Chapitre 99 : L’instinct

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J’avais un objectif en tête, celui de me métamorphoser pour me créer un avenir prometteur et, pour ce faire, je cherchais le meilleur moyen d’y parvenir. En développement personnel, il n’y a ni vérité absolue, ni une unique façon de procéder. Il existe, au contraire, une multitude de solutions. Je me disais donc qu’en cumulant le plus de pratiques, j’allais forcément réussir. Mises bout à bout, toutes ces techniques intéressantes créaient le canevas de ma nouvelle existence.

Grâce à cela, en quelques années, mon quotidien évolua profondément. Je n’avais plus le même rythme. Alors que j’avais longtemps eu l’habitude de faire des crises de boulimie le soir, et d’aller me faire vomir très tard, lorsque ma fille dormait, désormais, je me couchais tôt. Fini l’oiseau de nuit. Plutôt que de manger, je me mettais au lit sans écran, avec une bougie parfumée et un bon roman. Je me levais à l’aube, en commençant ma journée par une séance de méditation. Il y en avait de plusieurs sortes. J’appréciais celles du matin et du soir, dynamisante d’un côté, apaisante de l’autre. Je me réveillais très tôt sans difficulté et découvris, contrairement à ce que je croyais, que j’étais matinale. Tout était une question de motivation. J’avais une préférence pour les méditations guidées, comme celles de Joe Dispenza, réalisée le matin, ou celle du yoga nidra, que je trouvais sur Youtube. Cette dernière préparait à l’endormissement. Je la pratiquais au moment du coucher, lorsque j’étais stressée, pour remplacer les anxiolytiques que je n’avais plus.

Pour des immersions plus profondes, je participais régulièrement à des bains de gong en groupe le week-end. Ces derniers me mettaient dans un état profond de relaxation, voire de béatitude, à la limite des effets d’un voyage transcendantal.

En plus de mon travail avec Marianne, à Nantes, je participais à des ateliers de gestions des émotions. Pour guérir, il était indispensable que j’apprenne à vivre avec les miennes différemment. Pour me protéger de la souffrance, j’avais l’habitude de les tenir à distance. Je les étouffais dans la nourriture. Mais comme mon objectif était de réduire les crises de boulimie au maximum, à défaut de m’en débarrasser complètement, on m’enseignait à apprivoiser les vagues qui me traversaient, qu’il s’agisse de colère, de stress ou de tristesse.

Le corps est le siège des émotions. Lorsque ce dernier est bloqué, c’est toute la machine qui s’enraye. Par le passé, mon corps était sous cloche, j’avais tendance à ne pas m’autoriser de réels moments de bien-être ou de plaisir. Je concevais la joie intellectuellement mais j’avais beaucoup de mal à la ressentir physiquement. Cela avait été particulièrement vrai jusqu’à la naissance de ma fille. Son arrivée avait tout changé. Elle avait levé le verrou qui avait été apposé sur mon cœur scellé. Comme je le dis souvent, elle a réouvert les vannes. Mon ex-mari n’hésitait pas à me chambrer gentiment avec ça. Au cours de notre mariage, il répétait souvent :

— Ma femme, avant, je l’appelais le cœur de pierre. Maintenant, c’est le chamallow.

Il avait raison. Cette sensibilité retrouvée avait du bon parce que cela me rendait fondamentalement plus heureuse. Je savourais davantage la beauté des choses simples et les petits miracles de l’existence. Qu’il s’agisse d’un arc-en-ciel, d’un coucher de soleil ou d’une séance de méditation, je cultivais cette capacité d’émerveillement à un niveau plus élevé. Je me sentais encore plus chanceuse de vivre et plus je me sentais bénie, plus la vie me répondait en m’envoyant encore davantage de raisons d’être reconnaissante. La gratitude engendrait la gratitude. C’était un cercle vertueux, dynamique.

L’avantage premier de cette reconnexion au corps, résidait dans le fait que je devenais plus instinctive. Pour moi, l’instinct représente l’équivalent d’un GPS intérieur. Dans la vie de tous les jours, j’utilise Waze pour connaître le meilleur chemin. Cette application a révolutionné mon quotidien. En écoutant mon sixième sens, devenu aussi indispensable que les indications de mon téléphone pour un trajet, ma vie fut grandement facilitée. Lorsque que je me branchais à mes ressentis intérieurs et mes intuitions, que je suivais les signes de l’Univers, toutes mes actions paraissaient plus efficaces et fluides.

Je n’avais peut-être pas encore une grande confiance en moi, mais j’avais une confiance aveugle en l’Univers. Mon instinct formait ce lien ténu et indéfectible entre Dieu et moi. J’appris donc à m’en remettre à lui, et plus cela marchait, plus j’avais confiance en mes capacités de discernement. Lorsque j’étais perdue, j’écoutais désormais ma boussole intérieure. J’avais toujours cru à son existence mais, désormais, je l’utilisais vraiment. Tous mes choix et toutes mes décisions en étaient simplifiés.

— Je le sens ? Ok je le fais.

— Je ne le sens pas ? Ok, je ne le fais pas.

— Je ressens un non catégorique ? Je dis non.

— Je ressens un vrai oui ? Je dis oui.

Je demandais rarement l’avis des gens. Et si je le faisais, je n’en tenais compte que lorsque cela résonnait pour moi. Quand je me laissais diriger par cette petite voix intérieure, tout coulait de source. D’ailleurs, parallèlement, mes perceptions sensorielles s’en trouvaient modifiées, comme bénéficiant d’un surplus d’acuité face au monde extérieur. Je remarquais des panneaux publicitaires me délivrant le message dont j’avais besoin ce jour-là. Dans un moment de doute, j’entendais à la radio une chanson dont les paroles me donnaient une indication. Je tombais sur le livre qui répondait parfaitement à une question qui me trottait dans la tête. Suite à un flash, je retrouvais ce bijou dont la perte m’avait causée de la peine. J’accueillais le client qui me donnait les tuyaux dont j’avais besoin sur le moment. Je recevais un message d’une personne que je n’avais pas vu depuis longtemps, exactement au moment propice, comme s’il y avait eu transmission de pensées.

Un jour, sur le chemin du retour, après ma séance avec Marianne, je tombais sur un podcast sur l’alcoolisme. Le journaliste interviewait un addictologue concernant les traitements de cette pathologie. Le spécialiste était clair sur un point : toutes les addictions avaient la même origine, un mal-être intérieur, et qu’importe les traitements adaptés à chaque cas, la guérison ne pouvait advenir que lorsque l’obsession pour le produit toxique était remplacée par une nouvelle obsession. Il l’expliqua autrement, en remplaçant le mot « obsession » par le vocable « passion ».

Je tendis l’oreille. À l’instar de l’emprise qu’un produit stupéfiant exerçait sur un drogué, la nourriture m’obsédait. J’y pensais du matin au soir et me réveillais parfois la nuit en sueur à cause de cauchemars qu’elle provoquait. Oui, la boulimie, comme n’importe quelle obsession, me contrôlait, me rendant dépendante des effets apaisants qu’elle provoquait en moi. Je m’interrogeais donc, en transposant l’équation et la résolution du problème à mon propre cas : si je voulais définitivement me débarrasser de cette addiction, je devais m’adonner à une autre passion.

Une autre passion que la boulimie.

En dehors de l’écriture qui me plongeait quasiment dans des états de transes créatives, me faisant littéralement oublier l’espace et le temps, je ne voyais rien d’autre d’aussi puissant. Quand j’écrivais, j’étais dans le flow (3).

Je souris.

Je souris encore plus.

J’éclatais littéralement de rire.

Ok, Houston, message reçu, cinq sur cinq.

Dans la vie de tous les jours, les gens appellent cela le hasard. En développement personnel, ces manifestations portent le nom de synchronicités. Je trouvais ça génial. Cela me donnait le sentiment que ma vie était un jeu de piste. Chaque journée recelait un miracle, un don, un secret, et je me donnais pour mission quotidienne de le découvrir. Pour ce faire, je devais me montrer attentive. Et la meilleure façon d’y arriver consistait à être calme, posée. Ainsi, j’étais plus réceptive à mes inspirations, plus à l’écoute de ces idées lumineuses qui jaillissaient parfois, sans crier gare.

Faire confiance à mon instinct me permettait d’être davantage en accord avec moi-même, alignée, comme s’il y avait une droite reliant la tête et le cœur, le corps et l’esprit. Et lorsque je baignais dans cette osmose intime, l’Univers semblait se coordonner avec moi. J’avais l’impression d’être toujours au bon endroit, au bon moment, de rencontrer les bonnes personnes, guidée par une force supérieure, bienveillante et protectrice. C’était comme vivre en permanence dans un espace où la fibre était gratuite et disponible à chaque instant. J’étais ultra-connectée.

Oh, bien sûr, il y eut des ratés. Pas de la part de l’Univers, assurément. Mais il m’arrivait de ne pas voir les signes, de ne pas écouter les consignes ou de les ignorer tout bonnement, parce que la cartésienne qui sommeillait au fond de moi reprenait le dessus et s’offusquait des informations apparemment farfelues qu’on lui envoyait. Cela m’arriva à de nombreuses reprises, mais une fois, particulièrement, je m’en mordis les doigts.



(1) Décrit la sensation d’une expérience optimale, caractérisée par un mélange de grande concentration et de profonde motivation. « État de grâce », immersion totale, où l’on se sent parfaitement à sa place, lorsqu’il existe une parfaite coordination entre ses émotions et ses accomplissements. L’émotion dominante du flow est la joie, voir l’extase.












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