Retour à la nuit
de
Silk
« Il y a longtemps que je ne t’avais pas vue et ce soir c’est à peine si je t’aperçois. Peut-être que si le ciel n’avait pas été si couvert, alors je n’aurais pas été triste et je ne serais pas venu te voir. Je crois que notre relation entière s’est bâtie sur la tristesse. La mienne en tout cas. Et peut-être la tienne, celle que tu renvoies aux cœurs tristes, cette impression d’être compris quand lever la tête est une épreuve et que marcher sous la pluie est un confort.
« La dernière fois que nous nous sommes aperçus, c’était sans doute hier, mais je crois que je ne t’ai plus regardée depuis cinq bonnes années, quand je n’avais pas encore appris à fuir ma vie dans celles d’autres, imaginaires, à la fois plus heureux et plus malheureux. Je ne sais pas ce que je fais là ce soir mais j’ai envie de te donner des nouvelles. Ma vie va mieux maintenant tu sais…
- Oui. Je sais. Alors que fais-tu là Charly ?
- Je te l’ai dit, je ne sais pas… Peut-être que tout est allé trop vite, tu sais, le bonheur. Il est allé trop vite et parfois il s’essouffle un peu, alors le Charly d’avant, il me rattrape.
- Je vois.
- Je sais… Avant, quand je venais, quelque chose en moi se libérait. Tu te rappelles ce banc où je m’asseyais quand je venais te voir ?
- Celui où tu pleurais ?
- Oui. Je m’asseyais, je te parlais et ensuite je pleurais. J’avais toujours mal, mais mon corps voulait bien le dire. Là, maintenant, je suis sorti, je me suis assis et je te parle, mais rien ne sort. La douleur reste, les larmes aussi et je me noie.
- Peut-être que tu n’as pas dit ce qu’il fallait.
- Je ne sais pas quoi dire. Je n’ai pas de raison d’être là. Je devrais être bien, être chez moi, à savourer la vie, à remercier le monde de tout ce qu’il m’a offert et continue de m’offrir jour après jour. Je devrais fêter l’amitié, l’amour, la famille, la passion, la stabilité, la découverte, le voyage et pourtant, dès que je suis seul j’oublie tout ça, j’oublie tout ce que j’ai et je redeviens ce gamin qui pleure sur un banc sans même savoir ce qu’il ressent.
- Pourquoi n’être pas revenu plus tôt ?
- Ça aussi je te l’ai dit : j’ai appris à oublier. T’oublier toi, oublier les autres, m’oublier moi.
- …
- Est-ce que tu penses que j’ai trop oublié ?
- Je le pense.
- Est-ce que c’est irréversible ?
- Peut-être, je ne sais pas.
- Pourquoi est-ce que je reviens vers toi ?
- Je t’ai posé cette même question.
- Et je n’avais pas la réponse, alors peut-être que c’est toi qui l’as.
- Tu reviens me voir parce que tu as compris que quelque chose n’allait pas et que tu l’acceptes. Tu reviens me voir parce que tu as envie d’autre chose que d’oubli. Tu voudrais te plonger dans tes larmes, comme autrefois, sentir ton cœur battre, parce que de ton vieux désespoir finissait par naître l’espoir de trouver tout ce que tu as aujourd’hui. Tu viens me voir parce que tu veux continuer à avancer, mais pas sans regarder en arrière ni là où tu mets les pieds. Tu viens me voir parce que tu es fatigué par les remous de ton existence mais que tu n’as pas cessé d’espérer les voir se calmer.
- Vont-ils se calmer ?
- Non, mais si tu lèves la tête et que tu les regardes, tu verras qu’ils ne sont pas plus hauts que ceux dans lesquels tu as déjà nagé. Tu verras aussi que tu n’es pas le seul dans l’eau : vous êtes nombreux à nager et vous avancez tous, à un rythme qui est le vôtre, mais que certains le font avec le sourire et ce ne sont ni ceux qui avancent le plus vite, ni ceux qui affrontent les courants les plus faibles.
- Qui sont-ils alors ?
- Tout simplement ceux qui nagent côte à côte.
- Est-ce que c’est ça la clé ? Ne sortir que de jour ? M’entourer toujours plus et leur parler à eux plutôt qu’à toi ?
- Non, tu as besoin de me parler. Tu as besoin de fixer ma lueur dans le ciel de tes nuits pour retrouver celles qui brillent dans ta vie. Tu as besoin de moi pour trouver les mots.
- Quels mots ?
- Ceux qui font mal ?
- Pourquoi les trouver ?
- Pour les guérir.
- Je préfèrerais le faire seul.
- Tu ne peux pas. Et, quand bien même, tu ne seras jamais seul. Tu que tu aimeras, il y aura des gens pour t’aimer et tant que tu seras aimé, tu ne seras jamais seul.
- Je ne sais pas…
- Alors reviens demain soir, et celui d’après et encore bien d’autres. Trouve les mots et dis-les à ceux que tu aimes, laisse-les tourner, les remuer, les garder près d’eux, jusqu’à ce que vous trouviez ensemble comment les réparer. Dis-leur que tu te sens parfois cassé, tiré par le passé, que tu as peur de n’être pas assez bien, que tu crains de les perdre, que tu as eu mal autrefois et que la peine n’est jamais tout à fait partie. Dis-leur que tu n’arrives pas à croire tout ce qui t’arrive de bien et que tu te focalises sur ce qui t’arrive de mal. Dis-leur que tu ne vois pas le bout de l’océan et tu te sens parfois attiré par le fond. Dis-leur que parfois tu brûles d’une colère que tu ne sais pas à qui destiner et que d’autres fois tu te sens si vide et épuisé que tu voudrais t’endormir et te réveiller quand le monde aura enfin retrouvé ses couleurs.
- Et si c’était trop pour eux.
- Ça ne le sera pas, pas tant que toi aussi tu seras là pour eux. Et puis, il y a aussi les bons jours.
- C’est vrai, je le sais et pourtant quand je suis là il m’arrive de l’oublier.
- Alors je te le rappellerai.
- Je suis fatigué.
- Rentre chez toi te reposer.
- Est-ce que tu seras encore là demain ?
- Je brillerai tous les soirs jusqu’à la fin des temps.
- Je trouve ça très rassurant.
- Tu as raison.
- Bonne nuit Lune.
- Bonne nuit Charly.
Table des matières
En réponse au défi
Qui rencontrez-vous ? Cette semaine : la Lune
Cette semaine, la Lune vient à votre rencontre ! Sous quelle forme ?
La Lune apparaîtra où vous voulez : en rêve, au détour d'un chemin, en ville, sur une plage, chez vous... Libre à vous de vagabonder. Le monde est vaste. Posez un cadre.
Qu'avez-vous à vous dire ? Une discussion s'engagera. Posez-lui toutes les questions qui vous viennent en tête.
Votre rencontre sera furtive. Un arrêt dans le temps. Un tête-à-tête que vous ne vivrez qu'une fois.
A vos stylos, claviers... Et que la force soit avec vous !
Fin du défi : 15 octobre 2025
(5 minutes maximum de lecture)
Si vous utilisez l'IA, passez votre chemin...
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