Tentations

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Le vent s'engouffre par la fenêtre ouverte et gifle mon visage. J'ai besoin de ce coup de fouet pour atténuer mes ardeurs. Je m'imagine la basculant sur le siège arrière, profitant de sa vulnérabilité et de sa naîveté pour ouvrir son décolleté, lui arracher son soutien-gorge, lui ouvrir les cuisses, admirer sa toison brune et la pénétrer sauvagement. Je suis trop bien éduqué pour cela. Je ne serai pas l'amant d'un soir, je ne serai pas celui qui aura promis monts et merveilles sans lui assurer que sa vie sera réellemment belle.

Je regarde son doux visage posé sur mon épaule, en toute confiance. Ses cheveux s'étalent sur mon cuir. Avec moi, elle est rassurée. Ses mains sont croisées sur ses genoux, elle s'abandonne à la douceur de cet instant. Jamais elle ne penserait que je serais capable de me comporter comme un amant éconduit et rancunier, ce que je suis en vérité. J'ai la force de me contenir, je me dis que j'en serai récompensé. Pour l'instant, elle est toute à moi. Nous admirons la mer. Les mouvements de l'eau dont l'écume nous parvient par à-coups nous enivrent. Que j'aime cette fraîcheur vivifiante d'une soirée ordinaire. Non, pas si ordinaire puisque je suis en compagnie de la fille dont j'ai toujours rêvé.

Lorsque j'ouvre les yeux, c'est un visage inconnu que je vois, un homme baraqué au crâne rasé muni d'une batte de base-ball. D'où vient-il ? Comment a-t-il pu nous suivre sans que je m'en rende compte ? Les questions se bousculent en boucle dans mon cerveau. Je n'ai pas les réponses. Il ouvre la portière et me jette par terre violemment sans que je puisse esquisser le moindre geste. J'entends les cris effarés de Marielle. Elle répète sans cesse :

  • Non, Roch, non ! Non, arrête, Roch !

Mais sa voix de crécelle ne parvient pas à stopper la rage du jeune homme en proie à une colère dévastatrice. Pourquoi ? Les coups pleuvent, sur mes côtes et dans le dos. Mes jambes émettent un craquement sinistre lorsque la batte s'abat une énième fois sur moi. Le sang coule de mes narines, le goût métallique du liquide chaud m'écoeure. Je m'essuie d'un revers de manche. Mon crâne semble exploser sous la douleur. Je suis victime d'un acharnement incroyable. Je n'ai pas résisté. Je me mets en position foetus, au sol, j'attends que cela s'arrête. Mes paupières ne parviennent plus à s'ouvrir. J'entends encore les pleurs de Marielle, puis plus rien.

Trois mois plus tard...

J'aurais pu mourir, mais le sort en a décidé autrement. Je végète depuis plusieurs mois dans ce centre de rééducation. J'apprends à réutiliser mes bras, mes doigts, même prendre un stylo me coûte des efforts immenses, jamais je n'aurais cru ce soit difficile à ce point. Ma famille est effondrée. Personne ne comprend qui m'en a voulu ainsi, moi, un jeune homme sans histoires, féru de danse et de lecture. Les parquets de mon école ne verront pas de sitôt mes chaussons que j'entretenais avec amour. Je ne pourrai plus mouvoir mon corps avec souplesse. Mon bassin est cassé, je devrai utiliser une canne pour me déplacer.

J'ai eu le tort d'aimer une fille inaccessible, réellement impossible à aimer, intouchable et protégée. Roch. Je me souviens de ce prénom mais je me suis bien gardé de le dire aux flics chargés de l'enquête. Ils ont retrouvé ma voiture en bas de la falaise. Depuis, je fais croire que je suis amnésique pour qu'ils me laissent tranquille.

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