02/10 [Spécimen]
Il disait qu’il fallait préserver ce qui comptait.
Alors elle conserva tout.
Les rires dans des fioles scellées.
Les parfums dans des morceaux de tissu sous cloche.
Les mots doux dans des bocaux hermétiques.
Tout était là.
Tels des spécimens précieux.
Immobile.
Chaque instant agréable avait son refuge.
Doigneusement étiqueté.
Rangé sur les étagères de la mémoire.
Elle observait parfois la collection à la lueur d’une bougie, caressant du bout des doigts le verre tiède des souvenirs emprisonnés.
Mais plus les années passaient, plus la pièce prenait l’odeur âcre de la poussière.
Les rires s’étaient tus.
Les couleurs s’étaient fanées.
Les odeurs s'étaient envolées.
Et dans le silence, elle comprit que tout ce qu’elle avait voulu préserver n’existait plus que dans sa volonté faiblissante de se souvenir du passé.

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