caméras
Je tournais en rond dans ma cellule. J’étais condamnée. Condamnée alors même que je n’étais coupable de rien. Je clamais mon innocence depuis le début, mais j’étais la coupable idéale, impossible de leur faire partir l’idée de ma culpabilité de la tête. J’étais terrifiée de ce qu’il m’attendait. Depuis la nouvelle loi concernant les prisonniers, j’allais être la première à en faire les frais. La première personne qui testera ce nouvel édit sera une innocente, accusée à tort, car elle connaissait un peu trop bien la victime. Des larmes d’angoisse, de panique et de tristesse commencèrent à couler le long de mes joues. Je repensais à Kris, torturée et laissée pour morte dans la cave de son domicile. Aux yeux de la police et du public, j’étais l’amante d’une fille de célébrité, secrètement lesbienne. J’étais devenue la maîtresse jalouse du couple que formait Kris avec son petit ami et avait décidé de la tuer tant je n’acceptais plus d’être la non-officielle. Alors que c’était faux. Je n’étais pas en colère contre elle, je comprenais son choix de cacher notre relation. Ses parents n’auraient pas accepté, et le public non plus. Je ne voulais pas qu’elle risque sa carrière pour moi. Son ami était au courant, et avait proposé de se faire passer pour son petit ami face aux caméras et aux appareils photo. Il nous couvrait. Il avait tout fait pour expliquer que je n’étais pas la meurtrière. Aucun policier ne croyait son histoire. J’étais alors condamnée.
La porte s’ouvrit sur un policier bedonnant au regard emplis de regret. Il était le seul à avoir montré un tant soit peu d’humanité en mon égard depuis que j’étais arrivée. Dans ma solitude et mon désespoir, il m’avait un peu réconforté. Menottée, il m’escorta dans une salle blanche, si pure qu’elle m’éblouit lorsque j’arrivais, tranchant nettement avec la cellule grise et morne que j’avais habitée jusqu’à maintenant. Des hommes eux aussi habillés en blanc étaient au garde-à-vous, collés aux murs, les bras derrière le dos. On me fit asseoir sur une chaise semblable à celles qui se trouvaient chez Kris. Face à moi une caméra, identique à celles qui se trouvaient déjà à ma droite ainsi qu’à ma gauche. Cette loi n’était pas une plaisanterie pour effrayer les potentiels criminels. Un frisson gravit ma colonne vertébrale pour venir s’arrêter à la base de mon crâne. Un homme en costume noir, à l’allure élégante s’avança et commença à parler d’une voix forte. Il semblait être un orateur de génie.
- Il est vingt-deux heures vingt et une, il est l’heure pour notre criminelle de se voir attribuer sa peine. Merci à nos citoyens d’avoir souscrit à l’offre premium vous permettant ainsi d’assister à l’exécution de notre meurtrière. Comme je le rappelle, la nouvelle loi exige que les prisonniers arrêtés pour des affaires de meurtres, d’agressions sexuelles ou toutes autres actions de cet acabit, se voit attribuer les souffrances de leurs victimes, en temps réel, sous vos yeux ébahis, ainsi que sous le regard des prochains prisonniers. Il est donc actuellement vingt heure vingt-cinq, heure à laquelle les souffrances de la jeune Kris Miller, dix-neuf ans, ont commencé.
Un homme en blanc s’avança rapidement et m’attacha précipitamment les mains dans le dos avec un câble. Une claque magistrale atterrie sur ma joue, m’arrachant un cri de surprise. L’homme qui venait de me frapper m’attrapa par la gorge et serra de plus en plus fort. Pendant que la scène se déroulait, les caméras filmaient et l’homme en costume expliquait la scène, racontant ce que je subissais en le transposant à Kris.
La pression sur ma gorge s’arrêta et je réussis enfin à prendre une profonde inspiration. Je toussais fortement et pleurais. Un nouvel homme s’approcha de moi pour accrocher mes jambes à la chaise, et un second arriva, couteau en main. Il le fit glisser le long de ma mâchoire avant de me cracher dessus et de descendre progressivement la lame, le long de ma gorge puis sur le contour de mes épaules, qu’il entailla à plusieurs reprises. Les seuls sons qui animaient la pièce étaient mes hurlements de douleur ainsi que le discours de l’homme au costume. La lame qui dansait sur ma peau coupa le t-shirt que j’avais, le même que Kris à sa mort, dévoilant ma poitrine aux caméras. Le couteau reprit sa valse macabre pour continuer les entailles sur ma poitrine. J’imaginais les spectateurs rire devant leurs écrans, jubiler de ce que je subissais, vivant cela comme une vengeance pour punir la mort de leur actrice préférée. Sauf que ni sa mort, ni ma torture n’était du cinéma. J’essayais de réfléchir à ce qu’avait vécu Kris, espérant que mon supplice touchera bientôt à sa fin et ma désillusion commença lorsque le tissu de ma jupe remonta sur mes cuisses. Je fermais les yeux et mordais mes lèvres, espérant naïvement que ca n’arriverait pas.
- Voyez-vous, après avoir été mutilée, Kris a été abusée sexuellement par cette criminelle. Jalouse de la relation qu’elle entretenait avec Léo, elle l’a agressé avec les objets qu’elle avait sous la main. Regardez notre meurtrière subir ce qu’elle a fait vivre à Kris, voyez comme elle souffre, imaginez maintenant que c’est ce que Kris à dû vivre.
Le temps semblait s’arrêter. Après ce qui me parut incroyablement long, l’homme en blanc se décolla et s’éloigna. Je n’étais plus qu’une coque de souffrance. Ma gorge me faisait mal à force de crier, mon corps était meurtri et mon âme détruite. On plaça mes pieds dans une bassine d’eau et un homme armé d’un générateur électrique s’approcha. Instinctivement, ma tête se balança de gauche à droite, indiquant mon refus. Les caméras se déplaçaient autour de moi, cherchant à trouver le meilleur angle pour dépeindre ma souffrance. Les pinces du générateur furent accrochées à moi, et la machine fut allumée. L’électricité se déplaça en moi, provoquant une douleur immense et me tétanisant. J’étais droite comme un piquet et incapable de bouger. Puis ça s’arrêta. Et l’énergie recommença à circuler. Deux fois ? Trois fois ? Je n’étais plus sûre de rien. Lorsque ça s’arrêta une énième fois, on enleva les pinces et éloigna le générateur. C’était terminé. Un dernier homme en blanc s’approcha. Une brûlure intense me fit hurler. Je venais d’être marquée au fer rouge sur le ventre, du sceau de la famille Miller. Un coup de couteau atterrit dans mon dos, bientôt suivi d’une multitude d’autres. J’allais en recevoir vingt-huit. Je succombais bien avant la fin.
- C’est ainsi que mourut Kris Miller, tué par sa maîtresse cachée, devenue folle de jalousie, énervée de ne pas pouvoir être celle qui était sous les projecteurs, contrairement à Léo.
Les caméras s’éteignirent, les hommes en blanc débarrassèrent le plateau, les projections montrant le lieu ou Kris était morte disparurent. L’homme en costume s’étira et s’approcha d’un autre homme, le père de Kris. Ce dernier remercia l’orateur d’avoir animé cette exécution et d’avoir réellement montré à quel point sa fille avait souffert. Après ce remerciement, il s’éloigna, une mine satisfaite sur le visage. Il se frotta les mains et rentra chez lui avec sa femme et ses deux autres enfants. Une fois ces derniers couchés, il resta un instant avec sa femme, silencieux avant de finalement prendre la parole.
- Tu imagines ce que j’aurai dû subir s’ils m’avaient attrapé ?
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