Marcel et Tom
– Tu te souviens Marcel, comme nous aimions tant venir jouer au bord de cette rivière.
– Oh ! Oui, nous étions si pressés de pouvoir pêcher et ensuite de nous baigner.
– Regarde ces enfants, ils nous ressemblent tant, comme si nous venions de remonter le temps.
Marcel et Tom venaient s’assoir sur ce banc depuis tant d’années. Ils y avaient déposé leurs secrets. Dans leurs yeux brillaient la même étincelle, celle du bonheur de pouvoir encore se souvenir de ce que la vie leur avait offert.
Un enfant s’approcha d’eux, leur tendant une canne à pêche.
– Venez avec nous, je suis sûre que cela va vous plaire.
Les deux hommes ne purent résister à ce sourire. Ils descendirent paisiblement vers la berge. Ils pourraient l’un et l’autre la dessiner les yeux fermés. Ce cours d’eau aux multiples méandres se faufilaient entre les pierres, serpentant à sa guise. Elle était si douce, si claire, ils s’y étaient abreuvés de nombreux étés quand les températures fleurtaient les trente degrés.
Marcel tenait la canne dans ses mains, son contact lui rappela ces après-midis où ils s’éclipsaient, enfourchant leur vélo pour rejoindre ce lieu magique. Ils abandonnaient leur bicyclette contre le banc. Ils dévalaient la pente, pied nu, l’herbe leur chatouillant les orteils. Alors ils s’installaient sur la rive, et sans un mot ils commençaient. Les deux hommes échangent de temps à autres des regards pleins de complicité.
- Dis Marcel, fais comme moi, enlève donc tes souliers.
Marcel ne put résister et s’empressa de les quitter à son tour. Tom le regardait, il avait toujours autant de charme. Ses cheveux blancs et les petites rides illuminaient son visage avec tendresse. Tom ne put s’empêcher de l’éclabousser, les enfants ne purent retenir leurs rires. Des adultes qui s’amusaient !
Au bord de cette rivière, les saules avaient élu domicile, leurs branches jouaient une douce mélodie quand le vent venait s’y engouffrer. Ils étaient toujours les mêmes depuis tant d’années. Le banc était encadré de deux magnifiques chênes, refuges des tourterelles et de leurs nichées.
– Tom, regarde ton hameçon.
– Oh ! Tu as raison, j’en ai attrapé un.
Les enfants se précipitèrent, ils accompagnèrent leurs applaudissements de grands cris de joie. La première prise de la journée se devait d’être célébrée comme il se devait. Le plus petit tendit un seau qu’il avait rempli d’eau et s’empressa de laisser tomber le poisson qui frétillait sous ses yeux.
– Dis, tu penses que maman m’autorisera à le garder.
– Je ne sais pas mon grand. J’ai bien des fois essayé, moi aussi. Hélas au matin, trop malheureux dans cette bassine froide, il avait sauté pour s’enfuir. Je le retrouvais sur le plancher, le ventre à l’air. Maman s’empressait de me consoler. Aussi depuis, je me contente de les pêcher, puis de les relâcher.
La petite tête blonde saisit le seau, se mit à genou, et observa le poisson qui filait déjà sous les cailloux. Marcel ne put retenir la larme qui glissait sur sa joue. Il prit Tom par la main et lui suggéra de le suivre.
– Viens, remontons la rivière, allons jusqu’à la cascade.
Ils longèrent avec prudence pendant quelques mètres le terrain plus escarpé. Il ne fallait pas glisser sur les rochers. Leurs cœurs battaient de plus en plus fort, des images leur revenaient en tête. En un instant, ils n’étaient plus que tous les deux. Le bruit de l’eau et le doux murmure du coucou guidaient leurs pas.
Et là, comme la première fois où il l’avait découvert, la cascade les attendait avec ses voilages traversés par la lumière. La mousse tapissait les rochers d’un vert profond et ils ne purent s’empêcher de la caresser du bout des doigts. Des fougères habillaient de dentèle ce mur d’eau et un arc en ciel se révélait avec le soleil qui baignait l’espace.
Tom et Marcel s’assirent, la magie du lieu les transportait encore une fois, comme à chaque fois depuis soixante ans. Tom prit un caillou et se mit à faire des ricochets et Marcel plongea sa main dans cette rivière dont les couleurs variaient au rythme des saisons. Les oiseaux accompagnaient de leur chant ce délicat moment d’intimité.
Tom enlaça Marcel comme cette première fois où ils découvrirent que leur cœur battait l’un pour l’autre. Il déposa un doux baiser sur ses lèvres. Ce matin-là, il avait rougi surpris de découvrir ses sentiments, aujourd’hui il était charmé de pouvoir encore partager sa vie.
Un enfant arriva, les appelants avec joie.
– Papis, il est temps de rentrer, maman nous attend.
Attrape rêve
Défi Les lieux de l'enfance de Rêves de Plume
Bonjour à toutes et à tous !
Je vous invite à revisiter les lieux de l'enfance.
Nouvelles, poèmes, souvenirs réels ou non, pas de contraintes particulières hormis celle de nous replonger dans le monde des tout-petits :)
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