Chapitre 4 - Nouvelle vie

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Quelqu’un me secoue doucement l’épaule. J’émerge d’un sommeil sans rêves et cligne des yeux. Nous sommes sur une aire d’autoroute avec des restaurants et une station essence. Mon ventre gargouille pour me rappeler que je n’ai pas mangé. Je regarde ma montre, il est un peu plus de vingt heures.

- Tu n’as pas mangé, déduit Justin. Et moi non plus.

Il sort de la voiture et je le suis en prenant mon sac avec moi. Linkin Park retentit soudain. C’est la sonnerie que j’ai configuré pour Kenza, elle doit être morte d’inquiétude. J’extirpe mon smartphone de la poche de mon Eastpack mais je n’ai pas le temps de décrocher car Justin me le prend des mains. Il le jette à ses pieds et l’écrase de tout son poids. Il ne reste plus rien de mon téléphone.

- Hé mais tu es malade ! Pourquoi tu as fait ça, je hurle en colère.

- Ce sont des pros Emmy, ils peuvent te retrouver avec ça. Tu peux t’estimer heureuse que ce ne soit pas le dernier IPhone, se moque-t-il.

Je m’en fiche, je tenais à ce téléphone ! Bon, cela ne sert à rien de s’énerver, il est trop tard maintenant. Ma vie a changé et je dois l’accepter. Je dois passer en mode survie si je ne veux pas mourir.

Justin entre dans un snack qui accueille peu de monde. Les gens le dévisagent, en particulier les filles qui lui font les yeux doux. Je secoue la tête et pénètre dans le bâtiment. Nous passons commande et il paye galamment la note. J’aurais pu me croire à un rencard si la réalité ne revenait pas à la charge.

Nous nous asseyons à une table à l’écart des autres sous le regard mauvais des filles. Elles doivent se demander ce qu’un mec comme lui fait avec une fille comme moi. Je me poserais la même question si je n’étais pas en cavale.

Nous mangeons notre sandwich en silence.

- Tu ne m’as dit quel est ton don, commence-t-il.

- Je suis empathe et toi ?

- Je suis télépathe, déclare-t-il d’un ton grave.

- Ah oui ? tu peux donc lire dans les pensées, je m’enthousiasme.

- Pas exactement, je ne suis encore pas Edward Cullen, blague-t-il.

- On connait ses classiques à ce que je vois !

Son rire est éclatant, on dirait qu’il pose pour une pub de jus d’orange. Il est drôle et charismatique avec un charme fou, pas étonnant qu’il fasse craquer toutes les filles. Je ne peux m’empêcher de rire à mon tour.

- Je peux savoir à peu près ce que les gens pensent grâce aux énergies qu’ils dégagent et par ma très forte intuition, rétorque-t-il plus sérieusement. C’est un don extrêmement rare.

Il me sonde du regard, sûrement parce qu’il n’a pas eu le temps de bien voir mon visage. Je rougis et baisse la tête. Ses yeux bleus m’intimident beaucoup.

- Tu parais très jeune, remarque-t-il. Tu as quel âge ? Seize ans ?

- Dix-huit. Toi aussi tu as l’air jeune, tu as vingt ans ?

- Non, j’ai vingt-quatre ans. Permets-moi de te dire que tu ne fais pas ton âge, c’est déstabilisant d’imaginer une fille comme toi dans le supérieur.

Qu’est-ce que ça veut dire une fille comme moi ? Attention je suis de nature calme mais il ne faut pas m’énerver. Je lui lance un regard meurtrier.

- C’est pour rire, détends-toi un peu.

- Comment veux-tu que je sois détendue après ce que je viens de vivre ! c’est peut-être la vie que tu as l’habitude de mener mais pas moi ! je lâche un peu trop fort.

Les gens se retournent et Justin me regarde interloqué. Tout le monde est habitué à me voir calme, c’est ce que je suis la plupart du temps mais là j’ai les nerfs sensibles.

- La réplique de Ken va vite apprendre à me connaitre ! j’assure d’une voix dure.

Je prends mes papiers, les jette à la poubelle et me dirige vers la sortie laissant l’autre abruti derrière. Il me rattrape vite par le bras et me force à me retourner.

- Hé, je suis désolé d’avoir dit ça, mais c’est juste que tu sembles si fragile que j’ai envie de te protéger, avoue-t-il.

Je suis abasourdie par ces propos, jamais un gars n’a été aussi sincère avec moi. Ces yeux bleus me transpercent et dégagent une certaine franchise. Il me lâche et chemine jusqu’à la voiture. Je n’ai nulle part où aller alors je fais de même.

Dans la voiture personne ne parle. Justin conduit vite sur l’autoroute car la circulation est fluide, il a peu de personnes. Je continue ma sieste pour ne pas avoir à discuter avec lui.

Quelques heures plus tard, je suis réveillée par les soubresauts de la voiture. Il est plus de vingt-trois heures. Nous sommes sur un chemin avec des nids de poules et des arbres autour. Seuls les phares allumés permettent de percer la nuit noire de septembre. Justin s’arrête devant un manoir immense.

- Bienvenue au Foyer, clame-t-il d’un ton théâtral.

Il n’y aucune lumière qui nous montre le chemin. Je trébuche plusieurs fois en montant les marches. Justin pousse la lourde porte en bois.

Les lustres en or éclairent un hall d’entrée spacieux. Les murs sont habillés de vieilles peintures du XVIIIème siècle et de grands tapis ornent le sol. Un tapis rouge est déroulé sur les escaliers doubles.

Une femme d’une quarantaine d’années descend élégamment les escaliers. Je ne peux m’empêcher de la contempler, elle est si jolie. Elle se dirige vers nous.

- Tu n’aurais pas dû nous attendre Nathalie, lui reproche Justin. Il est tard.

- Je voulais accueillir notre nouvelle pensionnaire comme il se doit, répond-elle en souriant.

Elle se tourne vers moi et je croise son regard chaleureux. Cette femme dégage tellement d’énergie positive que je me sens immédiatement à l’aise.

- Bonjour, je suis Nathalie la propriétaire des lieux et responsable de ses habitants.

- Enchantée, je suis Emmy, j’assure d’une voix claire.

- Cette journée a été éprouvante pour toi, continue-t-elle le sourire aux lèvres. Je vais te montrer ta chambre.

Nous nous dirigeons tous trois à l’étage puis prenons le couloir de gauche. Nathalie fait signe à Justin d’aller se coucher et celui-ci fait demi-tour vers le second couloir.

Je peux examiner le long couloir aussi luxueux que le hall. Il y a beaucoup de portes mais Nathalie s’arrête vers le milieu du couloir. Nous entrons dans une vaste chambre, elle est trois fois plus grande que la mienne.

- C’est ta nouvelle chambre, m’indique la propriétaire. Fais comme chez toi, c’est ta nouvelle maison. Les sanitaires filles sont au bout du couloir. Je t’expliquerai tout ce que tu dois savoir demain.

Je n’ai pas le temps de dire quoi que ce soit que Nathalie est déjà partie en me souhaitant une bonne nuit.

Je pose mon sac près du lit et contemple cette magnifique chambre. Les meubles et la tapisserie sont dans un style ancien mais sont tellement en bon état qu’ils semblent neufs. C’est une véritable chambre de princesse !

Je ne peux m’attarder longtemps sur ce spectacle qui me parait surréaliste car je suis épuisée. J’enfile le seul pyjama que j’ai jeté dans mon sac quelques heures plus tôt et me faufile sous la couette. Le lit est moelleux et les couvertures sont douces comme du coton. Je ferme les yeux, une part de moi espère que tout ceci n’est qu’un rêve.

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