Marielle

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Sa peau était douce. Elle était grande et fine. Cela faisait onze ans qu'elle pratiquait la danse, sa passion. Elle avait un port altier. Elle se déplaçait d'un pas léger.

Ses yeux de biche, surlignés d'un trait d'eyeliner, vous regardaient avec franchise et sincérité. Quand elle entrait dans la salle parquetée, elle prenait son envol, glissait, tel un cygne emporté par la brise. Des heures à s'entraîner, virevolter, sauter, tournoyer, en compagnie de son double masculin, Jonathan, homme doux, délicat, sensible. Trop sensible.

Elle adorait danser avec lui, travailler avec ardeur les portés, complices à toute heure dans les mouvements cadencés, un duo qui faisait bien des envieux. Leurs sueurs mêlées, leurs corps-à-corps, tout laisserait penser à une relation passionnelle en dehors du Centre de la Danse. Mais Marielle l'avait toujours tenu éloigné de sa vie privée, le rendant terriblement malheureux. Il s'était, depuis, contenté de ces entraînements quotidiens, qui lui apportaient déjà quelques heures de bonheur.

Ses regards énamourés ne parvenaient pas à faire ployer sa partenaire. Il serrait fort ses mains, sa taille, se rapprochait d'elle dès qu'il pouvait pour sentir son parfum. Les autres danseurs observaient ce manège, cette danse à deux, idéale, qui n'était que le résultat d'un travail acharné.

Marielle ne regardait que son corps, ses pieds, qui fléchissaient, se haussaient, s'étiraient dans un mouvement gracieux. Elle s'évertuait à donner toute son énergie pour rendre son ballet le plus parfait possible, elle devait prouver qu'elle pouvait accéder au titre de petit rat. Sa concentration était extrême, ne tolérait aucun manque disciplinaire, aucune émotion mal maîtrisée.

Elle n'était, de toute façon, pas amoureuse. Il le savait, elle le lui avait maintes fois répété.

Au risque de le décevoir, elle avait jeté son dévolu sur un homme de vingt-neuf ans, dix ans de plus qu'elle, une espèce de voyou de quartier, tatoué, percé, vivant de petits recels. Elle adorait sa démarche chaloupée, le mégot de sa cigarette au coin de la bouche, arborant l'air sérieux de celui qui en sait long sur la vie.

Elle écoutait les récits de ses vols à la roulotte, de ses petits cambriolages sans envergure, elle en riait, elle aimait son air gouailleur, sa barbe de trois jours, ses jeans déchirés.

Les voir se promener tous les deux dans la rue n'était pas banal. Son manteau en lainage beige cintré à la taille, ses escarpins à brides rouges, son écharpe aux motifs chatoyants, contrastaient avec le blouson en cuir et la boucle d'oreille.

On pouvait les croiser souvent dans la rue, lancés dans une conversation qui ne concernaient qu'eux deux. Ils ne faisaient pas attention aux passants. Leurs yeux rieurs attestaient de leur complicité. Ils échangeaient des baisers fougueux sans pudibonderie, avec un naturel déconcertant.

Le tenant par le cou, Marielle lui susurrait à l'oreille :

  • Tu es mon roi, mon guide, mon amour.

Il répondait :

  • Tu es mon étoile du berger, avec toi, j'irai partout, sans crainte du lendemain.

Elle rajoutait :

  • Je suis comme une moule sur son rocher, personne ne pourra m'en déloger.

Et ils repartaient dans un fou rire communicatif. Les gens se retournaient sur ce couple visiblement très amoureux. Léo, d'un air protecteur, fusillait du regard toute personne qui les regardait avec un peu trop d'insistance.

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