Mes anges volent bas

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Mes anges volent bas. Je ne crois pas trop à cette histoire d'anges pour tout dire, mais parfois certaines images s'imposent parce qu'on manque de mots ou de foi, ou les deux. Je n'y crois pas trop à la foi non plus. Je garde mes anges quand même.

Les franges de leurs ailes sont grisâtres et parfois maculées d'éclaboussures sombres. Il faut dire qu'ils rasent le bitume mes anges, les trottoirs, les chantiers, les cours d'immeubles, les champs. Ils sont bien différents des êtres lumineux et éthérés de certaines iconographies. Ils ne lévitent pas à quelques mètres du sol. Ils ne sourient pas béatement.

Mes anges ont parfois des ailes de sang, des ailes atrophiées dans lesquelles ils ne peuvent même pas s'envelopper pour pleurer en silence. Un ange ne peut verser de larmes, il reste les mâchoires crispées sur l'impuissance et la désolation. Il regarde le ciel s'il a la foi, il regarde la terre s'il n'a pas le choix, il fixe l'horizon s'il croit en sa voie.

Mes anges aux ailes de papier volent en hélicoptère, se fiant davantage aux pales d'acier qu'aux plumes blanches pour se déplacer, courent sous les vents tourbillonnants, ployant sous le poids des sacs de matériel, tendus à l'unisson vers la mission qui les appelle sur l'autoroute où les corps sont encastrés dans les voitures, sur le sentier de forêt où le motard a glissé, dans l'immeuble en construction dont l'échafaudage s'est effondré sur les maçons, dans le verger où un jeune garçon s'est pendu, sur la falaise surplombant la mer sur laquelle le kite-surfer a dérivé, sur la barge profonde amarrée au port dans laquelle des marins ont chuté , dans la petite maison dans laquelle le bébé ne respire plus...

Heureusement que mes anges ne volent pas trop haut, ils ne nous verraient même pas sinon. L'attraction des malheurs terrestres est puissante. Et il y a tant à faire ici-bas...

Ils arrivent par les airs ou dans un halo bleu de sirènes hurlantes.

Ils repartent parfois le cœur moins serré qu'à l'arrivée, les yeux embués, le sourire franc, l'adrénaline en chute libre.

Ils repartent parfois le pas lourd, la rage en boule au fond de la gorge et les mains inutiles.

Ou le dos en sang, les ailes coupées au ras des omoplates.

******

Je te vois partir et revenir, t'envoler ou rouler au-delà du raisonnable pour secourir, soigner, réconforter, rassurer, sauver et parfois échouer, car le destin est capricieux, cruel et miraculeux à la fois. Tu es un ange mis à l'épreuve par je ne sais quelle entité divine.

Tu ne veux pas être un ange, je le sais, juste un bon infirmier au SMUR.

Tu es un putain de bon infirmier !

Et vous êtes tous de putains de bons anges.

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