Viviane se baladait dans les rues parisiennes, l'appareil photo accroché autour de son cou. Ce bijou lui avait été offert pour ses vingt ans. La jeune femme en ce matin d'automne rêvassait en cherchant le cliché qui ferait fondre son cœur.

Hugo n'était pas plus haut que trois pommes. Dans son costume, il était fier. La Mère Supérieure lui avait promis qu'un jour, il trouverait ce qu'il cherchait. Alors tous les matins depuis des semaines, le petit garçon espérait en observant au loin.

Viviane vivait vraiment sa vie sans vouloir la violenter. Cette belle brune voulait vibrer. Le vent en cet été indien venait délicatement déposer une bise sur ses joues qui rougissaient. Ses yeux derrière l'objectif guettaient sans aucun voyeurisme. Juste un regard bienveillant sur le monde qui l'entourait.

Hugo s'installait là, sagement, pouvant rester des heures, silencieux, sans bouger. Ses petites mains pianotaient sur la vitre une comptine qui trottait dans sa tête. Le petit bonhomme déposait son souffle dessinant ses rêves sur la vitre. Peut-être, espérait-il qui sait ouvrir une porte dans laquelle il pourrait s'envoler ?

Viviane longeait l'avenue où fourmillait une foule, farandole qui fuyait une réalité folle. La photographe cherchait tout autre chose, la petite étincelle qui ferait briller des étoiles dans ses yeux. Elle s'éclipsa et se faufila dans une ruelle. Le calme retrouvé, ses battements de cœur s'apaisèrent. Elle reprenait son souffle.

Hugo collait son petit nez sur la fenêtre froide, il regardait la rue déserte. Les pavés traçaient la route qu'il emprunterait un jour pour découvrir le monde qui se cachait au loin. Il ne connaissait pas grand-chose de cet univers qui se limitait à ces quelques murs. Le petit loup rêvait de grand espace sous un ciel azur, sentir l'herbe sous ses pieds lui chatouiller les orteils. À cette pensée il souriait.

Viviane approchait de cette grande demeure avec de belles pierres taillées. Les fenêtres l'interpellèrent. Elles ressemblaient à des cadres de tableau. Derrière chacune de ses œuvres architecturales se cachaient une histoire. Elle leva son regard et découvrit la pancarte posée vers la porte d'entrée : "orphelinat des petits loups". Tout à coup, elle réalisa que cette coïncidence n'en n'était pas une. Ce matin, ce chemin qu'elle avait suivi resterait à jamais gravé dans son cœur.

Hugo jouait à faire des grimaces aux oiseaux qui s'aventuraient sur le trottoir. Les moineaux picoraient sans se lasser des miettes qu'ils découvraient. Le petit garçon écrasa son front sur la surface songeant au plaisir de pouvoir à son tour leur offrir les miettes de son petit déjeuner. Il les avait fourrés dans ses poches sous le regard attendri de la mère supérieure. À son tour dès qu'il sortirait, il pourrait leur donner.

Viviane ne pouvait le quitter des yeux, elle hésita puis ne put résister. Elle attrapa son appareil photo.

Hugo n'en revenait pas, une apparition, devant lui, une fée aux longues boucles brunes avançait vers lui.

Viviane prit le cliché, tout en elle frissonnait. L'enfant qui se trouvait dans l'embrasure de la fenêtre ressemblait à un ange.

Hugo n'osait plus bouger, il s'imaginait en train de rêver pourtant ses yeux étaient grands ouverts.

Leurs regards depuis ce jour ne se quittèrent plus. Leurs destins était uni, tissé d'un même lien. Main dans la main, ils partirent sur le chemin vers cet horizon qui devint un instantané. Sur la pellicule, l'un et l'autre ont déposé la plus belle histoire d'amour, dont Hugo et Viviane devenaient les héros essentiels. Chaque jour, l'enfant apprit à découvrir sa mère. Elle était tout ce qu'il désirait. Chaque diapositive ainsi déposée dans leur album fut la carte mémoire de leurs souvenirs.

Attrape rêve