Chapitre 22

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Suzie

Nous sommes arrivés à l’aéroport de Kerry en Irlande où une voiture nous attend pour nous amener au domaine SCOTT qui se situe dans le Comté de Kerry, dans la province du Munster.

C’est la première fois que je me rend en Irlande, ce pays fait partie de la liste que j’ai écrite avec ma sœur quand j’avais 12 ans. Nous avons fait chacune notre liste des pays que nous souhaitions visiter quand nous serions grande. Mon envie de m’évader de la maison familiale était si forte qu’Annie a eu l’idée de cette liste. Elle a visité de nombreux pays en accompagnant Alex à différentes compétitions. Elle a voyagé en Europe et en dehors de ces frontières. Annie est plus téméraire que moi, qui est plus timorée, elle a donc pris une sacrée avance sur moi. Je me suis obligée à rester en France, pour Jean, parce qu’il a une peur bleue de l’avion. Ma romance avec Jean ne m’a apporté tant de déception et de tristesse.

Quand j’y repense je n’ai que des mauvais souvenirs, en tout cas ce sont les seuls dont je me souvienne. Je me suis oubliée, mise de côté pour mieux le valoriser auprès des autres. Il m’a empêché de déployer mes ailes. Mais j’ai également participé à ma mise à l’écart du monde en n’osant par crainte de représailles m’opposer à lui. Ma vie a changé depuis ma séparation, je me sens plus libre, plus sereine avec une envie folle de croquer la vie à pleine dent et là j’ai une occasion de commencer à rayer un pays de ma liste. Je compte bien ne pas m'arrêter en si bon chemin.

Il y a quelques mois en arrière, je n’aurais pas pu partir en voyage. Et me voilà aujourd’hui en Irlande à des kilomètres de chez moi sans que personne n’ai eu besoin de piquer une crise de jalousie, sans qu’il me retienne captive attendant que mon avion décolle. J’étais une bonne fille, bien obéissante comme il me le demandait mais ça s’est terminé.

A ce moment de ma vie, j’ai une furieuse sensation qu’il faut que je vive pour moi. Je ressens le besoin de me faire plaisir, de me prouver que je suis capable de vivre sans qu’un homme ne dirige ma vie. Certes l’homme que j’accompagne peut être autoritaire, directif, il aime que ses ordres soient respectés mais il n’est que mon patron pas mon fiancé. Même si je bave devant son corps sculpté comme un dieu je n’oublie pas la place qu’il occupe dans la société pour laquelle je suis employée. Je dois être le plus possible professionnelle jusqu’à la fin de mon séjour en Irlande. En espérant que la tentation ne soit pas trop grande. Je suis faible devant lui, ma culotte se mouille dès que ses yeux se portent sur moi. Plus son regard devient intense et plus je me sens gauche, j’ai la sensation que comme superman il peut voir à travers mes vêtements. Je suis sûre qu’il connaît son pouvoir de séduction et qu’il en abuse. Faut dire qu’il est difficile de résister quand il vous regarde aussi intimement.

Nous roulons sur une petite route menant sur un vaste parc. Nous arrivons devant un manoir fait de vieilles pierres et de grandes ouvertures sur le domaine. Ce n’est pas Versailles mais ce logis a beaucoup de caractère. Il est à l’image d’Aédan, ossature carré et solide mais si on gratte un peu il y a du potentiel. Il faut prendre le temps d’observer les détails pour comprendre que ces pierres ont dû voire des générations de SCOTT, que la demeure a des secrets bien gardés et qu’elle n’est pas la seule.

Pour dénicher des secrets, la patience est une vertu.

Nous sommes accueillis par une dame d’une cinquantaine d'années, aux cheveux grisonnants. Elle arbore un joli sourire et enlace Aédan à peine a-t-il franchi le seuil de la porte.

- Bonjour Monsieur ! Il y avait longtemps que vous ne vous étiez pas rendu au domaine. Nous sommes si contents de vous retrouver, s’émeut-elle.

- Bonjour Louise ! En effet cela faisait trop longtemps, c’est pourquoi je suis là. J’avais peur que vous ne m’ayez oublié, je devais venir vous rafraîchir la mémoire.

- Vous n’avez pas changé, je vous reconnaîtrais entre mille ! Vous êtes et vous serez à jamais le petit garçon taquin que j’ai connu.

Aédan me présente la gouvernante ainsi que le garde-chasse qui vivent à l’année au château. Le garde-chasse est l’époux de Louise, ils vivent tous les deux sur le domaine dans une maison à l’écart du manoir. Aédan et le garde-chasse s'éloignent du hall pour discuter et Louise en profite pour m’accueillir.

- Bonjour Mademoiselle ! Une présence féminine manquée à cette demeure. Je vous souhaite la bienvenue. Voulez-vous me suivre ? Je vais vous emmener dans votre chambre.

- Il doit y avoir une erreur j’ai une chambre au village qui m’attend, dis-je avec affolement face à sa voix si assurée.

- Monsieur, ne vous a pas prévenu ? s’étonne-t-elle. Il m’a demandé d’annuler la réservation et de vous préparer une chambre. Ne vous inquiétez pas, Monsieur SCOTT est tête en l’air. Il a dû oublier de vous prévenir. Vous verrez la chambre est spacieuse et elle a la plus belle vue sur le parc. Il a beaucoup insisté pour que je vous prépare la plus belle de nos chambres. Vous êtes une invitée de Monsieur et cela compte pour lui que vous soyez bien installé.

Aédan a vraiment oublié de me prévenir ? Sérieusement ? J’ai un doute ! Cet homme, tête en l’air ? Je n’en crois pas un mot ! Je pense qu’il a une idée derrière la tête. Cela fait plusieurs mois que je travaille avec lui et si j’ai bien compris une chose à son sujet c’est qu’il n’agit jamais sur un coup de sang. Il réfléchit aux conséquences de ces actes. Pour le moment je me fous de connaître quelles sont ses intentions. Je suis à des kilomètres de Jean, là où il ne peut pas m’atteindre. J’ai bien envie de profiter de ce petit voyage pour me détendre et me ressourcer. L’air irlandais me semble vivifiant et les paysages que j’ai perçus depuis notre arrivée sur cette île me ravissent.

Ma chambre m’a été présentée et je musarde à une des fenêtres. J’admire l’autre côté du parc par lequel nous sommes arrivés. Je me perds dans mes rêverie, le domaine SCOTT a une vue infinie sur un jardin qu’un jardinier entretient sous mes yeux. Un grand lit trône au milieu de la pièce. Je risque de me perdre dans mon lit tellement il est immense. Un bureau à gauche de celui-ci a été installé pour la durée de mon séjour. Aédan a pensé à tout.

Une fois installée, je descends à la bibliothèque comme Aédan me l’a demandé. Il ne veut pas perdre un instant et il veut que l’on mette cette fin de journée à profit pour organiser un coin bureau pour que nous puissions nous mettre au travail dès demain matin. Mais une question me brûle les lèvres. Pourquoi m’avoir fait venir en Irlande ? Quelle est la vraie raison ? Et pourquoi je séjourne au domaine ? Ces questions me tourmentent et je finis par réussir à poser la question.

- Pourquoi avoir annulé ma réservation ?

- Ce sera plus pratique de t’avoir sous la main. On gagne le temps des trajets du matin et du soir, 45 min matin et soir, presque 1h30 de gain sur notre journée de travail. Plus vite on aura terminé, plus tôt nous pourrons profiter de notre séjour. Tu n’es pas d’accord ?

- Eh bien, oui, je peux rester le temps que vous aurez besoin de moi, dis-je en balbutiant. J’ai un goût amer en bouche. Ce n’est pas la réponse que je m’attendais à entendre. J’ai l’étrange sensation qu’il ne m’a pas tout dit. Que me cache t-il ? Ou veut-il en venir en me gardant auprès de lui ?

Le jour suivant est éreintant. Aédan ne m’accorde aucune pause. On mange sur le pouce le midi, on grignote le soir sur le coin du bureau. On commence tôt le matin et on finit tard le soir. Je ne vais pas tenir ce rythme soutenu très longtemps.

Le voyage en avion était une première pour moi et je dois dire que j’étais très stressé de voyager par ce mode de transport. Aédan a voyagé en classe affaires et moi en classe économique. Je me suis occupée des réservations de nos billets. A l’aéroport, il a voulu que je sois surclassée mais il n’y avait plus de place disponible. Il a eu l’air d’être chiffonné alors que moi je me suis surprise à reprendre ma respiration lorsque l'hôtesse lui a annoncé son incapacité de le satisfaire. La pauvre jeune femme était si désolé que je n’ai pu caché un sourire. Toutes les femmes veulent satisfaire cet homme par tous les moyens. Elles sont toutes sous son charme, c’est incroyable.

Je suis éreintée par ce voyage pour lequel Aédan ne m’a pas laissé le temps de me reposer et par le dure labeur de ces derniers jours. Par bonheur, le week-end arrive et je rêve d’une grasse matinée.

Je profite de mon samedi pour fureter dans cette fabuleuse demeure. Je croise Louise et elle m’invite à visiter le village. Elle a quelques courses à faire et me propose de me faire la visite des alentours du domaine. Je profite de cette balade pour faire un peu connaissance avec elle. J’apprends par des confidences qu’elle est mariée depuis vingt ans au majordome et qu’ils n’ont pas eu la chance d’avoir d’enfants. Ce manque a rapproché les enfants SCOTT et elle quand ils ont perdu leur mère. Cette tragédie les a rapprochés.

Je soupçonne Aédan d’avoir demandé à Louise de bien vouloir m’emmener avec elle pour m’éloigner du domaine ou de lui. J’ai remarqué qu’il m’évitait ce matin. Il s’est levé tôt et a pris son petit déjeuner avant moi. Quand je suis descendu, lui il est allé à l’étage et lorsque je suis remontée alors c'est lui qui est redescendu. Je ne comprends pas à quoi il joue. J’ai eu l’espoir que ce voyage nous permettrait un certain rapprochement mais maintenant il m’évite. Encore cette ambivalence entre mes sentiments. J’avais espoir que nous pourrions devenir amis même si dans un coin de ma tête j'aimerais un peu plus. Je m’interdis d’y penser.

Je finis par déjeuner seul, Aédan s’est absenté durant notre visite au village et doit rentrer tard d’après le petit mot qu’il a adressé à Louise dans la cuisine. On ne s’est pas vu de toute la journée. Le jour suivant, dimanche, au petit déjeuner Aédan m'astreint à rester dans ma chambre toute l'après-midi et toute la soirée. Je ne dois sous aucun prétexte sortir de ma chambre et encore moins descendre parce que Monsieur reçoit des invités. Un plateau repas me sera monté vers 20h00. Je me retrouve dans la situation d’une petite fille qui s’est fait punir après avoir commis une bêtise. Sauf que je ne suis plus une petite fille et que je n’ai commis aucune sottise. Je n’apprécie pas du tout mais je ne sais pas comment le lui dire. Il est impressionnant dans son rôle de châtelain, plus que dans son rôle de patron, c’est dire. Etant donné que je suis une jeune femme raisonnable et pas entêtée, je reste dans ma chambre tout l’après midi comme on me l’a demandé. J’en profite pour appeler Annie et ne tarit pas d’éloge sur les paysages et les habitants du village.

- Comment se passe ton séjour irlandais ? Aédan a-t-il tenté de te séduire sur ses terres natales ?

- Annie tu es incorrigible. Mon séjour est plutôt rude, travail, travail et encore travail. J’ai fait un tour au village hier et c’est tout.

- C’est tout ? Il ne s’est rien passé de croustillant depuis votre arrivée ? Mais pourquoi t'a-t-il fait venir si ce n’est pas pour faire des galipettes ?

- Annie ! Il s’agit d’un voyage d’affaires, je te l’ai déjà dit mille fois. En plus, même s' il m’avait fait des allusions je ne suis pas dans l’obligation d’y répondre !

- Tu oserais passé à côté d’un Apollon pareil, Suzie tu es folle ! Tu n’es pas ma sœur, ce n’est pas possible, se moque t-elle.

- De toute façon, on rentre le week-end prochain et je suis puni dans ma chambre. Il ne se passera rien vu son attitude distante alors arrête tes allusions s’il te plait.

- Ok, j’arrête. On se rappelle plus tard. Bisous soeurette !

- Bisous Annie !

Après avoir raccroché, je regarde l’heure sur mon téléphone, j’ai encore quelques heures devant moi. La journée me semble affreusement longue. J'ordonne mes notes de travail pour notre journée de demain et je bouquine un peu. Ce matin j’ai pris un livre dans la bibliothèque en vue de cette interminable fin de journée. Je prends une douche entre deux chapitres, me mets en pyjama dans l’attente de mon plateau repas. Le temps ne passe guère vite. Je m’ennuie mais je dois tenir bon.

Je devrais peut-être regarder pour une chambre d'hôtel au moins je serais libre d’aller où bon me semble dès lors que j’en ai envie. Je suis comme une prisonnière dans ce manoir. Je n’ose pas aller et venir à ma guise pour ne pas déplaire à Monsieur. Puis ce château a quelque chose d’effrayant dès la nuit tombée. Le sol en parquet, à l'étage, grince et la charpente craque. J’ai dû regarder trop de films d’épouvante dans ma jeunesse où la blonde meurt dans les 5 premières minutes du film. Je me fais rire toute seule de mes bêtises. Je ne vais pas mourir assassiné par un croque mitaine mais peut être de faim, ça s’est fort probable.

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