Le dessert entre nous
POV Margaux
Le serveur dépose le dessert entre nous. Un fondant au chocolat. On le partage, comme d’habitude.
La pluie ruisselle sur la baie vitrée du café. Le genre de pluie douce, presque discrète, qui rend les gens mélancoliques sans trop savoir pourquoi.
Je le regarde. Ses yeux fuient un peu, mais il sourit. Pas un grand sourire. Un petit. Le genre de sourire poli qu’on fait aux gens qu’on connaît bien mais qu’on ne comprend plus tout à fait.
Et moi, je le sens. Je le sens que je suis au bord.
Alors je le dis. Presque à voix basse, comme si j’essayais le mot. Comme si je testais l’écho.
— Je t’aime.
C’est sorti tout seul. Pas un "je t’aime" flamboyant. Pas un "je t’aime" dramatique. Juste… un aveu. Doux. Nu. Vrai.
Et puis, le silence.
Long. Douloureux. Plus brutal que n’importe quelle parole.
Il baisse les yeux. Coupe un morceau du gâteau. Il mâche. Il ne répond pas.
Alors je souris. Moi aussi, un petit sourire poli. Je regarde la pluie. Et je me dis que je ne recommencerai plus.
Je joue avec ma cuillère. J’évite ses yeux. J’efface l’instant.
Mais à l’intérieur, quelque chose a craqué.
Je crois qu’il ne m’aime pas.
POV Louis
Elle a dit : "Je t’aime."
Juste comme ça. Entre une bouchée et un silence. Presque comme une question.
Et moi, j’ai rien dit. Pas parce que je ne ressens rien. Au contraire. C’est ça le problème.
Je l’aime. Je crois. Mais pas comme elle. Pas avec cette fluidité-là. Moi, ça me fait peur, l’amour.
Quand elle a dit ces mots, j’ai senti mon cœur se raidir. Comme un chien surpris qui ne sait pas s’il doit mordre ou s’enfuir.
Je n’ai pas su quoi faire. Alors j’ai fait ce que je fais toujours : j’ai gagné du temps. J’ai coupé le gâteau. Je me suis réfugié dans la matière. Le goût du chocolat, la chaleur du café. Des trucs que je peux contrôler.
J’ai senti son regard glisser loin de moi. J’ai voulu le rattraper. Mais les mots étaient trop gros. Coincés. Et si je répondais "moi aussi", juste pour lui faire plaisir ? Est-ce que ce ne serait pas une trahison ? Une lâcheté ?
Alors j’ai gardé le silence. C’était sûrement pire.
Je suis lâche, oui. Mais pas menteur.
Je l’aime. Vraiment. Mais pas comme dans les films. Pas comme elle le mérite. Mon amour à moi, il est cabossé, maladroit, pas photogénique. Il s’exprime mal.
Et ce jour-là, à ce moment précis, j’ai raté ma chance.
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