Chapitre 3

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Thomas Kravik était au travail depuis plusieurs heures déjà et n'avait pas la moindre idée de l'existence de Jon Cobol. Si on lui avait demandé de l'identifier en photo, tout au plus aurait-il reconnu un type qu'il croisait parfois dans sa rue.

Les mains couvertes d'une sauce jaunâtre, il découpait des filets de poulet de mauvaise qualité. Traiteur de formation, Kravik était sur-qualifié pour les tâches qu'on lui confiait dans la cafeteria bon marché où il s'enlisait depuis deux ans. Il n'en faisait pas cas, ce boulot lui fournissait suffisamment de moyens pour consacrer le temps qu'il n'y passait pas à des activités bien plus intéressantes. C'était tout ce qu'il attendait d'un emploi.

Kravik était larbin de cuisine et sa plus grande passion était la mécanique. Un jour, bientôt, sa vie changerait. Il lâcherait cette cuisine minable. Mais pour l'instant, c'était l'heure de la pause.

- 20 minutes, pas plus.

Il sortit sur la plateforme bétonnée derrière l'évacuation de secours et alluma une cigarette. Un type de la boutique d'à côté était déjà là, de ceux à qui il n'avait rien à dire et qui brisaient systématiquement le silence en engageant la discussion sur son passe-temps.

- Tu bricoles quoi en ce moment ?

Thomas était doué en mécanique au point que ce soit de notoriété publique. Il dépannait parfois le personnel de la galerie sur le parking des employés.

- Pas mal de petits trucs.

Des scooters, des voitures et des tondeuses à gazon.

C'était tout le problème. La vie était ainsi faite qu'il n'exerçait pas sa passion en tant que métier et il s'en accommodait. Il n'était pas dépendant de cette passion, ne risquait pas d'en arriver à la détester parce qu'elle serait devenue son labeur quotidien. Il avait le privilège de pouvoir être regardant sur ce qu'il bricolait, il pouvait faire autre chose que dépanner les amis des amis mais n'y parvenait pas.

Il se cherchait une œuvre, un projet. Quelque chose qui ne présenterait aucun intérêt pour personne mais serait pour lui un aboutissement. Il n'était pas un artiste, il ne créerait pas un truc inutile pour en exposer les formes étranges ou la conception excessivement géniale. Il y avait quelque chose d'autre à faire, il en était certain. Quelque chose de fonctionnel, une vraie machine à concevoir ou à retaper qui le ferait toucher à la quintessence de son savoir-faire. Il était fait pour ça, il le savait, il lui manquait tout juste l'étincelle qui enclencherait la combustion. Cette idée le travaillait tellement qu'il serait aisé de conclure qu'il en rêvait la nuit mais, en réalité, elle l'empêchait plutôt de dormir et lui mettait la rage au ventre à longueur de journée.

Il termina sa cigarette en maudissant son manque d'imagination, expulsa son mégot d'une pichenette et retourna au travail.

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