Un souffle

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C’était un soir où le vent battait fort. La pluie tombait drue, se mêlant aux larmes rendu ainsi invisibles sur son visage. Ses yeux, meurtris par ses pleurs, étaient à présent frappé par les puissantes bourrasques.

L'une des plus grandes tempêtes des dix dernières années disait le journal télévisé. Des conditions idéales pour mourir.

Avec un peu de chance, la tempête entraînerait son corps par le fond. Peut-être se fracasserait-il tel l’une des poupées de cire que chérissait tant sa mère ? Le garçon n’avait plus qu’un unique espoir à présent : que sa présence disparaisse totalement de ce monde.

Il osa jeter un œil en contrebas. La falaise au bord duquel il était perché semblait bien plus haute que dans son souvenir. Sa tête lui tourna, pris de vertige. Il fit quelques pas en arrière, ses pensées envahis d’un subit doute. John prit sur lui et s’approcha à nouveau.

Il était décidé à faire preuve de courage. La seule et unique fois qu’il y parviendrait au terme de sa courte vie. John avait 16 ans. Un lycéen frêle et mince.

Cible des quolibets et des défoulements de violence de nombreuses brutes de son lycée. Un phénomène récurent et banalisé par notre société. John faisait partie de ces jeunes gens dont la vie avait perdu tout attrait. Pourquoi vivre, si cela signifiait une souffrance permanente ?

Le garçon savait ce qui arriverait une fois l’acte accomplie. Tout d’abord, on le plaindrait. Puis on déclarerait qu’il n’avait pas eût le courage d’affronter ses problèmes. Il avait pourtant tout tenté pour y parvenir. Sa frêle constitution et son introversion l’empêchaient de lutter contre ses agresseurs.

Aucun ‘‘adulte’’ ne le prenait au sérieux. Il n’avait aucun ami à qui se confiait, ses parents dédaignaient ses soucis en les qualifiant de ‘‘dramatisation adolescente’’. En se donnant la mort, John ne souhaitait nullement attirer l’attention ou faire culpabiliser ses bourreaux et les personnes qui l’avaient si longtemps ignoré.

Le garçon souhaitait simplement en finir. Trop de souffrance pour un si jeune et fragile esprit. Ses cheveux en bataille voletaient au vent, lui fouettant par instant le visage. John regarda droit devant lui, afin de ne pas prendre à nouveau peur.

Deux pas suffisaient. En deux pas, cette vie de torture prendrait fin.

John chuta. Il n’eut d’autre choix que de fixer les rochers qui s’approchait à toute vitesse, fracassés avec force par de puissantes vagues. Il ferma les yeux, espérant que le choc mortel soit immédiat et sans douleur. Sa grande peur avait été qu’une longue agonie suive sa chute. La probabilité que cela se produise était faible, mais possible toutefois.

Le choc ne vint pas. John se sentit projeter en arrière. Il ouvrit les yeux, et vit les rochers s’éloignaient à la même vitesse qu’ils s’étaient rapprochés. Le souffle coupé par l’afflux d’air, il se sentait ramener en arrière par un violent souffle de vent.

Arrivé au sommet de la falaise, John chuta lourdement sur ses fesses. Il se releva en boitant, le bas du dos endolori. Il alla s’adosser à un arbre non loin et, en état de choc, y resta plusieurs heures durant. Sa respiration reprit progressivement un rythme régulier.

Que s’était-il passé ? John leva les yeux au ciel. Était ce Dieu qui lui avait sauvé la vie ? Lui ordonnait-il de vivre ? Avait-il donc quelque chose à accomplir ? Originaire d’une famille catholique, cela faisait plusieurs années qu’il avait perdu la foi. Etait-ce un signe pour lui prouver qu’Il veillait sur lui ?

John rentra chez lui dès qu’il s’en sentit capable, l’esprit tourmentait par maintes questions. Par chance, ses parents dormaient paisiblement. John prit soin à ne pas les réveiller et se coucha.

Lorsque l'adolescent se leva le lendemain matin, il était persuadé avoir rêvé. La douleur de son dos et ses vêtements trempés lui prouvèrent bien vite que ce n’était pas le cas. L’esprit perdu dans ses pensées, il se rendit au lycée sans prendre la peine de prendre un petit-déjeuner. Ses parents étaient déjà partis au travail, lui épargnant quelques questions quant à sa promenade nocturne.

La matinée se déroula en suivant une malheureuse routine. John fut insulté, frappé, insulté… Il regretta l’échec de sa tentative. Pourquoi donc n’était-il pas mort ? Midi arriva. John se rendit à la cantine scolaire afin de déjeuner. Il tenta en vain d’esquiver la nourriture que ses bourreaux lui envoyaient à la figure.

Ce fut avec des morceaux de fromage collés dans les cheveux et de la sauce tâchant sa chemise qu’il s’assit à l’une des tables. Il commença à manger, lorsqu’il entendit une voix tristement familière l’interpellait. Il jeta un œil paniqué derrière lui. Il ne s’était pas trompé. Fred, le meneur des gorilles de par sa musculature supérieure, se dirigeait droit sur lui. Bien que sachant que ce serai peine perdue, il pria pour qu'il n’arrive pas jusqu’à lui. Son intuition fut vérifiée, en dépit de son vain espoir. Fred le repéra et, un sourire cruel aux lèvres, se dirigea vers sa direction.

John ressentit un timide souffle de vent autour de lui. Fred sembla alors glisser, chuta lourdement sur le dos et fut expédié par une étonnante glissade sur une trentaine de mètres en avant. Cet incident provoqua l’hilarité générale de l’assistance. Dépité et honteux, il renonça à aller martyriser John. Ce dernier cligna plusieurs fois, stupéfait. Il était persuadé qu’aucun obstacle n’avait provoqué la chute de Fred.

L’adolescent tâcha de se recentrer sur son repas. Son imagination lui jouait certainement quelques tours. Devenait-il fou ?

Durant la semaine qui suivit, le même type de phénomène se reproduisit. Encore et encore. Toujours lorsque ces bourreaux tentaient de le malmener. Leur entourage mit cela sur le compte de la maladresse des garçons. John eut progressivement la certitude qu’il était le responsable.

Une brise de vent, ou plutôt un souffle, se faisait ressentir avant chaque accident. John le sentait. Il en était la source.

Une habitude s’était désormais installée. Après sa journée de cours, John partait s’isoler à l’endroit même où il avait décidé de se donner la mort. Il s’entraîna un long mois afin de maîtriser le don qu’Il lui avait offert. Au fil de ses progrès, sa foi se raviva. Dieu ne l’avait donc pas oublié.

Sa vie s’en trouva métamorphosé. Son don lui permit de se défendre de ses bourreaux. John prit soin à ce que l’intervention du vent passe inaperçu. Lorsque l’un de ses agresseurs tentaient de le frapper, ce dernier ‘‘trébuchait’’ et se retrouvait le nez contre le bitume.

Désormais, l’adolescent ne se taisait plus. Il prenait peu à peu confiance en lui. John commença par répliquer verbalement aux pluies d’insulte quotidiennes, puis finit par provoquer lui-même ses anciens bourreaux. Ce changement d’attitude lui valut un grand nombre de compliment. John constata avec stupéfaction sa côte de popularité grandir en flèche. C’en était terminé du garçon que tous ignorait.

Ses efforts furent concrétisés par la réalisation de son souhait le plus cher. Il reçut une invitation à une soirée. Et pas n’importe laquelle.

SA soirée. A elle, la jeune fille qui hantait ses rêves. Celle qu’il chérissait depuis maintenant quatre ans.

La soirée eût lieu un samedi soir. Persuadé que le vent du changement glorifiait chacun de ses actes, John se mit sur son trente et un et s’y rendit. Tout se déroula comme dans l’un de ses rêves. La musique faisait vibrer les murs de la demeure, une succession des genres : rock, techno, dupstep…

L’ensemble des invités le traitait en ami. John ne s’interrogea pas sur la sincérité de leurs sentiments. Peu lui importait, seul comptait le fait qu’il soit enfin accepté. Et surtout : par elle.

La jeune fille, prénommé Anaïs, ne semblait accorder d’importance qu’à sa seule présence. Ils discutèrent longuement. Elle lui avoua avoir été agréablement surprise et intéressée par son changement d’attitude. Avait-il bien entendu ? John était décidé à découvrir jusqu’où Anaïs était ‘‘intéressée’’. Ils parlèrent durant un temps qui lui sembla infinie. Plus rien ne comptait en dehors de leur bulle.

Une voix furieuse l’appela par son prénom, les tirant de leur micro-monde. La même qu’à la cantine, qui lui avait permis de découvrir son don pour la première fois.

Fred, poings crispés, s’approchait. Lui hurlait de ne pas s’approcher de ‘‘sa’’ copine. Abasourdi, John interrogea Anaïs du regard. D’un mouvement de tête, elle lui fit comprendre qu’elle n’était pas la petite amie de Fred.

Ce dernier réagissait tel une bête frustrée de voir un autre mâle tournait autour de sa femelle. John se dirigea vers Fred. S’il fallait agir en bête afin de conquérir la Belle, alors soit. Violence il y aura.

Le gorille tenta de le frapper à l’estomac. John usa d’un subtil vent afin de dévier le coup. Il était décidé à s’amuser avant de passer lui-même à l’assaut. Le faiseur de brise dévia chaque assaut, mimant d’esquiver.

Parmi l’assistance, des quolibets jaillirent à l’intention de Fred. Ce dernier fulmina et se jeta sur John.

L’adolescent avait été trop confiant et ne put réagir, n’ayant d’autre choix que de se laisser chuter à terre avec Fred.

Le gorille abattit son énorme poing contre son visage. Cette foici-ci, il ne le vit pas venir et sentit sa joue s’enflammait. Le goût du sang envahit sa bouche. Fred n'en resta pas là et, profitant de l'ouverture, le malmena de coups tel un berserker en furie.

L’assistance était à présent affolé et lui hurlait d’arrêter. John crut percevoir la voix cristalline d’Anaïs. Fred stoppa ses assauts, jugeant que "le gringalet" avait eût son compte. Il saignait abondamment de la lèvre inférieure et son œil, à présent violacé, avait triplé de volume.

Le gorille se releva, cracha au visage de John, puis s’éloigna. Pour le jeune homme, c’était l’humiliation de trop. Il avait travaillé durement afin de ne plus se laisser faire par ce genre d’individu. Dieu lui avait donné le pouvoir de prouver au monde sa supériorité. Et c'est ce qu'il allait faire...

En se relevant, John apostropha Fred. Ce dernier se retourna, un sourcil relevé par la surprise. Ce détail accentua son aspect primitif. John songea une fraction de seconde qu’il ressemblait à un grand singe qu’il avait vu dans un zoo durant son enfance.

Il tendit la main vers le visage de Fred. Ce dernier ouvrit la bouche, mais aucun son n’en sorti. Plus rien n’en sortait d'ailleurs. Il haleta, cherchant désespérément à s’oxygéner les poumons. Peine perdue.

John avait bien trop souffert par la faute d’idiot de son genre. Une violence physique n’était que justice. Fred allait devenir un exemple. Il allait payer pour tout ceux qui lui avait fait subir une vie de misère ! Que tous soit témoin de ce qu’il advient de défier un envoyé de Dieu.

John effectua un brusque mouvement vers le haut. Un puissant souffle de vent se leva et enveloppa Fred, qui se retrouva violemment frappé contre le plafond. John baissa d’un geste brusque son bras. Fred se retrouva tout autant brusquement frappé au sol. Puis au plafond. Puis au sol, et ainsi de suite. De plus en plus rapidement et avec fracas.

Le plafond et le lino se fissurèrent, tâché par le liquide rougeâtre qui s’échappait du visage et du reste du corps du malheureux gorille. John jubilait et répéta la manœuvre jusqu’à ce que le corps du malheureux ne soit plus qu’un pantin désarticulé et défiguré.

D’un mouvement de bras vers la droite, une bourrasque éjecta le cadavre à l’autre bout de la pièce.
John sortit de son extase, prit peu à peu conscience de la scéne et, avec horreur, croisa les regards de son public.

Nulle admiration cette fois. Beaucoup avaient hurlé lors du spectacle de John. D’autres pleuraient. John vit alors Anaïs, qui le fixait d’un regard qui en disait long. Ce qu'il lu dans ses yeux lui meurtrit l’âme, le ramenant instantanément à la raison.

Il réalisa alors la portée de son acte. Il avait tué de sang-froid, devenant un meurtrier. Il sut alors qu’il n’avait pas agis en Elu de Dieu. Le Diable avait parlé à travers lui.

Personne n’osait esquisser le moindre geste, de peur de subir le même sort que Fred. John baissa les yeux, ne pouvant supporter davantage leur regard emplis de terreur et de peur. Il tenta de fuir le regard d'Anaïs, qu’il avait tant chéri. Et qu’il avait perdu à jamais.

Il fuya à toute jambe la demeure et atteignit le jardin de la demeure. S'enveloppant de vent, il s’envola dans le ciel étoilé. Que faire à présent ? Seule la prison l’attendait s’il se rendait. Son acte avait fait de lui un fugitif.

Ce don était-il un cadeau de Dieu, ou une malédiction du Diable ?

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