Chapitre 2 La nuit
La chambre d'hôtel me tenait comme une boîte trop grande. Les murs beiges, la lumière jaune qui colle aux draps, le mini-bar qui me regardait comme un complice fatigué. J'ai balancé ma veste sur la chaise, mes chaussures dans un coin. Me suis retrouvé torse nu devant le miroir. Type fatigué, quelques tatouages qui racontent des histoires que je ne dis plus, yeux creusés, barbe de trois jours. Et pourtant… la bite dure comme si j'avais dix-sept ans.
— Merci à toi, Clara. Tu m'as volé mon sommeil.
J'ai pris mon carnet. Toujours. J'ai écrit comme un homme qui gratte une allumette :
Elle s'assoit sur les banquettes, moi je reste debout à tomber. Elle écrit ses consignes et ma peau crie. She's not a woman I can play. She's a woman I can lose.
J'ai posé le carnet. Me suis allongé sur le lit. Mais fermer les yeux c'était pire. Elle était là. La jupe qui suivait ses cuisses, elle écrivait encore, sa main gauche sur sa poitrine, ce geste qui m'avait cloué à ma chaise. J'ai vu sa cuisse, la marque plus claire que le reste, comme une route secrète.
Dans ma tête, je m'agenouille devant elle. Au café. Là où je l'ai vue. Je glisse entre ses genoux et la table, lentement, comme on demande une permission sans mots. Elle lève les yeux de son carnet. Me regarde. N'arrête pas d'écrire mais me regarde quand même. Let me touch that skin, doucement, like asking forgiveness.
Mon ventre s'est tendu, la chaleur est montée. Mon sexe dur contre mon boxer, insistant, réclamant. Ma main a hésité. Don't do it, Nathan, don't cheapen it. Mais l'image insistait, violente. Ma bouche sur sa cuisse, juste là où la marque commence. Ses doigts qui lâchent enfin le stylo, glissent dans mes cheveux. Sa voix basse, « doucement, Nathan, prouve que tu sais » — j'ai gémi dans le noir comme un adolescent idiot.
Fuck it.
Ma main a glissé dans mon boxer. Mon sexe était brûlant, tendu, honnête. J'ai fermé les yeux. Je l'ai imaginée au café, mais cette fois elle ferme son carnet. Pose sa main sur ma nuque. M'attire plus près. Sa jupe remonte sous mes doigts — centimètre par centimètre — et elle ne dit rien, me regarde juste, ces yeux miel ou noisette selon la lumière, et elle attend de voir si je mérite.
J'ai commencé lentement, comme je la toucherais — patient, attentif. My hand on my cock, thinking of her skin I haven't seen. Dans ma tête, je découvre sa peau au-dessus de ses bas. Chaude. Douce. Je trace la marque avec ma langue pendant qu'elle retient son souffle. Elle écarte légèrement les genoux. Permission silencieuse.
Christ.
Ma main travaillait plus fort maintenant. Dans le fantasme, je la soulève, la porte jusqu'à une chambre — pas cette chambre, une chambre imaginaire où elle accepte d'être. Je la pose sur un lit simple. Elle me regarde enlever ma chemise, mon jean. Ne dit rien. Juste observe. Juge. Décide si je passe le test.
Je l'imagine qui se déshabille pour moi. Lentement. Contrôle chaque geste. Sa jupe qui tombe. Son chemisier déboutonné. Je ne sais pas à quoi ressemblent ses seins — je ne les ai jamais vus — mais je les imagine petits, parfaits, marqués peut-être d'autres cicatrices. Ses mamelons durcis. Elle se tient debout devant moi, nue, et c'est elle qui décide du tempo.
— Allonge-toi, dit-elle dans ma tête.
J'obéis. Elle vient sur moi, à califourchon, prend son temps pour me guider en elle. Ses mains sur mon torse pour garder l'équilibre. Elle bouge lentement, refuse de se presser même quand je la supplie. One inch at a time, Nathan. Learn. Ses cheveux — que j'imagine détachés maintenant — tombent en avant. Elle me regarde comme elle m'a regardé au café : pas de complaisance, pas de jeu, juste la vérité nue.
Mon poing s'est resserré. La sueur coulait sur mon front. J'étais proche, trop proche. Dans ma vision, je glisse mes mains sur ses hanches, la tiens fermement. Elle se penche enfin, m'embrasse. Sa bouche sur la mienne — que je n'ai jamais touchée — sa langue qui cherche, qui trouve, qui goûte.
Elle gémit mon prénom. Nathan. Comme elle l'a dit au café mais différemment — cassé, urgent, une permission et une prière à la fois. Ses ongles griffent mes épaules. Elle bouge plus vite maintenant, oublie son propre rythme, se laisse aller, et c'est ça qui me tue — la voir perdre le contrôle, la voir humaine, la voir jouir sur moi.
— Clara...
J'ai joui dans ma main, fort, son prénom sur les lèvres, le corps arqué. Le plaisir m'a vidé, m'a laissé tremblant sur les draps froissés. J'ai serré les dents pour ne pas crier trop fort.
Silence. Le plafond. La réalité.
Fuck.
Je me suis levé, titubant presque. J'ai nettoyé ma main dans la salle de bain, évité mon reflet. Vieil idiot qui se branle en pensant à une femme qu'il a vue une fois. Très classe, Nathan. Very smooth.
J'ai bu une gorgée de whisky au mini-bar. Le feu a descendu ma gorge comme un rappel : elle n'est pas là, elle n'a jamais été là dans ce lit. Elle est ailleurs, invisible, protégée derrière ses carnets, sa réserve, ses distances claires.
Et ça m'excitait encore plus.
Pas l'interdit. Pas le jeu. L'honnêteté brutale de son refus de plaire. She doesn't perform. She exists. Et j'avais joui en pensant à elle, en imaginant sa peau que je n'ai jamais touchée, son souffle que je n'ai jamais senti, son prénom dans ma bouche comme une prière.
Mais ce n'était pas juste son corps. C'était la façon dont elle avait dit mon nom. « Nathan. » En pesant le mot. Comme si elle décidait si je méritais d'être prononcé. Personne ne dit mon nom comme ça. Personne ne me regarde comme ça — comme si j'étais réel, pas l'acteur, pas le musicien raté, juste l'homme fatigué qui cherche quelque chose de vrai.
Je suis revenu au lit et au carnet. J'ai écrit, rageur :
Elle refuse d'être prise. Moi je ne veux qu'elle. She doesn't want to haunt me. She already does. Je me suis branlé en pensant à sa bouche et je ne regrette rien. Apprendre à la vouloir : un centimètre à la fois.
Demain, repérages. Film. Claire Béatrice Montfort. Toutes ces choses qui m'importaient hier. Avant elle.
Les aiguilles de l'horloge ont glissé. Deux heures. Trois heures. Mon sexe s'était calmé mais le reste non. Je sentais encore sa peau imaginaire sous mes doigts, son poids sur mes hanches, ce son qu'elle ferait — que je n'ai jamais entendu — si je la touchais vraiment.
J'ai fermé les yeux encore une fois. Plus pour jouir, non — juste pour la garder là, silhouette dans ma tête, cheveux détachés que j'imagine, cicatrices que je ne connais pas encore mais que je veux apprendre. J'ai imaginé ce qu'elle ferait après. Si elle resterait. Si elle partirait. Si elle me regarderait avec ce même calme qui me désarme, comme si baiser n'était qu'une phrase de plus dans une conversation longue.
Je me suis endormi vers cinq heures. Pas vraiment dormi. Les draps froissés, ma peau collée de sueur froide. Mon sexe au repos enfin, mais la brûlure intacte.
L'aube
Je me suis réveillé à l'aube avec son sourire dans la tête. Pas son corps. Son sourire. Celui qu'elle n'a presque pas donné. Minuscule. Intérieur. Celui qui dit : peut-être.
J'ai regardé le plafond et j'ai souri, amer. Great job, Nathan. You wanted coffee. You found a ghost. Now try to live with that.
Mais je n'avais pas le choix. Aujourd'hui : repérages pour le film. Cathédrale, vieilles pierres, décors du XVIIe siècle. Claire Béatrice Montfort que je dois trouver. Producteurs qui s'impatientent. Ma vie d'avant, celle qui m'intéressait il y a deux jours.
Et peut-être — peut-être — que je retournerai au café. Par hasard. Peut-être qu'elle y sera. Peut-être que je lui demanderai simplement : « Je peux rester ? ». Pas la toucher. Pas l'embrasser. Juste rester. M'asseoir à côté d'elle. La regarder écrire. Apprendre son tempo.
You're worth the wait. You're worth the hard-on that won't quit. You're worth learning patience all over again.
Je me lève. Je prends une douche froide. Ça ne sert à rien mais ça me réveille. Je m'habille lentement, jean propre, chemise simple. Je vérifie mon reflet : pas un séducteur, pas un chasseur. Juste un homme qui a appris quelque chose hier, au café.
Ne pas jouer. Ne pas décorer. Demander la permission avant de respirer.
Aujourd'hui, Bayeux.
I'm coming.
Slowly

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