d’habitude, lorsque ma vie me paraissait bloquée. Je m’en remis aveuglément à l’Univers. De toute façon, je savais que je ne risquais rien. Avec lui, j’étais en sécurité.

J’en parlai à ma psy qui considéra cela opportun, étant donné que cela faisait quatorze mois que j’avais mis ma vie privée en stand by. Malgré les réticences que je lui exposai à me relancer dans les relations sentimentales, à cause de mon métier, Stéphanie encouragea mon initiative.

Dans un sursaut de folie, je fis donc ce que l’on me conseillait, quand bien même cela me paraissait inutile et complètement insensé. Pour être sincère, en comparant les sites de rencontres, pour savoir sur lequel m’inscrire, je considérais déjà l’expérience à venir comme une insupportable perte de temps. Comment allai-je réussir à caser des dates avec des inconnus dans mon planning déjà bien occupé ? Et d’ailleurs, en avais-je vraiment envie ? Est-ce que cela porterait ses fruits ?

N'ayant pas de boule de cristal, mes questions demeurèrent sans réponses. C’est donc pleine de mes doutes que je remplis ma fiche de présentation sur Adopte. L’exercice releva plus de la rédaction d’un mode d’emploi que de la création d’un profil. J’y ajoutais moults critères de sélection à l’intention des visiteurs. Y étaient consignées des caractéristiques physiques comme la taille (pas moins d’1.80m) ou des éléments plus comptables, comme le salaire (chômeurs s’abstenir). J’étais prête à ouvrir la porte à un homme avec enfants, mais pas sans situation matérielle stable. Il y avait aussi tout un volet sur mes attentes spirituelles (oui à la foi, non à l’intégrisme, sous quelque forme que cela soit) ; psychologiques (mec à problèmes non-désiré) ; et morales (tolérance et ouverture d’esprit bienvenues). Enfin, quelques conditions d’hygiène de vie, plus pragmatiques, mais essentielles, y apparaissaient : fumeurs, drogués, alcooliques ou accros au Mac Do’ seraient d’office disqualifiés.

Mon but était simple : faire fuir 99 % des hommes qui visiteraient ma fiche uniquement pour mes photos et ne garder que ceux qui liraient mon profil jusqu’au bout. En agissant ainsi, j’espérais n’attirer que le seul et l’unique, celui qui en vaudrait vraiment la peine. Je savais qu’il était impossible que je plaise à tous points de vue à plusieurs dizaines d’hommes. Qu’il s’agisse de mon physique ou de ma personnalité, je connaissais mes atouts et mes faiblesses, tout comme je savais ce que j’attendais en face, alors autant ne pas ratisser trop large. Mon objectif était au contraire d’écrémer au maximum pour trouver ma perle rare.

J’avais beau me montrer peu motivée dans ma démarche, rapidement, mes recherches devinrent fructueuses. Mi-mars, je m’adonnai à mon tout premier Facetime avec mon potentiel futur compagnon. Il s’agissait d’une étape décisive avant de convenir, ou non, d’une rencontre In Real Life. Dès le début de cet échange vidéo, mon bel interlocuteur, prénommé Sébastien, me plut beaucoup. Je sentis que cela était réciproque. Après quelques mondanités d’usage, je l’informai de mon métier, de l’actuel (masseuse érotique) comme de celui que j’envisageai d’avoir, lorsque ma reconversion professionnelle serait terminée (auteure).

Il fut d’abord surpris, puis troublé, et enfin, il décida que cela ne le dérangeait pas. Pour le rassurer, j’insistai longuement sur le fait que je voulais vraiment changer de job, que ce n’était pas juste des paroles en l’air. D’ailleurs, je pouvais le lui prouver s’il le désirait, en allant voir mes récits, une preuve tangible de ce que j’avançais. Pour moi, c’était vraiment une grande première de pouvoir présenter les choses ainsi et cela me fit extrêmement plaisir d’être déjà dans mon nouveau rôle. Mon enthousiasme dut se deviner dans mon discours car au fil de nos échanges, Sébastien se montra confiant quant à ma capacité à relever ce défi. Conquise par son attitude optimiste, j’acceptai son invitation à prendre un café en centre-ville, quelques jours plus tard.

J’y allais confiante car Sébastien remplissait la majorité de mes critères de sélection. Physiquement, il correspondait à ce que j’attendais : plutôt grand (1m78), il avait les cheveux châtain clair et de jolis yeux bleus, cachés derrière des lunettes lui donnant un coté intello que j’aimais beaucoup. Ces dernières reflétaient son métier car, comme il me l’avait expliqué, il travaillait comme manager dans un bureau, le nez toujours braqué sur son ordinateur. Son job à responsabilités et son bon salaire représentaient les autres atouts qui avaient éveillé ma curiosité. En effet, comme je l’avais expressément notifié en rédigeant ma fiche de présentation, je ne voulais plus d’un mec aux moyens limités. J’en avais soupé des hommes qu’il fallait entretenir, dont il fallait éponger les dettes et les crédits qu’ils souscrivaient pour survivre. J’en avais marre d’être la banque, d’être celle qui devait partir seule en week-ends et en vacances pendant que l’autre, fauché comme les blés, devait travailler sans arrêt pour payer ses factures.

Le vrai problème des bas salaires était que ces derniers reflétaient principalement un manque d’ambition. Or, j’avais à cœur que mon compagnon s’amusât dans son travail, qu’il fît ce qu’il aimait et qui le motivait réellement. Ou, au moins, à défaut de pouvoir déjà réaliser pleinement son potentiel dans son activité professionnelle, je désirais un partenaire qui, comme moi, mettait les bouchées doubles pour y parvenir. Sébastien se disait épanoui au sein de son entreprise et avait évoqué ses objectifs de carrière. Cela avait contribué à me rassurer. Nous étions, à ce sujet-là, sur la même longueur d’ondes.

Autre point positif à mettre à son actif, lors de nos échanges sur Messenger, j’avais constaté avec satisfaction qu’il ne faisait pas trop de fautes d’orthographes (ou en tout cas, pas plus que moi), ce qui s’avérait être le signe d’un certain niveau intellectuel. Une mauvaise grammaire faisait partie des barrières que je ne souhaitais plus surmonter. Je sais bien que c’est très dur pour tous ceux qui connaissent des difficultés dans ce domaine, mais je ne désirais plus démarrer ma journée avec un message se présentant ainsi :

— Bonjour, ma chéri, j’espère que tu va bien. J’ai rêver de toi cette nuit. Tu est dans toute mes pansées.

À l’aube de mes quarante ans, j’avais de plus hautes attentes. D’ailleurs, pour mon entourage, elles étaient délirantes. On ne me le disait pas clairement en face, mais je pouvais entendre leurs réflexions quand je leur en parlais. À leurs yeux, j’approchais de ma date de péremption et je devais déjà m’estimer heureuse si quelqu’un me regardait encore. Je pensais complètement différemment. Depuis que je m’étais débarrassée de mes croyances limitantes, mon idéal masculin avait sans cesse évolué et correspondait davantage à celle que j’étais vraiment. Il n’était pas irréaliste et encore moins farfelu. Mes demandes étaient légitimes, et résultaient d’un long travail d’introspection qui méritait d’être rétribué à sa juste valeur.

Désormais, je n’acceptais rien de moins qu’un homme à mon niveau, digne de moi et de mes qualités, et tant pis si la modestie n’était pas d’actualité. Je n’avais que faire de celle-ci. Elle ne servait à rien d’autre qu’à rassurer autrui sur leur potentiel inexploité. Mais je ne désirais plus participer à cette comédie du nivellement par le bas.

J’avais un long parcours de reconstruction derrière moi et j’en avais fini avec les hommes bas-de-gamme. J’attendais le top niveau. Je savais qu’il existait, qu’il y avait sur cette planète un mâle de cette envergure, et à ma portée, qui plus est. Je ne savais pas encore si Sébastien allait être celui-là mais, pour le moment, il en prenait le chemin. À lui désormais de me prouver qu’il serait à la hauteur et mériterait mon attention et qui sait, peut-être mon amour.

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