La première pierre
de
Théodore Harry
Le moment fatidique approchait. Yan n’avait qu’une obsession, celle de retrouver l’amour de sa vie, dont il était privé depuis 11 jours.
Légèrement vêtu d’un gilet rouge écarlate, cheveux touffus, comme à son habitude, méprisant la
fraîcheur matinale piquante d’un mois de décembre, il avança lentement, pas à pas, dans l’aurore
brouillardeuse, jusqu’au bord du chemin.
L’apparition de sa chère et tendre était imminente, alors Yan posa son séant sur un banc glacial tandis que les horloges du temps stimulèrent son imagination frémissante, porteuse de désirs et d’émotions.
Il songea au cadeau de Noël que son amour lui promit inoubliable, à leurs sentiments profonds et inaltérables, aux bousculades de leurs mots , à leurs regards silencieux mêlés de gestes tendres, à leurs complicités multiples de corps et d’âmes, cherchant dans leurs voluptés gourmandes à rattraper le temps perdu.
Alors ces vives pensées devinrent pour Yan le refuge d’un espoir vibrant, qui lui donna la force
d’attendre l’évidence.
Mais elle n’arrivait toujours pas. L’heure prévue était dépassée depuis de longues minutes et seule la patience, sa meilleure vertu, lui tint compagnie.
Puis tout à coup, son regard fut projeté dans l’immensité du ciel enveloppé d’une couche grisâtre, autorisant le passage d’un filet de lumière, tel un messager des humeurs célestes, venu éclairer ombres et consciences.
Yan en fut déconcerté. Une première larme glissa sur son visage, puis une autre et ce fut finalement un déluge que déversa son ciel assombri.
Une certitude le traversa. Elle ne viendra pas, elle ne viendra plus. L’insoutenable vérité trouva là le moment de sa révélation.
Alors il regarda une fois encore le chemin étroit juste en face de leur maison et se laissa pénétrer par des images interdites jusque-là, celles de l’amour de sa vie dont il scrutait l’allure, de sa fenêtre, un matin comme aujourd’hui. Elle était pétillante de vie et d’élégance, le regard insouciant, le sourire éclatant et les cheveux tourbillonnants au vent glacial.
Elle s’engagea sur le passage protégé, juste en face de son petit cocon où l’attendait son idéal, tenant délicatement dans ses mains les délectations promises à un délicieux partage. Un crissement aigu de pneus vint rompre la grâce de l’instant, pour annoncer l’arrivée du moment fatal.
L’automobiliste qui perdait le contrôle de son véhicule, propulsa un corps et une vie rayonnante, de la lumière à l’ombre, emportant froidement ses ultimes expressions. Tétanisé par cette scène
inimaginable, Yan n’avait pas réagi et trouva dans l’amnésie le seul refuge lui permettant de gommer la terrible tragédie.
L’énigme de sa présence ritualisée au bord du chemin, durant plusieurs jours, trouva ainsi son épilogue.
Yan fit, ce matin d’hiver, le deuil d’un instant, pour qu’émerge l’instant du deuil et offrir à demain, la première pierre d’une nouvelle conscience.
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La première pierre | Chapitre | 2 messages | 1 jour |
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