chapitre 47 : se para d'arrogance

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Sans s’en rendre compte, les deux jeunes filles avaient marché jusqu’au seuil de leur salle de classe, et y était arrivée pile à l’heure. Une première, il fallait l’avouer. Avant que Rubie n’ait le temps de s’asseoir, Rose l’interpella.

- Mademoiselle Falcon, nous avons reçu votre uniforme.

La jeune fille s’approcha et découvrit le même habit blanc que portait ses camarades : un chemisier fermé par deux files de soie noués en boucle, une jupe coupée en trapèze et longue jusqu’aux genoux, des bas réhaussées de dentelles ainsi qu’une épaisse cape qu’il fallait porter même au soleil. C’était étrangement simple et fade pour des vêtements de la Capitale. Quand elle se vit dedans, Rubie cru découvrir une écolière des lycées riches d’Avem. A contrario, Rose portait aujourd’hui un manteau de fourrure, des bottes vernies ainsi qu’un petit chapeau dissimulant ses boucles coiffées en un chignon tressé. Des gros bijoux paraient son cou, ses doigts et ses poignets : de l’or blanc, jaune et de l’argent, des blocs structurés, des broderies de métal et des perles montées en collier. Elle était élégante dans son originalité et originale dans son élégance, la classe excentrique, la folie raffinée. Le bon goût l’habillait. Ce n’était définitivement pas elle qui avait choisi ces uniformes.

- Bien, dit-elle en observant son élève qui ressemblait enfin aux normes qu’elle adorait être la seule à pouvoir bafouer. Maintenant, vous pouvez vous asseoir.

Rubie partie s’installer à côté de Nala, qui la trouvait exquise dans cette nouvelle tenue.

- Décidément, tout de va à ravir.

Mais avant que Rose n’eût le temps d’annoncer l’activité de la journée, Salomé déboula dans la pièce. Furie furieuse, courageuse à n’en pas douter. Toutes les porteuses se retournèrent d’un coup mais, si stupéfaite qu’une protectrice ose pénétrer en ces murs, ne parvinrent à ragoter. Rubie, elle, ne savait plus quoi dire. Elle avait conscience de tous les problèmes que la jeune fille allait s’attirer en venant ici, et n’osait se demander qu’elle raison avait pu la pousser à prendre un tel risque.

Arrivée à sa hauteur, Salomé lui empoigna le bras puis la tira dans le fond de la pièce. C’est alors qu’elle vit l’énorme tache rouge qui décorait sa belle robe immaculée.

- Les serviettes hygiéniques que je t’ai données il y a deux jours, tu les as encore ?

- Oui. Oui bien sûr.

- Alors donne les moi.

Rubie se dirigea jusqu’à son sac sans prononcer un mot, Salomé sur les talons, et lui tendit ce qu’elle lui demandait. Mais avant qu’elle n’ait eu le temps de la remercier, Rose sorti de ses gonds.

- C’est… C’est… C’est tout bonnement scandaleux ! Comment osez-vous, mademoiselle, entrer dans ma classe ! Et de plus sans ma permission ! Vos parents ne vous ont-ils donc enseigné aucune bonne manière ?

Son visage devint rouge, ses yeux exorbités et ses mots butaient sur sa langue. Toute la grâce et l’élégance naturelle dont cette femme pouvait faire preuve venaient de disparaitre sous l’effet de l’indignation.

- Excusez-moi madame, répondit Salomé dans une révérence ironique, mais j’avais besoin d’une chose que seule mademoiselle Falcon pouvait me fournir.

- Et cela ne pouvait-il pas attendre la fin des leçons ?

- Vous voyez bien que non, ajouta-t-elle en montrant le rouge de sa robe.

- Et vous ne pouviez pas prendre vos précautions avant ?

- Si je l’avais pu, je l’aurais fait. Dites-moi, madame, il ne vous est jamais arrivé d’avoir vos règles en avance ? Ou bien êtes-vous trop supérieure aux autres pour pisser et saigner comme tout le monde ?

Le calme habituel de Salomé se para d’arrogance, ce qui ne fit que renforcer l’énervement de Rose qui se mit à siffler comme une bouilloire. La jeune fille jouait du spectacle qu’elle était en train de créer, un jeu dangereux dans sa position.

- Mademoiselle Neverlande, je vous prierais de bien vouloir quitter cette salle et dans l’instant !

- Et pourquoi donc ? Pourquoi devrais-je partir ? Est-ce l’idée que je puisse vous surpasser en talent qui vous effraie tant pour que vous refusiez ainsi ma présence au sein des vôtres ? Il est vrai qu’avec vos élèves, c’est un risque que vous ne prenez pas. Cela expliquerait sans doute vos piètres capacités en tant que professeure, vous souhaiter garder l’exclusivité de la grandeur. Une pratique assez courante parmi les femmes haut placées à la Capitale.

- Il suffit !

Rouge de colère, Rose s’approcha de la porte et cria à travers le couloir pour que des gardes viennent la débarrasser de cette individue dérangeante. Quelques minutes plus tard, des hommes en armure arrivèrent et entrainèrent Salomé hors de la pièce. Leur violence était déjà inouïe, mais ce n’est que lorsque la jeune fille commença à se débattre qu’ils révélèrent enfin leurs vrais visages. Les cous pleuvaient à n’en plus finir sur la pauvre petite et quand leurs poings ne leurs suffirent plus, ils usèrent du pommeau de leurs épées. Puis ils jetèrent Salomé dans le couloir et refermèrent la porte, pourtant l’on entendait encore à travers les murs l’impact de l’acier brisant les os.

Rose souriait, jubilait presque, mais Rubie… Elle sentait son cœur se déchirer à chacune des retombées du métal. Si elle agissait, sa popularité déjà fragile s’évanouirait dans le néant, une disparition qui pourrait s’avérer lui être mortelle. Mais si elle demeurait passive, plus jamais elle ne pourrait croiser son reflet dans un miroir.

Agir.

Ne rien faire.

Agir.

Ne rien faire.

Agir…

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