FOLIE ET CHAOS
Darla gisait à moitié étendue, les yeux mi-clos, le souffle irrégulier. La voix… cette voix dans sa tête… n’arrêtait pas de hurler. Elle la connaissait, elle la détestait, et pourtant, elle était toujours là, partout, dans chaque recoin de son esprit.
— Darla ! Tu délire ! Tu te détruis ! Tu ne comprends rien ! rugissait-elle, comme si chaque mot frappait son crâne.
Elle hurla en retour, un rire sec, nerveux, presque hystérique :
— TAIS-TOI ! je peux pas… je peux pas… arrête ! hurla-t-elle, frappant l’air de ses mains tremblantes, frappant Sainta, frappant… elle-même ? Elle ne savait plus.
La pièce… non, l’air autour d’elle semblait vibrer. Ses jambes se ployaient sous elle, elle tombait, se relevait, les bras tendus vers une réalité qui fuyait toujours. Chaque respiration devenait un effort titanesque, chaque mouvement une bataille contre son propre corps.
— Tu vas finir par tout gâcher ! tonna la voix. Tu perds la tête ! Tu perds tout !
Darla sentit son cœur s’emballer, son souffle se briser. Elle perdit connaissance un instant, glissant sur le parquet comme si le monde l’avait rejetée. Lorsqu’elle se réveilla, tout avait changé, ou peut-être pas : Sainta était là, immobile, ses gestes hésitants, ses yeux trop vifs, trop perdus.
— T’es… t’es là… murmura-t-elle, la voix faible, presque suppliante.
Sainta bougea, maladroit, ses mains cherchant quelque chose, son regard fuyant :
— Darla… je… je suis… je…
— Ne l’écoute pas ! hurla la voix dans sa tête. Ne le laisse pas te tromper !
Elle recula, trébucha, ses doigts s’agrippant à ses cheveux, à ses bras, à son souffle : elle ne savait plus qui était réel. Sainta ou la voix ? Et si Sainta n’était qu’une autre facette de cette folie ? Elle éclata de rire, nerveuse, sarcastique, brisée :
— Ah ! tu crois que tu peux me séparer ? tu crois… que tu peux… me libérer ? hurla-t-elle en roulant sur le sol.
La voix se fit plus violente, plus pressante, chaque mot comme un coup dans son crâne :
— Tu ne peux pas… tu ne peux pas… tu vas nous perdre tous… tu… tu…
Elle sentit ses yeux brûler, ses mains trembler, ses jambes ne plus la porter. Elle s’effondra, perdant conscience encore et encore, chaque réveil la plongeant dans une confusion encore plus dense. Parfois, elle se relevait, le souffle court, les doigts sur ses tempes, essayant de distinguer Sainta de la voix, mais l’un et l’autre se mélangeaient dans un vertige insoutenable.
— T’es là ? murmura-t-elle en ouvrant les yeux, le corps collant de sueur et de sang séché.
— Je… je… je suis là… balbutia Sainta, hésitant, maladroit, les gestes tremblants, presque effrayés de sa propre présence.
— Mais… mais… c’est toi ou… c’est la voix ? chuchota Darla, la bouche sèche, les mains sur son visage.
— Tu vas tout détruire… souffla la voix. Tu vas… nous… séparer…
Un rire froid, sarcastique, monta de la gorge de Darla. Un rire qui n’avait rien de joyeux, mais qui semblait danser sur la douleur, la folie, le désespoir :
— Ah ! vous croyez que vous pouvez me séparer ? que vous… que vous pouvez… m’arrêter ? ricana-t-elle.
Elle se leva, les jambes vacillantes, les yeux brûlants, et marcha en zigzag, frappant l’air, frappant Sainta, frappant tout ce qui passait. Ses gestes étaient irréguliers, désordonnés, parfois saccadés, parfois trop brusques, chaque mouvement trahissant sa perte de contrôle.
— Je vais… je vais… marmonna-t-elle entre deux crises. Je vais vous… séparer… une fois pour toutes…
Sainta s’approcha encore, les gestes tremblants, essayant de ne pas la toucher mais voulant intervenir :
— Darla… je…
— TAIS-TOI ! hurla-t-elle, un mélange de colère et de rires sarcastiques. Je vais me débarrasser de toi… et de toi… dit-elle en pointant la voix dans sa tête et Sainta indistinctement.
Elle s’écroula de nouveau, perdant connaissance, roulant sur le sol. Quand elle se réveilla, son souffle était court, sa peau collante de sueur, ses yeux brûlants et hagards. Elle vit Sainta, immobile, maladroit, perdu, et elle comprit vaguement : peut-être qu’il voulait l’aider, peut-être qu’il ne voulait que sa survie, mais elle ne pouvait plus distinguer ce qui venait de la voix et ce qui venait de lui.
— Je… je peux… je peux… murmura-t-elle, tremblante, les yeux injectés de sang. Je peux… faire ça…
Un sourire sarcastique s’étira sur ses lèvres, tordu et cruel :
— Et une fois pour toutes… vous allez comprendre… que je décide… pas vous…
La voix hurla, furieuse :
— Tu… tu ne peux pas… tu ne peux pas…
Mais Darla, vacillante, haletante, presque cassée, sentit quelque chose changer. Elle avait perdu conscience mille fois, avait été manipulée par la voix et par Sainta, et pourtant… ce rire sarcastique, cette folie déchaînée, ce sentiment de contrôle fou… lui donnait un pouvoir étrange, presque réel.
— Je suis… je suis libre… murmura-t-elle, la voix brisée mais ferme. Vous ne me contrôlez plus… plus jamais…
Elle éclata de rire, un rire froid, cruel, sarcastique, qui résonna longtemps dans le silence après ses cris, laissant Sainta immobile, figé, incapable de savoir si elle avait trouvé la force… ou si sa folie venait de passer à un autre niveau.
Et dans ce silence après le tumulte, Darla sentit une chose : la voix et Sainta ne pouvaient plus la séparer. Elle seule décidait désormais… même si ce n’était que folie et chaos.

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