Chapitre 5

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Je marche depuis déjà une semaine, sans rien trouver d'intéressant, je ne sais pas quelle distance j'ai parcouru, mais à force de marcher, les courbatures ont finit par disparaître, ou peut être que je ne les sens juste plus, elles se fondent peut être dans la masse de douleur que je supporte chaque jour. Je ne m'en rends plus compte, le seul moment où je sens que j'ai encore trop forcé sur mes muscles est le soir, quand je m'assois enfin après une journée de marche, mes muscles se reposent uniquement la nuit, mais je ne leur permet pas de se rétablir, chaque matin je repars inlassablement vers un but dont j'ignore l'emplacement. Je pense que j'ai finit par me dire qu'il doit y avoir d'autres personnes dans cette forêt, je sens au plus profond de moi que je ne suis pas seule, qu'il y a d'autres gens qui se sont aventurés ici, et qui sont encore en vie quelque part dans la forêt. Je vais bien finir par les trouver, où qu'ils soient. On ne s'en rends pas compte lorsque l'on est entouré, mais la solitude que l'on ressens est des plus oppressante lorsque l'on est réellement seul. J'ai passé uniquement sept jours sans personnes, et je me sens bien plus seule que lorsque j'étais à l'orphelinat alors que je parlais à personne des semaines entières sans en être dérangée le moins du monde. Lorsque l'on est seul, réellement seul, on sens qu'on ne vas pas tenir longtemps, les gens qui nous entourent nous donnent de la force, ils sont là même s'ils ne nous parlent pas, et savoir que l'on est entouré donne beaucoup de courage, car on sait que si l'on tombe, quelqu'un sera toujours là pour nous relever, mais seul dans une forêt, personne n'est là, et si on tombe, rien ne nous relèvera, et c'est à notre force mentale de ne pas faiblir et de toujours continuer à nous relever, encore et toujours, jusqu'à ce que l'on trouve quelqu'un apte à nous tendre la main.

Absorbée par ces sombres pensées, je ne fais plus attention à ce qui se déroule autour de moi, je cherche en moi la force de continuer à avancer. Un bruit sourd et insistant me tire de mes pensées, je tourne la tête vers l'origine du bruit mais ne vois rien, il semble pourtant se rapprocher peu à peu. Je fouille le paysage du regard aussi de l'endroit d'où semble provenir le bruit et pour plus de sûreté, je regarde un peu partout autour de moi, je repère enfin ce qui faisait du bruit et cette chose m'aperçois au même moment et se met à grogner. Je ne bouge pas dans l'espoir qu'il m'évite et reparte. Les battements de mon cœur s'accélèrent, je tente en vain de me calmer, mais l'animal en face de moi me terrifie et me paralyse. Lorsqu'il se décide à bouger, à mon grand désespoir, au lieu de partir il commence à avancer vers moi, le pas lourd, lentement, mais toujours est-il que je ne sais pas quoi faire pour me tirer de ce mauvais pas, et les secondes qui passent sans qu'une seule idée ne me viennent à l'esprit ne font qu'augmenter ma peur. En observant l'animal, je me met à penser qu'une seule de ses pattes pourrait me réduire en bouillie en seulement quelques secondes, des griffes qui me semblent longues, beaucoup trop longes même, sont disposées de façon menaçante à l'extrémité de ses membres. En le voyant approcher, mon esprit est comme mis en pause, je suis totalement incapable de réfléchir à une solution. Il se rapproche de plus en plus, il n'est plus qu'a quelques mètres de moi et hume l'air, je suis presque sûre qu'il a senti mon odeur et qu'il n'attends que d'être un peu plus proche pour me sauter dessus afin que je lui serve de repas. Mon cerveau se remet enfin en route, l'ours n'est plus qu'à trois mètres de moi, mon regard pars à la recherche d'un abri proche, ou de quoi que ce soit qui puisse me protéger un tant soit peu de cet animal. Un grand chêne se trouve un peu plus loin sur ma gauche, l'ours n'a pas arrêté d'avancer, plus que deux mètres et il sera sur moi. Je prends alors une grande inspiration et me précipite vers le chêne visé. Il monte assez haut, cela devrait me permettre d'être hors de portée de ses griffes pointues et affûtées. La branche la plus basse est à peine plus haute que moi les bras tendus, avec l'élan que je viens de prendre je saute le plus haut possible et attrape la branche au dessus de moi. Je me hisse à la force de mes bras ; ce qui n'est pas une mince affaire puisque je n'ai que très peu de muscles ; et m'assois à califourchon sur la branche. Il n'a pas dû apprécier que son repas parte en courant, car je le vois se précipiter à ma poursuite. Je continue mon escalade et monte le plus haut possible tout en restant sur des branches semblant assez solide. L'ours se met à grogner de plus belle est tente de secouer l'arbre, je me cramponne comme je peux pour ne pas tomber, le chêne à beau être imposant, un ours pèse tout de même un certain poids, et avec la hauteur, les branches bougent avec une certaine force. Après de longes minutes d'acharnement, il semble enfin comprendre que je ne me laisserait pas manger aussi facilement et commence à s'éloigner. Je me remet enfin à respirer normalement tout en suivant l'ours du regard, il fait soudain demi-tour et s'élance avec beaucoup plus de force que les fois d'avant contre le tronc de l'arbre, la violence du choc m'a éjectée de l'endroit où je me tenais, je n'étais pas préparée à une telle attaque, je me sens tomber et sais que si j'arrives au sol, je finirais en casse-croûte pour ours dans les secondes suivantes. Je tente de me rattraper à quelque chose durant la chute et finit par sentir une branche sous mes jambes, je plie instinctivement les genoux et finit suspendue la tête en bas, et heureusement, hors de portée de l'ours. Je ressens une vive douleur dans le genou gauche, mais essaie de ne pas en tenir compte pour le moment. je me relève et m'assois sur la branche qui m'a sauvée la vie. L'ours a de nouveau fait demi-tour, et je m'attends au pire, je n'ai rien pour me retenir à l'arbre si ce n'est un genou en compote et des bras peu musclés. Je m'allonge sur la branche et l'entoure de mes bras et des mes jambes, c'est la seule possibilité que j'ai pour rester sur l'arbre. Mon genou m'élance et m'envoie des décharges de douleur dans tout le corps. En étant moins haut sur l'arbre, le choc suivant m'a paru moins important que le précédent, je suis l'ours des yeux dès qu'il s'éloigne mais ne peux m'empêcher de les fermer quand il viens frapper le tronc. Au bout d'une dizaine d'assauts violents, l'ours se détourne, je m'attends encore une fois à une charge brutale, mais cette fois-ci, il s'allonge plus loin et attends tout en fixant l'arbre où je suis installée. J'attends encore de longues minutes avant de commencer à desserrer ma prise autour de la branche, je sens que les battements de mon cœur commencent à se calmer, tout comme les tremblements dans mes bras et dans mes jambes. J'ai l'impression que mon genou va exploser tant la douleur est intense. Je ne lâche pas l'ours des yeux au cas où il réitérerai la charge, mais il semble simplement attendre, et c'est effectivement une bonne solution, je ne vais pas rester là haut indéfiniment, je n'ai sur moi que très peu d'eau et de nourriture, il me faudra descendre assez rapidement. Malheureusement, je sens que courir, vu l'état de mon genou, sera absolument impossible, et partir en claudiquant face à un ours en pleine santé n'est pas forcément la meilleure chose à faire si l'on veux rester en vie.

J'ai beau réfléchir, je ne vois pas comment fuir avec ce qui me fait office de genou, il m'est presque impossible de toucher le sol avec la jambe gauche, alors courir, c'est pas une très bonne idée. Il faut que j'arrive à faire s'éloigner l'ours, il faut qu'il se focalise sur autre chose, sur un autre potentiel repas. Peut être qu'il me serait possible de créer l'image d'un animal, juste pour le distraire et le faire partir plus loin, beaucoup plus loin même si je veux avoir une chance de m'enfuir. Créer quelque chose de semblable à un animal me semble impossible, un ours ne risque pas de se faire berner si l'animal créé n'a pas d'odeur. Tout en réfléchissant au moyen de le faire déguerpir, j'aperçois du coin de l'œil un mouvement entre les arbres, je tourne vivement la tête de peur que l'ours se soit à nouveau mis en tête de foncer sur l'arbre pour me faire tomber. Mais au lieu d'un ours, je vois s'approcher un sanglier de belle taille. Il ne semble pas encore se douter de la présence d'un potentiel prédateur. L'ours, quant à lui, l'a bien entendu arriver, mais ne se redresse pas encore, il attends que le sanglier se soit rapproché, probablement pour économiser ses forces. Je ne bouge pas d'un poil, je ne veux pas ruiner ma chance de m'en sortir. Le sanglier s'arrête brutalement de bouger, il semble humer l'air comme s'il avait senti quelque chose de suspect, je croise les doigts avec appréhension, s'il s'en va maintenant, je n'aurai probablement aucune autre opportunité comme celle-ci avant longtemps. Finalement il remet le nez dans l'herbe, probablement en quête de glands, et continue peu à peu d'avancer vers l'ours. Il remarque enfin le prédateur lorsqu'il n'est plus qu'à une dizaine de mètres de lui, l'ours se lève alors et se met à avancer plutôt rapidement vers le sanglier, celui-ci commence à partir, et les deux bêtes partent dans une course poursuite que je suis des yeux jusqu'à ce que la végétation me bloque totalement la vue des deux animaux. Je commence alors à descendre de l'arbre en essayant d'éviter d'utiliser ma jambe gauche. La branche la plus basse me semble tout à coup beaucoup trop haute, en tout cas beaucoup trop haute pour que je me rattrape uniquement sur la jambe droite. Je m'agrippe avec les deux mais et me laisse tomber, sans pourtant lâcher la branche, je suis en suspension à un peu plus d'une vingtaine de centimètres du sol, je me prépare à lâcher et m'insuffle mentalement de la force pour faire face à la douleur que je vais ressentir dans quelques instants. Je me répète inlassablement "ne pas crier, ne pas crier, ne pas crier..." je ne veux surtout pas que l'ours ne se décide à revenir vers moi. Je lâche enfin la branche et atterri au sol avec un niveau d'élégance proche du zéro absolu. La douleur que je ressens alors est à la limite du supportable, je commence à pleurer de douleur, mais ne me repose pas, je me relève et m'éloigne de l'arbre en traînant ma jambe derrière moi. J'essaie de prendre appui sur un bâton trouvé par terre afin de réduire la douleur, ou en tout cas de ne pas l'augmenter.

***

Je marche ainsi depuis quatre jours, je viens de finir mes dernières réserves, et n'ai maintenant autour de moi pour me nourrir, que des plantes dont j'ignore le nom. Je continue d'avancer malgré tout tout en espérant trouver quelque chose de comestible en chemin.
Je viens d'apercevoir un mouvement au travers des arbres, mais je ne pense pas que ce soit un animal sauvage. Ils sont plusieurs à marcher dans ce qui semble être un village, je ne sais pas si j'ai réussi à ressortir de la forêt, je ne sais pas si c'est réellement un village ou si c'est mon esprit fatigué qui me joue des tours, toujours est-il que la joie que je ressens est intense et me fait oublier un instant mon état pitoyable. Une racine fourbe me le rappelle alors en un instant, je trébuche et m'étale de tout mon long sur le sol, la vague de douleur qui me submerge me donne un vertige relativement violent, je tente de me relever, d'avancer vers le village, je suis si proche du but, je ne peux pas m'arrêter là, pas maintenant ! Le surplus de douleur dans ma jambe me fait perdre conscience alors que je ne suis qu'à quelques mètres de personnes aptes à m'aider. Ils ne rentreront jamais dans la forêt, tout le monde en a peur, alors pourquoi s'y avanceraient ils sans aucune raison. Je risque de mourir de faim, de soif, ou tuée par quelque bête sauvage à seulement quelques mètres d'Hommes capable de me porter secours.

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