Chapitre 1

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 Il y a des jours où le destin frappe à la porte, tambourine jusqu’à ce qu’on lui ouvre. Alors on le fait entrer. On n’a pas vraiment le choix. Et c’est au moment où il nous fait face qu’on réalise une chose : la roue a tourné et nous a élus.

Le 5 décembre dernier, des millions d’hommes et de femmes s’étaient rassemblés pour une de ces journées exceptionnelles où le hasard faisait les choses. Tous suivaient le déroulé de l’événement, heure par heure, à travers les écrans publics, au cinéma, dans les cafés ou tout simplement, chez eux, devant leurs postes de télé avec une question qui demeurait en chacune et chacun d’eux : pour qui la roue allait-elle tourner ?


 Une rengaine, présente dans toutes les têtes, dès l’ouverture de l’émission, qui continuait à rôder dans celle de Lucien alors que le tirage touchait à sa fin. Rentré de l’usine plus tôt, le jeune ouvrier avait pris place dans la salle à manger, face à la télé, après avoir embrassé sa femme. Depuis près de 3 heures, il suivait, fébrile et concentré, l’évolution du tirage. La veille, il avait passé la soirée à régler l’antenne. Il avait eu raison : les numéros, affichés en direct, étaient retransmis sur son vieux poste avec une parfaite définition. Toutefois, le jeune trentenaire, craignant une panne de téléviseur, s’efforçait à répéter en boucle la combinaison gagnante qui se complétait à chaque sortie d’un nouveau numéro. Il n’en manquait plus qu’un pour mettre fin à l’événement, au suspense insoutenable qu’il engendrait et se vider la tête, pleine de tous ces chiffres et de cette question jusque-là, sans réponse.


 Colette, elle, avait décidé de faire un brin de ménage plutôt que de patienter à table à côté de son époux. Elle croyait qu’une activité quelconque l’empêcherait d’être obnubilée par l’issue de cette loterie nationale. Elle se trompait et s’en aperçut rapidement, car à chacun de ses coups de plumeau, la ritournelle obsédante redémarrait de plus belle. Cependant, elle poursuivit ce qu’elle avait entrepris. Aussi, sans passer devant l’écran, elle décrocha le portrait d’Abdelkrim Bouadher, le Chancelier actuel qui trônait fièrement dans le salon, juste au-dessus de la télévision, pour l’épousseter.

Quand le porte-parole apparut à l’écran. Colette rejoignit son mari sur le champ, abandonnant portrait et chiffon.

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