Chapitre 1

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Suzie

Ce matin, je me suis réveillée fatiguée après cette importante discussion qui m’a fait veillée tard car j’ai eu beaucoup de mal à trouver le sommeil. Je n’ai pas cessé de ressasser ces mots libérateurs et effroyables. Après de longues tergiversations, nous avons échangé avec beaucoup de franchise et de sincérité. En tout cas, à ce moment-là, je pensais qu'il était autant que moi. La sincérité est primordiale dans une relation amoureuse. Faut-il pour autant être amoureux pour être sincère ? Il faut croire que non.

Notre couple n’en était plus vraiment un puisque nous n’avions plus de relations sexuelles depuis quelques mois. Le sexe n’a jamais été une priorité dans notre couple. N’ayant pas une grande expérience en la matière, puisque je n’ai eu que trois relations sérieuses dans ma vie, c'est-à-dire plus de 3 mois mais sans jamais aller plus loin que 6 mois. Certains diront que je suis frigide, d'autres plus orgueilleux diront que je n’ai pas encore rencontré l’étalon qui me ferait décoller de terre. Moi je me situe plus comme une jeune femme ayant très peu d’expérience dans le domaine du sexe qui peut être exitée mais qui n’arrive pas à atteindre l’orgasme à chaque relation sexuelle. Je ne me suis pas questionner davantage sur le sujet.

Jean est la relation la plus sérieuse et la plus longue que je n’ai jamais eu avec un homme. Je suis certes naïve d’avoir cru que le sexe n’avait pas d’importance dans notre couple. Il me répétait assez souvent que je n’étais pas terrible au lit donc j’avais fini par en prendre mon parti. Je ne le satisfais pas et à l’inverse il ne me quitte pas car il estime que je suis un challenge. Je ne trouve pas que c’est très flatteur pour moi mais j’ai fini par en prendre mon parti et à accepter ces réflexions acerbes sur le sujet.

Le sexe n’est pas un domaine dans lequel j’exelle d’après lui. Il faut dire que mon expérience limitée ne me permet pas de me défendre. Mes ex ne sont pas plein de nos rapports mais il m’est difficile de le contredire. Une femme n’aborde pas le sujet des prouesses sexuelles avec son partenaire. Ce n’est pas un thème que l’on évoque facilement avec un homme que l’on n’a fréquenté que quelques semaines.

Quelques part ça me convenait que Jean ne soit pas très porter sexe puisque je n’atteignait que rarement l’orgasme. Sentir son poids, toucher sa peau transpirante, entendre son souffle saccadé au-dessus moi ne m’aidait pas beaucoup à atteindre la montée suprême. Les préliminaires ? C’est quoi un gros mot ? Inconnu à son vocabulaire.

La solution la plus simple que j’ai trouvée, a été de simuler pendant nos rapports. Plus je semblais excitée, plus son plaisir était rapide et plus vite il se retirait. Il ne s’en est jamais rendu compte, soit parce que je suis une fantastique actrice, soit parce que mon plaisir lui importe peu. Aujourd’hui peu importe. Nous vivons comme des colocataires depuis plusieurs semaines, nous dormons dans le même lit comme des frères et sœurs. Il ne me touche plus, pas même une caresse ou un baiser. Récemment, je me suis même posée des questions sur sa fidélité mais il semblerait qu'il n'est pas de maîtresse. Il m'évite depuis quelques jours, ne sachant plus trop quoi me dire à part des banalités comme la météo.

J’aurais dû être plus méfiante. Ma sœur me le dit souvent, je suis trop naïve. Le prince charmant n’existe pas j’en suis convaincu. Je ne suis pas une princesse emprisonnée dans un lointain château qu’un preu chevalier va venir délivrer de sa tour.

La conclusion de notre histoire était inéluctable mais j’en ai pris conscience ce soir-là. On allait se séparer après trois ans de relations chaotiques. Je suis soulagée de cette décision. Aucune tristesse. Aucune amertume. La sensation d’une délivrance m’enivre. Un soulagement presque et de la peur également m’envahissent. Il a pris la décision que je réprimais au fond de moi par manque de courage.

Un accord a été trouvé. Il a décidé, devrais-je dire plutôt, que je quitterais son appartement d’ici la fin de la semaine prochaine. Le temps de m’installer temporairement chez ma sœur pour le week-end.

Quand nous avions décidé d’emménager ensemble, il y a presque trois ans, il m’a convaincu de laisser mon appartement et d’emménager avec lui. Je ne l’avouerai pas à ma sœur qui m’avait prévenu que les étapes se succèdaient trop rapidement. On s’est rencontré et seulement au bout de 2 mois je déménageais chez lui. Au début, il y avait une alchimie, j’étais dans l’euphorie du moment. J’ai confondu la passion et l’amour. Il était si doux, attentionné et aimant que je lui ai fait une confiance aveugle. Mais voilà, Jean aime contrôler son environnement et n’aime pas être contrarié. Je ne me suis pas affirmée devant lui et il a pris le pouvoir sur moi, sur mes émotions, sur mes envies et mes désirs.

Ma sœur adorée revient régulièrement sur le sujet et me dit souvent qu’il ne me rend pas heureuse. Elle n’a pas tort. Je me suis précipitée dans cette relation qui a fini par me briser. Après réflexion, quelle énorme bêtise ! J’avais un tel besoin d’être aimé et désiré que je suis jetée au cou du premier homme. Malheureusement pour moi, je me suis trompée. Je ne suis pas tombée sur un homme bien mais j’ai une trouille viscérale de ne pas pouvoir trouver mieux, de ne pas mériter mieux alors je suis restée auprès de lui jusqu’à ce soir où il m’a annoncé qu’il ne voulait plus de moi.

Annie m’a toujours dit sans que ce soit un reproche que mon cœur était trop tendre et qu’il fallait que je me protège un peu plus. Elle a sans doute raison ! Je ne suis pas assez méfiante et un peu naïve. Lors de la rencontre avec Jean, celui-ci m’a séduite en se montrant sous son meilleur jour. Il était prévenant, séducteur, on partageait les mêmes envies. L’homme parfait. Enfin je le croyais car la lune de miel fut de courte durée. Après avoir emménagé chez lui, Jean a rapidement changé mais petit à petit le masque est tombé. Il a commencé par me dévaloriser, me culpabiliser et m’éloigner tout doucement de ma famille et de mes amies. Je n’ai plus de contact avec mes amies car celles-ci ont fini par s’éloigner. J’ai changé de travail car j’en avais assez que Jean pique des crises de jalousie à cause de mes collègues masculins. Depuis nous travaillons dans la même entreprise d'événementiel.

Je suis une simple salariée sans ambition. Mes espoirs ont été mis de côté pour lui. Jean m’a toujours dit que l’ambition n’était pas faite pour moi, pauvre femme fragile. Par contre Jean a réussi à grimper les échelons de la hiérarchie en devenant directeur régional avec mon soutien. Jean a un ascendant sur moi aussi bien au bureau qu’à la maison. Il dirige ma vie depuis tellement longtemps que la peur de me retrouver seule et de devoir prendre des décisions m’angoisse.

Ce dimanche soir, je me suis couchée perdue, n’ayant plus de repères auxquels je pourrais me raccrocher. Depuis notre rencontre, Jean a pris soin de m'enfermer dans une bulle en limitant les contacts avec mes proches. La seule personne qui est restée près de moi, c’est Annie. Elle ne m’a pas abandonné malgré les attaques répétées de Jean. Il contrôle absolument tous les aspects de ma vie, mes mails, mes messages, mes rencontres. Mes sorties sont examinées à la loupe. Jean ne m’autorise qu’une sortie et une visite par mois avec Annie qui est la seule personne qui n’a pas fui.

Ma sœur m’a toujours soutenue dans mes galères, elle est d’un soutien indéfectible. Elle m’a donc naturellement proposé de m’accueillir dans sa belle et grande chambre d’ami dans son petit appartement qu’elle partage avec son chéri. lorsque je l’ai appelé dimanche soir les larmes coulant sur mes joues. Le soutien d’Annie m’a réchauffé mon cœur meurtri. Sa voix si douce et ses paroles sucrées me rassurent. Dès lundi, elle m’accompagnera pour vider mes affaires de l’appartement de Jean pour m’établir chez elle.

Le soleil de ce lundi matin me fait sortir de ma torpeur. Il me met du baume au cœur après ce week-end désastreux. Une atmosphère de désolation plane depuis quelques jours sur mon lieu de travail. En arrivant au bureau, j’ai bien remarqué des regards en coin et des messes basses mais je n’y ai pas porté attention. Je me suis dit que Jean devait encore avoir fait des siennes jusqu’à ce que je sois appelée pour un entretien.

Je suis rentrée dans ce bureau froid et impersonnel sans même m'inquiéter de ce qui pourrait m'être annoncé. Cette pièce est appelée « la petite pièce de la terreur» avec ces murs blancs, elle est sans âme. Cette couleur blanche est censée apaiser le personnel qui y est convoqué comme moi ce mardi matin. Pourtant, je sais comme tout le monde ici que lorsque nous sommes convoqué dans « la petite pièce de la terreur », personne n’en ressort avec le sourire. Cet endroit est associé à l’annonce de mauvaises nouvelles.

Jean m’a avoué il y a quelques jours que le carnet de commande est en baisse depuis plusieurs mois. Une mauvaise gestion des contrats et des finances ont fait que l’entreprise va mal, elle est au bord de la liquidation judiciaire. La tension est palpable, chacun à peur d’être appelé dans cette pièce. Beaucoup de mes collègues, dans différents services, ne sont pas revenus travailler. Je me doutais bien de ce qu’ils leurs étaient arrivés mais je suis d’un naturel optimiste et j’ai tendance à faire confiance. Jean m’a une fois de plus mené en bateau. Je suis souvent déçue par les autres, je dois l’admettre. Je le suis une fois de plus. Le bateau est arrivé à bon port et l’abordage est en cours.

- Tu es virée, me murmure t-il comme s'il n'assume pas complètement ses mots.

Je reste assise sur une chaise devant lui, stupéfaite. Il n’ose tout de même pas me virer après tout ce que j’ai pu faire pour lui, pour l’avoir aider à postuler au poste où il est aujourd’hui. Ce poste qui fait qu’il a le droit de vie ou de mort sur ses collaborateurs dont je fais parti.

- Suzie, il t’est demandé de récupérer tes affaires personnelles avant de bien vouloir quitter ton poste de travail. Tu sais que l’entreprise va mal, je t’en avais déjà touché quelques mots à la maison. Les difficultés de l’entreprise nous amène donc à procéder à des licenciements depuis quelques temps. Je suis désolée, je n’ai rien pu faire pour te garder avec moi.

- Tu le savais ce week-end et tu ne m’en as pas parlé ? Lui demandais-je encore sous le choc de son annonce.

Pour seul réponse à mon questionnement sur les circonstances de mon licenciement et de notre rupture, il me répond sur un ton désinvolte :

- Je te demanderai de ne pas faire de scandale, s’il te plaît. Quittons nous en bon terme. Restons amis ! Tu en conviendras, c’est la meilleure solution pour nous deux.

Ces quelques mots finirent par me sécher.

Après trois ans de vie commune, cet homme me chasse de la société ainsi que de sa vie, tout ça en moins de deux jours.

Mais quel salopard !

Une semaine pour faire mes valises et me fixer chez ma grande sœur Annie, ma meilleure amie et ma confidente me paraissait un délai raisonnable ce week end lorsque nous prenions nos dispositions pour nous séparer sans heurt. A ce moment, une foule de questions foisonne dans ma tête. La plus importante à ce moment précis est : ou vais-je dormir ce soir ?

Je ne vois qu’une personne qui me tendra la main comme à chaque fois que j’en ai besoin. Ma sœur : Annie. Il paraît que nous nous ressemblons beaucoup avec Annie. Elle a un caractère bien trempé, elle ne s’en laisse pas compter aussi facilement que moi. Elle se plaît à dire que je suis une guimauve. A cet instant précis, je ne la contrarierai pas. Mes premières pensées vont vers elle lorsque la confusion qui m’a submergé commence à disparaître.

On est presque aussi grande l’une que l’autre, Annie est un tout petit plus grande que moi. Je lui accorde ces quelques centimètres supplémentaires, c’est elle l’aîné. Elle est blonde, les miens sont légèrement plus foncés, blond cendré. L’un des traits qui nous différencie principalement est la couleur de nos yeux. Annie me jalouse depuis toute petite parce que la couleur de mes yeux est vert émeraude alors que les siens sont marron comme les cochons. Annie a 4 ans de plus que moi. La fameuse trentaine qui pour certaines est un palier qui est dur à accepter. Pour elle, ce fut une formalité. Le bilan fait sur ces trente premières années, elle n’envisageait pas avoir fait autrement, zéro regret. Elle a réussi à faire carrière dans son domaine de prédilection. Elle a toujours rêvé d’être vétérinaire et elle a travaillé dur pour ça. Puis l’amour a frappé à sa porte il y a maintenant presque 5 ans et apparemment elle a rencontré un homme idéal. Je lui fais entièrement confiance sur cette question parce que moi je ne suis à l’évidence pas une spécialiste.

Et me voilà, à mes 26 ans, je me retrouve en moins de temps qu’il n’en faut sur le trottoir. Plus que 4 ans pour espérer avoir un bilan aussi faste que ma grande sœur.

Plus de mec et plus de job !

Je n’ai rien venu venir, ni ma rupture et encore moins mon licenciement express. Ma naïveté m’a rattrapé et je me sens terriblement stupide.

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