chapitre 66 : les roses rouges

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En poussant la porte, Rubie découvrit le petit cabinet d’un immense hôtel particulier. Il était de forme circulaire, le plancher décoré d’une mosaïque de bois, des murs ornés de marbre et de miroirs, ainsi qu’un plafond somptueusement peint. A l’intérieur, allongées sur des divans de velours, des femmes, couvertes du même masque que portait les deux jeunes filles, agitaient leurs éventails. Ce tableau offrait des couleurs somptueuses, presque provoquantes dans le blanc immaculé de la Capitale.

- Voici les roses rouges, chuchota Nala à son oreille, des femmes dont la puissance joue dans l’ombre. Elles ne payent pas de mine, mais c’est elles qui dirigent la société. Celle que tu vois là-bas, allongée sur un divan, se fait appeler « la lionne ». Elle est la rédactrice d’une gazette à potins, et connait tout sur la plupart des gens.

- Tu m’as amenée dans un repère d’espionnes ?

- Non, je t’ai amenée là où se crée le monde.

La jeune fille prit place dans le décor avec tant d’aisance qu’il était impossible de croire qu’elle l’avait un jour quitté. Rubie, elle, observait la scène d’un œil lointain. Elle avait l’étrange impression qu’un seul mot de travers prononcé entre ces murs suffirait à déclencher la plus terrible des tempêtes. Sous leurs airs angevins, ces femmes n’étaient pas de simples aristocrates cherchant à tuer l’ennui.

- Voyez mes dames, déclara la lionne en se retournant, mon beau petit soleil et ma charmante lune ont finalement décidé de percé les cloisons de nos miroirs ! Venez vous asseoir mes enfants, nous commencions tout juste à discuter.

Le soleil, il s’agissait du surnom de Nala sans nuls doutes. Ainsi, le sien devait-être la lune. Pourtant, il y avait dans le pronom « ma » un sous-entendu qui la dérangeait, comme si cette femme estimait la connaitre sans ne jamais l’avoir rencontrée. Elle la traitait en amie, elle qui pourtant devait avoir l’habitude de se méfier du moindre inconnu. Cela avait-il un rapport avec la larme qu’elle portait désormais dessinée à son poignet ?

- Ma très chère, rétorqua Nala d’un ton parfaitement naturel, vous êtes aujourd’hui plus radieuse que le jour ! De quoi souhaitiez-vous donc nous entretenir ?

La lionne se remplit un verre de vin posé sur la table et l’agrémenta d’un petit chocolat. Elle buvait et mangeait sans bruit, avec ce raffinement qu’on les grandes dames, sans que personne n’ose parler dans son silence.

- Mes petites abeilles me content, reprit-elle enfin, que les sages ont du sang sur les gants et que la pluie de cristal deviendra bientôt rouge.

Voilà donc le code dont Nala lui avait parlé. Il était subtil, exclu de tout contexte cette phrase paraitrait totalement anodine, et c’était là toute sa force. Rubie devait se concentrer. Cette petite réunion était pour elle une bénédiction, mais elle serait parfaitement inutile si elle ne parvenait pas à en saisir le contenu.

- Et où butines vos abeilles pour récolter un tel nectar ?

- Partout et nulle part à la fois, là où les portent le vent de la bonne société.

- S’approchent-elles de la reine ? se risqua à demander Nala.

La lionne la contempla un instant, puis sourit.

- Ce serait me sous-estimer que de penser le contraire. C’est justement à ce sujet que je désirais vous parler. Elles m’ont rapportée une information de la plus haute importance, d’un type qu’une gazette ne saurait publier.

- Assez importante pour…

- Assez importante pour tout changer.

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