Terribles révélations

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Roch avait réussi à revoir son copain prisonnier. Il avait obtenu l'autorisation de se rendre au parloir assez facilement. La nuit précédant la date de la visite, il avait vraiment mal dormi, cherchant dans la noirceur de la nuit le sommeil qui ne venait pas. Pas étonnant quand on sait que Roch aurait dû se retrouver lui aussi derrière les barreaux.

Par amitié pour Léo, il lui assura qu'il avait besoin de le voir, pour se rendre compte par lui-même de l'état de son pote, après trois mois passés dans un univers réputé pour être très dur. Son appréhension était grande. Il imaginait Léo très seul, surtout depuis que sa fiancée ne faisait plus l'effort de se déplacer pour lui. Elle ne le soutenait pas au moment où il en avait le plus besoin. Voilà pourquoi Roch était toujours célibataire. Les femmes le décevaient. Celle-là, il lui aurait bien dit ses quatre vérités en face.
Marielle. Cette fille dont Léo s'était entiché un jour, on ne sait plus bien quand. Elle a débarqué dans leur vie et les a mis dans l'embarras. Une jeune danseuse bourrée de talent, certes, mais envahissante. Il avait toujours dit qu'il ne fallait pas mélanger le boulot et les filles. Il ne comprenait pas pourquoi elle était toujours présente lors de leurs soirées entre potes. Une fille au milieu de gars, ce n'était pas correct.

Mais elle avait réussi à se faire discrète. Cela l'avait épaté. Pas un mot de trop, pas un regard mal placé. Elle commandait des pizzas et des bières pour eux et les laissaient tranquilles. Heureusement, car sinon il aurait été obligé d'en parler à Léo. Les autres copains aussi la toléraient. Alors ce n'était pas cette gonzesse qui allait gâcher aujourd'hui la vie de son meilleur pote. Il s'en faisait la promesse.

Il passa la porte d'entrée du pénitencier la peur au ventre, le visage crispé. Il avait l'impression que tout le monde le regardait et lui reprochait sa présence ou que les gardiens savaient qui il était. Les regards scrutateurs le mettaient mal à l'aise.

La fouille se passa bien, il accéda à une salle aux murs peints en blanc, où étaient disposées quelques chaises et des tables pour accueillir au mieux les familles, les frères, les soeurs. Tous chuchotaient.

La mère de Léo lui avait dit comme c'était stressant. Elle revenait toujours en pleurant. Elle n'avait pas montré ses larmes à son fils. Mais le retour à la maison était difficile.

Il s'assit sur un siège vide et attendit. Un gardien apparut avec Léo.

Il avait le visage émacié, les yeux encore plus noirs que d'habitude semblait-il. Une colère sourde le rongeait de l'intérieur. Il serrait ses poings dans un effort de maîtrise de soi. Il esquissa un pauvre sourire en direction de Roch, lui donna une tape sur l'épaule.

  • Putain, Roch, tu es venu ! Tu as vu, ici, c'est pas Versailles. Une douche de cinq minutes par jour, de la purée et des boulettes presque à tous les repas. Et les gars qui sont là, je ne te raconte pas.
  • Tu es mon pote, c'est normal, j'aurais pu être à ta place. On est tous dévastés de vous savoir ici. Du coup, je me suis rangé. Je travaille au bar avec Mario.
  • Tu as bien fait. Les conneries, c'est fini. Vivement que je sorte d'ici. En plus mon codétenu me casse les couilles. Je lui ai fait son compte. Mais je vais encore passer trois mois de plus derrière les barreaux. L'avocat m'a dit qu'il y avait eu un changement et qu'il m'en parlerait. Tu sais, toi ?
  • Oui le gars qu'on a cambriolé s'est suicidé, du coup, ça alourdit votre peine, désolé, gars.
  • Ouais, pas de chance. Ça aurait pu bien tourner. Simon et Solal vont bien ? Je n'ai pas le droit de les voir. Putain de règlement à la con.
  • Oui, ça va, comme toi. Ils ont maigri. Ils ont du mal à rester enfermés, ils tournent en rond. Simon a un nouveau tatouage sur l'avant-bras. Un scorpion.
  • Ah ouais, cela lui en fait cinquante au moins ! Mais j'aimerais savoir autre chose Roch. Marielle, tu sais pourquoi elle ne vient plus ? Elle n'a pas répondu à ma lettre.

Roch baisse la tête, le moment qu'il appréhendait était arrivé. Il devait révéler à son ami les incartades de sa dulcinée. Il déglutit, mal à l'aise.

  • Oh, tu me dis, j'ai besoin de savoir, insista Léo.
  • Elle traîne avec une danseuse, Stella, une fille pas très clean, qui boit et a des potes chelous. Elles sortent en boite.
  • Putain, je le savais !, cria-t-il en se levant, faisant racler la chaise derrière lui.

Il s'exclama si fort que le gardien approcha immédiatement et mit fin d'un geste au parloir. Tous les regards convergeaient vers eux. Ils n'eurent même pas le temps de se dire au revoir.

Dans sa cellule, Léo broyait du noir, donnait des coups de poing dans les murs. Il envoya valser tout ce qui était sur sa petite table, près de son lit. Son codétenu secoua la tête d'un air dépité. Léo le lorgna d'un air torve. Il évita son regard, fit semblant de lire son magazine "Auto-moto". Celui-là n'arriverait pas à se remettre sur les rails, il en faisait le pari.

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