Chapitre 7

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Suzie

Il m’a troublé rien qu’avec un regard appuyé et un rictus au coin des lèvres. L’inconfort me laisse pantoise. Mon corps n’avait jamais réagi comme il vient de le faire. Je ne comprends pas ce qu’il m’arrive. Je me sens encore une fois gauche. Mon inexpérience avec les hommes me joue des tours.

L’idée que je m’étais faite de cet homme est totalement erronée. Je ne me suis pas douté qu’il pouvait être si jeune. Mon patron est un trentenaire canonissime. Mon coup d'œil rapide sur sa silhouette m’a permis de me rendre compte qu'il est athlétique. Son costume taillé sur mesure laisse transparaître un corps musclé. Son visage est émacié, aux traits fins, ses yeux sombres m’ont transpercé. Mon cœur s’est arrêté de battre une micro seconde. Il pourrait défiler comme mannequin. Il a un charisme fou et ne peut laisser aucune femme insensible à son charme. Il en est conscient et doit en abuser. Il faut que je reste sur mes gardes. Ne pas succomber. Pourtant je suis conquise et ma culotte me le fait bien endurer. Je resserre les cuisses tout en songeant à son corps d'Apollon.

Je me suis ridiculisé une fois de plus. Décidément, je n’en rate pas une ! Je lui ai crié dessus en plus. On ne crie pas sur son boss le premier jour, c’est un risque à se faire remercier avant la fin de la journée. Heureusement qu’il ne s’agit que d’une malencontreuse mésentente. J’espère qu’il ne va pas m’en tenir rigueur.

Mes joues sont passées du rouge au cramoisi quand je réalise qu’il sait dans quel état il me met. Je n’arrive plus à articuler le moindre mot. Je reste debout, droite comme un « i », médusé.

Lorsqu’il finit par s’adresser à Maddie, j’attrape mon fauteuil et je m’y glisse avant de défaillir. Je suis fébrile. Je sens son regard sur moi mais je ne me détourne pas. Je ne pourrais pas croiser ses yeux noirs une seconde fois. Mon cœur ne supporterait pas de s’arrêter de battre une autre seconde. Je ne veux pas être plus ridicule que je ne le suis actuellement. Je dois me ressaisir. Il quitte le bureau avec Maddie, ouf … j’ai quelques minutes pour souffler.

Jean m’a si souvent martelé que j’étais frigide que j’ai dû m’en persuader. La réaction de mon corps face à cet homme me fait douter de ma froideur. Serait-il possible que mon émoi puisse faire fondre ce glaçon qui m'empêchait de ressentir le moindre désir. Un volcan menacerait-il de se réveiller après avoir été en sommeil sous cette couche de reproche.

Je me rêve comme une femme épanouie mais j’en suis loin. Je sors à peine d’une désillusion sentimentale monumentale qui m’a démolie de l’intérieur. Physiquement j’ai une santé de fer mais psychiquement je suis brisée. Je ne suis pas prête à ressentir de nouveaux sentiments. Le serais-je à nouveau un jour ?

La séduction n’est pas une de mes grandes qualités. Face à cet Apollon, je ne tiens pas la comparaison, je ne ne lui arrive pas à la cheville. Je dois sortir de ma rêverie, la réalité est dure mais au moins elle est vraie. La bulle, dans laquelle j’étais enfermé, a éclaté d’un coup. La chute fut rapide et fracassante mais au moins elle m’a permis de reprendre une existence réelle.

Maddie est de retour après s’être entretenue avec Aédan. Elle m’annonce que tout va bien et que j’ai fait grande impression au boss. Tu m’étonnes que j’ai fait “grande impression”, je suis sûre que c’est surtout mon fessier qui l’a impressionné. Je me garde bien de lui dire. Je suis dépitée. Elle me prévient également qu’il a décidé de tester mes compétences. Lesquelles ? Celles professionnelles ou celles qui m’obligent à prendre des positions inconfortables ? Je rougis rien que d’y penser. J’ai des pensées érotiques dès que mes pensées vagabondent. Que m’arrive t-il ? Je me choque moi même de ma lubricité.

Je me reprends, je suis prête, il peut tester tout ce qu’il veut. Il ne me déstabilisera pas une seconde fois car maintenant que je sais qu’il est mon patron et non pas un collègue lambda je vais prendre sur moi. Faire preuve du plus grand sérieux.

Reste calme et reconcentre toi, demoiselle !

- Suzie ?, dit Maddie, hésitante, ce qui s’est passé ce matin ne se reproduira pas. J’espère que tu ne t’es pas offusqué ? Ce n’est pas dans ces habitudes de se laisser aller avec ses collaboratrices.

- Non Maddie, ne t’inquiète pas. J’ai été prise de cours, je me suis laissé perturbé par son sourire. J’ai bien compris que lui aussi ne s’attendait pas à me voir. Les présentations ont été faites et le malaise va certainement plané quelques jours, dis-je espiègle.

Maddie sourit et nous éclatons de rire. La pression est redescendue et nous nous remettons au travail. La plaisanterie est bonne pour désamorcer une situation ambiguë.

J’ai reçu une quantité phénoménale de mails de M. SCOTT. Il a décidé à priori de m’assaillir de mail pour m’occuper l’esprit et oublier notre présentation gênante de ce matin. A la fin de la journée, je n'ai traité que la moitié de ses demandes, je suis terrifiée à l’idée de ne pas convenir au poste. Maddie me réconforte en me disant que ce fût une bonne journée de travail et que je n’aurais qu’à continuer demain. L’inquiétude s’envole avec les paroles rassurantes de Maddie.

La journée se termine. Pour le plus grand bonheur de ma gêne disparue, je n’ai pas recroisé M. SCOTT …

***

19h00… Je rentre chez Annie, je me suis arrêtée sur le retour pour faire quelques emplettes dans le quartier ou je travaille dorénavant. A peine je franchis le seuil de la porte qu’Annie me saute dessus et me demande comment s’est passé ma journée. Je sais qu’elle a échangé des textos avec Maddie mais je fais comme si je ne le savais pas. Avec un peu de chance, Annie ne me questionnera pas sur ma rencontre avec mon boss.

- Raconte moi ta journée, Suzie. Je veux tout savoir, dit-elle avide de détails.

- Maddie est une fille super sympa, répondé-je tout en déposant mes affaires dans le placard. Elle m’a présenté mes collègues, fait le tour de la société, voilà quoi …

- Évidemment qu’elle est sympa, c’est mon amie ! dit-elle effrontée. Mais encore ? Rien de spécial à me raconter pour ton premier jour ?

- Je ne me suis même pas ridiculisé. Je suis très fière de moi, dis-je amusé pour détourner le sujet qui brûle ses lèvres.

- Moi aussi je suis fière de toi Suzie. As-tu fait la connaissance de ton boss ? me demande-t-elle. Comment est-il ?

Maddie lui a raconté ! Non, c’est pas possible ! Quelles pipelettes ces filles !

- Il est moins vieux que je me l’étais représenté, tenté-je pour esquiver.

- Et ? Il est canon ? Il est sympa ?

- Nous avons échangé des banalités et il est retourné dans son bureau. Nous n’avons fait qu'échanger des mails le reste de la journée.

- Et ? Allez dis-mois Suzie, il est sexy ? Il t’as fait de l’effet ?

Maintenant, je suis sûre que Maddie lui a raconté.

- Il est à tomber Annie ! Je dois garder une distance de sécurité entre nous sinon je ne me retiendrais pas de lui sauter dessus. Je ne veux pas succomber à son charme ravageur, dis-je sarcastique. De toute façon, il ne se passera jamais rien puisque les relations entre collègues sont prohibées.

- Mais ce n’est pas un collègue, c’est ton boss. Tu peux peut-être faire une exception ? On dirait qu’il te plaît ? Allez Suzie, raconte moi plus !

- Maddie t’as raconté ? C’est ça ? Elle t’a dit quoi au juste ?

- Elle m’a dit qu’il y avait de l’électricité dans l’air mais sans me donner de détail. Je voulais donc connaître ta version, dit-elle mutine.

- Il m’a regardé avec insistance pendant que j’étais à quatre pattes sous le bureau. Il m’a reluqué les fesses et je lui ai demandé si la vue était à son goût et il a répondu oui. Après cette gêne installée, Maddie a fait les présentations et à partir de là il a repris son rôle de patron distant et je suis resté à ma place de secrétaire. Je me suis mise dans l’embarras, fidèle à moi-même, comme tu le sais déjà.

- Tu as mouillé ta culotte ? dit-elle en explosant de rire.

- Pour la première fois j’ai mouillé ma culotte ça te va comme réponse !? Tu m’énerves ! lui dis-je.

- Je savais qu’il était beau gosse, Maddie m’avait avertie. Il a énormément de succès auprès des femmes. Est-ce que ma petite sœur aurait succombé elle aussi au charme de cet impressionnant ténébreux ?

“Mon cerveau avait beau dire de rester calme à mon corps. De ne pas répondre à ses yeux inquisiteurs, je n’ai rien gérer du tout. J’étais tétanisée. Il est tellement beau, je me suis liquéfié devant lui. Ma gaucherie est arrivée au grand galop.” Voilà ce qu’elle aurait voulu entendre mais que je refuse de lui révéler.

- Il est très beau, sexy mais en même temps quelques choses m’agacent chez lui. J’attends pour me décider.

- Te décider à quoi ?

- Sois je le colle au mur de son bureau et on baise toute la journée, soit je me retiens de le gifler dès qu’il pose un oeil sur moi. Je suis indécise, tu comprends, plaisanté-je.

La porte claque, nous nous arrêtons de palabrer et de rires pour qu’elle puisse accueillir son amoureux et moi j’en profite pour m’éclipser dans ma chambre pour leur laisser un peu d’intimité.

Le fait d’en avoir parlé avec Annie me fait prendre conscience dans ma chambre que je suis qu’une imbécile ! Comment un homme comme lui pourrait s’intéresser à une fille comme moi. Annie le dit elle-même, il peut avoir toutes les filles qu’il veut. Il a juste profité d’une occasion qui lui était offerte pour se rincer l'œil. Je dois absolument me reprendre d’ici demain pour ne plus lui montrer le trouble qu’il fait naître en moi.

Alex est parti depuis plusieurs jours, c’est un sportif professionnel et se déplace régulièrement pour des compétitions et des entraînements intensifs. Je sais qu’il pratique l’athlétisme à haut niveau comme la course à pied. Il y a bien quelques médailles et coupes qui trônent dans une vitrine mais je ne me suis pas attardée dessus. Le sport et moi ça fait plus que deux. Je ne pratique aucun sport et je ne m’y intéresse absolument pas au grand dame de celui-ci.

Nous ne sommes pas très proches tous les deux et n’avons pas pris le temps de faire connaissance lorsque j’étais avec Jean. Ma sœur rayonne à son contact et il ne m’a pas brusqué quand j’étais au plus mal. Je dois avouer que le compagnon de ma sœur ressemble plus au prince charmant qu’à un crapaud. Je sais que je dois faire des efforts. Je compte bien en faire les jours prochain, ce soir je leur laisse l’intimité dont ils ont besoin pour se retrouver après son absence.

Allongé sur mon lit, je me laisse aller à mes réflexions. J’admets que je n’ai pas tout dit à ma confidente. Je ne lui ai pas dit que cet homme est le premier à m’avoir fait frémir le bas du ventre avec tant d’intensité. Je ne lui ai pas dit que mes joues cramoisies me brûlaient de honte de ressentir ses petits papillons pour un inconnu. Il y a un secret que j’ai gardé pour moi. Une confidence que je ne me suis pas résolu à faire. Je ne suis pas très à l’aise pour parler sexualité même avec ma sœur. Elle n’est donc pas au courant pour mon côté frigide. Je ne me voyais pas lui avouer ce soir alors que je n’en suis plus si sûre. A ce moment-là, je ne savais pas encore qu’il était mon patron. Maintenant je suis honteuse d’être le stéréotype de la secrétaire qui s’amourache de son boss. Je sais que je vais aimer travailler avec Maddie. Je sais aussi qu’il va être plus ardu de travailler avec M. SCOTT. Mes émotions doivent être dompter. Je ne veux pas être cette collégienne qui bave devant le garçon inaccessible. Je dois garder le cap et rester professionnelle. Après tout, il ne s’agit que de quelques mois, un remplacement ça passera vite.

Sans m’en rendre compte, je me suis assoupie et mes réflexions se sont transformées en rêves. Je ne me rappelle pas avoir fait de rêves érotiques un jour. En effet, je me figure que j’en aurais gardé un souvenir.

Il est allongé sur moi. Ses doigts agiles me caressent le bas du ventre. Il fait monter le désir en moi. Je veux sentir ses lèvres sur les miennes, la fièvre monte tant je désire son baiser. Il me sourit et il s’approche tout doucement jusqu’à sentir son souffle chaud sur moi. Je suffoque. Mon corps se tend. L’excitation est à son comble. Nos lèvres ne sont séparées que de quelques millimètres. Il effleure ma bouche. Il va m’embrasser.

Quand soudain ! Je me réveille dans un sursaut. Annie frappe à la porte.

Elle m’ordonne de venir manger avant que ce ne soit froid.

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