chapitre 35 : à la fois sauveur et assassin, paradoxal est le médecin

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Marco lui en voulait, et cette vérité fit germer en elle une souffrance inédite.

Sous la table renversée, plus personne ne déambulait. Ils s’étaient tous répartis dans les cinq nouvelles salles qui s’étaient ouvertes de-ci, de-là, parfois sans réelle utilité. Rubie entreprit de les visiter, afin de rattraper le retard qu’elle s’était imposé elle-même. A peine se fut elle relevée que la lumière s’éteignit, mise en scène théâtrale à l’arrivée de la mort. Ses muscles se raidirent, et un frisson chatouilla le grain de sa peau. Elle ferma les yeux d’instinct, tentant de se convaincre que le pire n’allait pas se produire. Pas une fois de plus.

Puis une fine lueur éclaboussa la pénombre, et ses paupières se dessoudèrent. L’espoir.

Elle s’avança, à pas de loup, jusqu’à entrevoir un couloir desservant une bonne dizaine de portes. Falcon était gravé sur l’une d’entre-elles. Elle devait l’ouvrir, elle en avait le sentiment, mais ses mains tremblaient si fort qu’il lui était impossible de saisir la poignée.

- Tout va bien se passer.

La voix douce de Nala lui apparut comme un songe. Rubie ne pouvait pas la voir, pourtant elle sentait sa présence. Une présence qui la rassurait. Elle entra.

Devant elle, rien de plus qu’un imposant miroir encadré d’or. Il reflétait parfaitement l’embrasure de la porte, mais Rubie n’y apparaissait pas. Soudain, un autre visage se matérialisa dans la glace. Norie. Elle se tenait assise sur une chaise, les jambes pliées, la tête rentrée dans les épaules. Elle n’avait pas envie d’être là, plus que n’importe qui d’autre.

Progressivement, une aura bleutée s’échappa de son corps, comme la coloration de son âme. Bleutée… violacée… noire.

Tellement noire.

D’un noir profond.

Un noir ténébreux.

Un noir destructeur.

Rubie étouffa un hurlement de surprise. Jamais elle n’avait vu quelque-chose d’aussi parfait, d’aussi terrifiant. Ses yeux s’enfoncèrent dans la noirceur, si profondément qu’elle crut s’y noyer. Elle les ferma, brutalement. Tout était enfin terminé. Elle avait compris.

Norie Fuson était l’un des quatre noms qui trônait sur sa liste. Il n’y avait pas de coïncidence possible.

Une vague d’adrénaline la submergea. La jeune fille se précipita vers l’extérieur, retrouvant Nala dans une foule de gens insignifiant. Elle devait faire vite, avant que son cerveau ne se perde à réfléchir.

- Les indices, s’exclama-t-elle, ceux que vous avez découvert pendant que je dormais, que révélaient-ils ?

- Je… je ne sais plus très bien. Seulement trois énigmes ont été élucidées, et la première a débloquée une galerie de portrais auxquels personne n’a rien compris. Eneko c’est occupé de les déchiffrer, mais comme il était suspect, je n’ai pas vraiment prêté attention à ce qu’il disait. La deuxième nous a plongée dans un océan abyssal, dont l’eau était censée se réchauffer au contact du meurtrier. Etant originaire d’Atlanta, Luna Carlson s’en est chargée. Tout comme toi, elle avait choisi de taire ses découvertes, mais j’ai réussi à lui tirer les vers du nez. Alondra ne figurait pas sur sa liste, c’est pourquoi Marco et moi l’avions éliminée. Enfin, j’imagine que les miroirs étaient la récompense correspondant à la troisième.

Rien ne venait infirmer sa théorie. C’était Norie.

Nala tenta de décrypter les émotions qui fulminaient sur son visage. La joie, l’excitation, le soulagement se couplaient à la peur, la tristesse, l’effroi.

- Elya ? Explique-moi, s’inquiéta-t-elle, qu’est-ce que tu as vu ? Qu’est-ce qui se passe ?

- Je dois trouver Marco. C’est urgent. Tu sais où il est ?

Sans insister d’avantage, Nala lui indiqua un léger décalage entre deux dalles de damier qui composaient les parois de la pièce, l’ouverture d’un passage secret. En s’y engouffrant, Rubie découvrit la galerie que son amie venait d’évoquer. Plusieurs portraits, parfaitement alignés, représentaient les candidats encore en lice.

- Ces tableaux m’intriguent, déclara Marco tandis qu’il tentait de déchiffrer l’un d’entre eux. Je n’arrive pas à savoir ce qu’on doit en tirer, et ça me rend dingue.

- Inutile de continuer à te prendre la tête, je sais qui est le meurtrier.

Il ne bougea pas, surement paralysé par la surprise, et Rubie prit le parti pris de continuer.

- C’est Norie Fuson. Je redoutais de devoir en arriver là, mais je dois utiliser mes pouvoirs de médecin. Explique-moi comment faire.

Il n’y avait dans sa voix aucune demande. Rubie devait s’efforcer de paraître assurée si elle souhaitait s’en convaincre elle-même.

" A la fois sauveur et assassin,

Paradoxal est le médecin"

Mais le paradoxe ne résidait que dans l'opposition, le duel entre la vie et la mort, et la jeune fille ne tuerait que pour sauver le plus grand nombre, alors il disparaitrait. Joli espoir, beau et nécessaire.

Marco se retourna, les traits stricts, impassible.

- Elle est au courant que tu l’as démasquée ?

Si Norie l’avait également vue dans ce miroir, alors elle savait. Qu’importe, Rubie avait l’avantage. Elle pouvait tuer, et même les remords ne la retenait plus. A la Capitale, l’humanité était une babiole incommodante, une fioriture dont il fallait se débarrasser.

- Oui, répondit-elle, et alors ?

- Tu ne pourras pas la vaincre, ajouta Marco sans varier son intonation inexpressive, pas avant qu’elle ne te tue. Les victimes du médecin sont toujours annoncées en même temps que celles du meurtrier. Si Norie meurt, tu mourras avec elle.

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